Et la croisière s'amuse ! [Feat. Des gens]

Et la croisière s'amuse

Un sourire amusé en voyant Shäan se servir sans honte sur les corps de ces anciens pirates un peu trop téméraires, je me concentre très rapidement sur le plus important : la suite du programme. Celui qui consiste à fêter notre victoire évidemment ! Même si tout le monde n'a pas vraiment participé à part égale dans la déroute des pirates, je sais me montrer suffisamment aimable pour ne pas le faire remarquer ouvertement. Du moins, pas tant que je n'ai pas de bonne excuse pour cela.

Mais on dirait que des raisons de mettre de côté les bonnes manières, je vais en trouver pus vite que prévu. Évidemment, je n'apprécie pas le ton employé par la poiscaille à ma question pourtant on ne peu plus amicale. Je lui renvoie donc son sourire parfaitement faux (il en faut bien plus pour que je puisse m'énerver), sans pour autant me priver de l'occasion de lui répondre sur un ton qui reste malgré tout courtois.

- "Faites donc, mais sachez que chez nous, la petite sœur se montre généralement bien plus redoutable que son aînée."

Ce qui ne m'empêche pas de le ranger soigneusement dans la case des personnes désagréables (j'aime bien cette case, elle me permet de ne pas retenir mes paroles face à ceux qui s'y trouvent). Mais ce n'est pas pour si peu que mon humeur risque de retomber. Au contraire. J'ai toujours été particulièrement à l'aise au milieu de relations houleuses. Je trouve cela bien plus stimulant que toutes ces courtoisies affligeantes de banalité. Et ce qui n'est pas banal non plus, c'est cet arbre qui prouve finalement être doté de la parole (parce que jusqu'à présent, ce n'était pas forcément évident). Cela étant, je ne suis pas sûr de parfaitement comprendre son charabia... En tout cas, je suis à peu près sûr qu'il n'a pas répondu à ma question. Ou alors les sylvains ont un langage qui m'est bien inconnu.

Bon, il n'y a plus qu'à espérer que le reste de l'équipe ne soit pas aussi rabat-joie !! Parce qu'après avoir évoqué cette tournée de rhum, j'ai très envie de profiter de cette pause bien méritée ! C'est donc avec un certain plaisir que j'observe les premiers assoiffés s'attrouper autour du tonneau remonté, godets en main, bien décidés à laisser l'alcool couler ! Parfait. Enfin une réaction normale ! Je me rapproche de ces matelots à la réaction bien plus rationnelle, m'empare d'une choppe, et puisque les bonnes manières ne sont pas de mise sur cette embarcation, je me sers une fois à proximité du fût de bois, juste avant que le gardien du marmot ne revienne de je ne sais où.

N'osant pas réellement m'assoir où que ce soit, je reste seulement adossé au mât central, préférant observer le petit manège qui se met en place, chaque marin visiblement ravi de cette pause qui s'offre à eux. Et le gamin qui apprend à la dure les effets de l'alcool. Ce qui a au moins l'avantage de voir les provisions venir à moi sans que je n'ai à bouger le petit doigt. Ce qui m'étonne légèrement. Après tout, c'est bien de l'arbre que le type à la chevelure flamboyante souhaite apprendre des choses. Je ne comprends pas bien d'où vient cette faveur, mais je ce serait stupide de ne pas en profiter. Je ne me fais donc pas davantage prier pour prendre les quelques morceaux de viande séchée tendus.

- "Il est vrai que votre peuple est particulièrement discret, il n'est pas courant de croiser un représentant de votre espèce. Encore moins sur un bateau. Qu'est-ce qui vous pousse à quitter votre forêt pour partir à l'assaut des mers ?"

Deuxième tentative pour percer le secret du langage sylvain ! On ne sait jamais, peut-être qu'il va finir par prononcer quelque chose d'intelligible. En attendant, c'est avec plaisir que je vide une bonne partie de ma choppe, comptant bien me mêler rapidement à l'ambiance festive qui s'installe sur le pont. Une ambiance festive que je me vois difficilement rejoindre en étant parfaitement sobre.

Et la croisière s'amuse

Il n'est décidément pas évident de faire la conversation avec un arbre, même un arbre a priori doué de parole. Du moins, il connait quelques mots de vocabulaire. Pour ce qui est des constructions grammaticales, je n'en ai encore aucune preuve. Si ce n'est cette question qu'il me retourne.

- "Les affaires."

Non, ce n'est pas vraiment mon travail, encore moins la passion pour ces terres gelées qui m'a amené dans cette partie du monde que je suis bien content de quitter. Rien que de repenser à la raison de ma venue et aux nombreux contretemps rencontrés, j'ai déjà hâte de retrouver les rues bien connues de la Technopole. Et pour accélérer le temps, rien ne vaut le rhum !!

Quand le Sylvain et la nounou prirent congé pour s'occuper du gamin, je préfère largement rester sur cette partie du navire où la fête continue. J'aperçois bien Shäan légèrement à l'écart, à l'avant du bateau, observant je ne sais quoi. J'hésite quelques secondes à la rejoindre, mais j'opte pour un fin de soirée des plus classiques, me dirigeant plutôt vers un groupe de marins déjà fortement alcoolisés.

Je profite de ce moment de détente bien mérité pour en apprendre un peu plus sur la vie que mène cet équipage, tout en me rapprochant du capitaine. Après tout, c'est toujours utile d'avoir des connaissances fiables pour affronter les remous de l'océan. Même si un navire marchand doit par nature attirer de nombreux pirates, cela reste très pratique. Et très vite, mes intérêts personnels liés à ma forte socialisation s'estompent alors que la brume de l'alcool prend possession de mes idées. La musique ambiante ne devient plus qu'un fond sonore qui se mêle aux nombreux rires qui agitent le calme de la nuit, jusqu'à ce que je me retrouve à rejoindre (en tanguant quelque peu) l'une des couchettes au confort contestable. Ce dont je ne suis plus en état de me soucier.

Et comme prévu, les rayons du soleil qui me tirent du sommeil cotonneux dans lequel le rhum m'a plongé, attestant des nombreuses écoulées. L'agitation règne déjà si je me fie aux nombreux ordres qui sont braillés en tous sens. D'ailleurs, la cabine dans laquelle je me trouve parait bien vide en comparaison du nombre de couchettes dont elle dispose. Le peu de forces dont je dispose à ce moment sont rassemblées dans un long soupire de lassitude, avant que je n'arrive enfin à me redresser en position bipède.

Première mission du matin, trouver la réserve d'eau. C'est donc avec le regard embué typique des gueules de bois que je fais de nouveau irruption sur le pont, sans grande énergie tout de même, n'ayant pas particulièrement envie d'adresser la parole à qui que ce soit avant un bon moment. Pas avant que ces tambours n'aient décidé de cesser leur raffut dans mon crâne.