Remplacer les savoirs par d'autres. [Pv Shanette]

— Emerald... J'y suis passé, il y a quelques années, mais je n'en garde que peu de souvenirs.

Il lança à la jeune femme un regard complice, elle était dégourdie, elle comprendrait certainement.

— Ah, je ne connais que trop bien cela, j'étais une calamité pour mon maître aussi !

Après cette rapide discussion, tout s'enchaîna relativement bien. Aux remarques de Shaan, Eliott fit la moue.

— Je suis capable de marcher seul ! Et vous m'avez déjà trop aidé... Et les princes, ça craint ! J'suis un aventurier !

Il grogna la dernière partie de sa phrase toujours un peu grognon. Koniake dût se retenir de le taquiner. L'enfant insista ensuite pour que les adultes sortent et qu'il puisse se rhabiller. Une fois apprêté, il put sortir et boire l'infusion de Koniake. Le soigneur remercia la tenancière et le trio put sortir. Koniake prit la tête du petit groupe pour les mener à une écurie. Il glissa une pièce à un palefrenier qui le salua d'un simple geste et lui assura que "la bête était levée".

— J'espère que vous êtes prêt à rencontrer Jonquille ! Soyez doux avec lui !

Il ouvrit la porte d'un boxe et sauta à l'intérieur, tout excité. Eliott et Shaan purent voir le soigneur se suspendre au cou massif d'un Xontu massif, qui n'avait cependant pas l'air tout jeune. Mais avoir l'Himabahien suspendu ainsi à son encolure ne semblait pas déranger Jonquille qui remua Koniake en secouant gaiement la tête. Le soigneur se tourna tout joyeusement vers les deux autres personnes.

— Il est mimi, hein ? C'est mon Xontu ! Je vais charger les affaires, attendez moi devant, j'en ai pas pour longtemps !

En effet, il n'en eut pas pour longtemps pour charger et préparer Jonquille, mais il commença à se dire que, ça faisait un moment qu'il n'avait pas accordé d'attention à son Xontu adoré. Alors, il se mit à le papouiller et le chouchouter. Oubliant complètement le monde autour de lui.

Eliott, de son côté, avait un peu de mal à détourner le regard de la bête. Elle était si massive. Et ces cornes étaient effrayantes. Il serra son poing et les dents et détourna le regard.

— Shaan, je vais marcher un peu pour me réhabituer à la prothèse. Je serais devant les écuries.

Quand Koniake certifia avoir déjà visité Emerald, mais ne pas en avoir gardé un souvenir, la dame haussa un sourcil avant que son expression ne dépeigne une profonde compréhension. Compréhension qui laissa place au choc quand elle crut comprendre ce que cela impliquait. Alors, il l'avait expérimenté ? Secouant la tête, elle se re concentra bien vite sur le fil de la conversation, cachant son soudain malaise en resserrant la fourrure sur ses épaules puis en envoyant une boutade au soigneur en désignant discrètement Eliott :

- Il faut croire que le cycle continue !

L'enfant ne leur laissa pas le temps de s'appesantir sur le sujet et les chassa de la pièce pour se vêtir seul. Sa remarque avait fait doucement sourire la brune qui souffla à Koniak tandis qu'ils attendaient dans la pièce emplie de rire et d'une forte odeur de bière :

- J'espère qu'il arrivera à être qui il souhaite. C'est parfois dur de ne pas perdre l'essentiel de vue.

Elle-même ne savait pas exactement quel était son but, ni où la mènerait le chemin qu'elle suivait désespérément, happée par le besoin de découvrir les mystères de ce monde.

Ils quittèrent l'auberge dès qu'Eliott les rejoignit et que Shäan eut ajusté le pantalon en repliant le bas de chaque jambe afin qu'il ne marche pas dessus. Elle demanda même à Koniak s'il avait chez lui de quoi coudre, ce qui lui permettrait d'ajuster le vêtement définitivement. Dès qu'ils atteignirent les écuries, toute l'attention de la chasseuse fut accaparée par ce vieux Xontu qui semblait extrêmement affectif avec son maître. Elle ne put d'ailleurs s'empêcher de plaisanter à ce sujet, pouffant sans retenue :

- Et bien, que d'amour ! Et quelle charmante créature ! Vous avez peut-être trouvé là votre âme sœur !

La dame le regarda montrer à la bête cornue des trésors d'affection en songeant à Plume, qu'elle avait laissé à Cirdania, car elle craignait que la jeune Tulki n'apprécie pas ce froid mordant. Hochant la tête à l'intention d'Eliott qui souhaitait se dégourdir les jambes plus loin, la brune se rapprocha ensuite doucement des deux amoureux, tendant sa main, paume ouverte vers le ciel, avec une lenteur exagérée pour que la monture puisse l'appréhender. Son attention allait toutefois à Koniak et sa question fut un peu plus abrupte qu'elle ne l'avait pensé tant le fait l'avait interpellé plus tôt :

La dame savait parfaitement qu'il n'avait aucune obligation de lui répondre, mais sa curiosité avait été piquée au vif, et elle ne parvenait plus à chasser cette pensée qui tournait en boucle dans son esprit. Tout ça lui semblait si dur à comprendre, et elle aurait du craindre de se promener avec lui en sachant tant de choses sur l'essence de son existence. Nulle peur n'alimentait pourtant ses intentions, seule une curiosité grandissante et une sorte d'admiration pour quelqu'un qui avait tant vécu et qui devait avoir bien des choses à lui apprendre.

Si les retrouvailles avec Jonquille n'avaient pas été au goût d'Eliott, Shäan semblait s'en amuser. Koniake, quand elle parla d'âme sœur, ne put s'empêcher de se lover contre l'énorme cou de la bête et de frotter son visage contre les poils poussiéreux de l'animal.

-Oui, j'aime à croire que le destin de ce charmant garçon et le mien, sont issus de la même pelote de laine ! L'on se comprend sans mot, sans grognement... Il n'y a qu'une télépathie fusionnel entre nous !

Sa voix baissa en volume, alors qu'il récupérait une brosse qu'il utilisa pour flatter l'encolure de son compagnon de toujours. Tandis que ce dernier tendait le cou pour rapprocher son museau et humer la main de la femme. Lorsque la question de celle-ci résonna doucement dans le box, l'espace parut se distordre. Le mouvement de Koniake s'était arrêté, le souffle de Jonquille s'était tût.

L'instant d'après, Koniake continua sa caresse, Jonquille passa son imposante langue sur la paume de Shäan. Quand Koniake fini par détacher son luth et l'attachait à Jonquille, son visage se fendit d'un sourire.

- J'ai en moi des souvenirs d'époques lointaines, des contes qui remontent à une ère où les ailes de Khyal n'étaient pas encore assez robustes pour traverser les Terres d'Ezylone. Je meurs et renaît à chaque fois que je chante ses souvenirs !

Il conclut sa phrase en attrapant la bride de Jonquille et en sortant avec lui. En passant, il murmura à Shäan, dans souffle joueur.

- Où peut-être, nos naissances sont-elles voisines, qui sait ?

Avec un sourire tout aussi joueur, il prit le chemin de la sortie des écuries, pour rejoindre Eliott, tout en s'assurant que la jeune femme le suivait bien. Néanmoins, il arqua un sourcil en voyant qu'Eliott n'était pas à l'endroit où les adultes devaient le retrouver.

- Rah, où est-il...

Son pied avait heurté quelque chose qui avait glissé sur le sol. En baissant les yeux, il reconnu l'objet qui s'était mis sur le chemin de son pied et son sourire s'évanouit soudainement. Il plia les genoux et prit entre ses mains le couteau papillon. Ce même-couteau qui avait été offert à Eliott par Zeï.

- Shäan, je crains que nous ayons un problème. Ceci appartiens à Eliott, et ce n'est pas son genre de laisser traîner ses affaires.

Il avait dit cela en agitant le couteau, un air grave sur le visage.

La métaphore de la pelote de laine fit doucement rire la dame. Les fils s'entremêlaient et se déchiraient si facilement pourtant. Ce n'était toutefois pas le sujet le plus important, et comme elle avait amené la discussion sur une pente dangereusement glissante, il fallait maintenant assumer. C'est avec grand intérêt qu'elle bu les paroles du barde, fascinée et si curieuse qu'il lui semblait impossible de contenir toutes les questions qui lui passaient à l'esprit. La bête lui lécha la paume de la main avec prudence et après un silence qui lui parut une eternité, figée, l'homme lui avait lancé une fable qui la fit doucement sourire. Peut-être ne connaissait il pas la réponse lui même, finalement ? Sa question la sorti de sa transe et le temps reprit son cours paisiblement dans l'éclat de rire de la dame qui s'exclama avec malice :

- Qui vous dit que je ne suis pas votre aînée ?

Comme elle s'était poussée pour le laisser passer, la brune lui emboita le pas, cherchant du regard Eliot qui avait pourtant dit aller non loin. Quand Koniak questionna les environs sur la disparition de son protégé, elle lui lança en pouffant :

- Du calme, papa poule, il ne doit pas être bien loin ! Il a peut être vu quelque chose de plus intéressant que son mentor se pendant au cou d'un bouc. Les enfants sont frivoles !

Vraiment ? N'était elle pas plus facilement distraite qu'eux ? Qu'en savait elle après tout ? Elle n'avait jamais eu d'enfant et ceux du village étaient responsabilisés très tôt. Mais c'était sans doute différent dans chaque région d'Ezylone... Voilà un sujet auquel elle n'avait jamais prêté attention, l'éducation n'était pourtant pas un aspect qu'elle prenait à la légère. L'agitation du soigneur la tira de ses réflexions et la dame haussa un sourcil quand il arbora la lame en lui faisant part de ses inquiétudes.

- Est-ce vraiment si improbable ? Il l'aura peut-être fait tombé par inattention et ne s'en sera pas rendu compte.

Comme il avait vraiment l'air inquiet, Shäan haussa les épaules et lui lança en désignant quelques badauds et passants :

- Demandons leur s'ils ont vu quelque chose.

HRP : Je ne sais pas trop sur quoi tu voulais partir avec la disparition d'Eliot, ou je ne m'en souviens pas en tout as, du coup je te laisse lancer l'action ^-^

À la réponse de Shaan, il esquissa un sourire.

— Vous êtes bien trop pleine de vie pour avoir supporté le mortel ennui de l'éternité !

Malheureusement, ce sourire disparu rapidement quand il trouva le couteau d'Eliott. Les moqueries de la jeune femme manquèrent presque de lui faire serrer les dents. Il ne se contenta cependant que d'une légère pointe d'ironie.

— Ah ! Quelqu'un qui serait mon aîné prendrait la situation au sérieux !

Il acquiesça finalement quand la brune proposa d'aller prospecter près des gens du coin. Il tenta de prendre sur lui pour ne pas laisser sa panique transparaître. Un homme, bien portant les regarda tout deux, en tortillant son doigt dans sa barbe.

— Hm, oui. Je crois que... Il y avait un... Homme, ouais. Si on peut appeler ces choses comme ça. Qui demandait, des trucs pour les yeux. Pour sa femme.

L'homme jeta un regard à son ami, derrière lui, en étouffant un léger rire.

— J'lui ai dit d'chercher un vétérinaire, plutôt !

Les badauds éclatèrent de rire. Koniake réprima une grimace et un tas d'autres choses, et avec toute la bienveillance du monde, reposa sa question tandis qu'il pâlissait à vue d'œil.

— Mais pour ce qui est du petit blond ?
— Ah, oui. L'estropié. Il est arrivé et a dit qu'il connaissait un soigneur ou quoi. Et puis ils sont partis.
— Par où ?
— Euh, vers la forêt. J'crois.

Koniake acquiesça, et à la hâte parti vers l'orée de la forêt, avant de se tourner vers Shaan.

— J'ai une petite idée de qui était cet homme. Ce n'est qu'une hypothèse, mais hâtons nous. Les traces de pas doivent être encore fraîches. Celles d'Eliott sont irrégulières, en raison du poids de la prothèse.

L'inquiétude du barde l'étonnait. Elle l'avait toujours vu comme un être frivole et léger, cette nouvelle facette lui faisait prendre conscience de son mauvais jugement. Aussi, prenant plus au sérieux la disparition de l'enfant, elle accompagna Koniake pour questionner les soudards qui squattaient non loin. La tirade du premier lui fit serrer le poing, et sans la présence du guérisseur, elle lui aurait sans doute fait part de son avis à renfort de coups. Shäan trouva dans sa patience la force de se contenir, elle voyait pourtant très bien à quel point lui aussi était irrité par leur attitude. Grâce aux maigres informations obtenues, ils prirent la direction de la forêt, tandis ce que la brune rebondissait sur les dires de l'androgyne.

- De qui s'agirait-il ? Devons-nous nous inquiéter du fait qu'il soit seul avec votre protégé ?

Lorsqu'ils arrivèrent à la frontière de la ville, passant les remparts pour accéder aux bois enneigés, la dame soupira, embêtée :

- Ils ont pu prendre n'importe quelle direction, et nous séparer ne nous offrirait pas d'avantage de solution puisque nous n'aurions aucun moyen de communiquer. De plus, ces bois n'ont jamais été vraiment sûr, je ne souhaite pas vous laisser affronter seuls leurs dangers, même si je suis consciente que vous les connaissez mieux que moi...

Raffermissant sa prise sur la fourrure prêtée par le barde, Shäan insista en le fixant :

- N'auriez-vous pas une idée plus précise de l'endroit où ils ont pu se rendre ? Un point de chute où Eliot aurait l'habitude d'aller, une clairière où trouver des simples spécifiques, ou même simplement le lieu de vie de l'individu qu'il accompagne ? Prenez la tête, et ne vous inquiétez pas pour moi, je vous suivrais sans peine. Hâtons-nous !

Tout en écoutant la jeune femme parler, Koniake se redressa et commença à se masser le menton, le regard rivé vers le sol. Il secoua la tête après un moment.

— Non, Eliott n'a jamais emprunté ce chemin à ma connaissance. Néanmoins, j'ai bien une idée. Il y a un petit au village où j'étais censé retrouver la personne à laquelle je pense. Nous sommes bien, le dernier mardi du mois, n'est-ce pas ?

Dans tous les cas, le village était sur le chemin. Avec Jonquille portant les affaires, ils pourraient arriver assez vite au village. Peut-être même qu'ils rattraperaient Eliott et le change-forme. Rah, pourquoi Elliot avait-il fait ça?!

— Allons-y, il nous faut atteindre le village qui borde les hauteurs. S'il s'agit bien de la personne à laquelle je pense... C'est un change-forme renard, Hobin Rood, un brigand au grand cœur. Sa femme est atteinte de cataracte, j'avais promis de le retrouver à mon retour de la Technopole à ce même village. Mais je me demande pourquoi il a emmené Eliott...

Tout en parlant, il s'était mis à marcher d'un pas rapide. Il réfléchissait à toute vitesse et à toutes les possibilités. Sa réflexion ne se termina que lorsqu'ils arrivèrent au village. Sans jamais avoir croisé de change forme ou même de garçon estropié.

Sans un mot, Koniake se dirigea vers l'endroit où il avait donné rendez-vous à Hobin au sein du village. Et toujours aucune trace d'eux. Assez impatient, Koniake interpella un fermier pour lui demander s'il avait vu les deux personnes.

— Un change-forme et un gamin vous dites ? Hm, ils viennent de passer, il me semble. Ils se sont disputés, j'crois. Le gamin ne voulait pas qu'ils prennent un Xontu pour la suite. Il a dit que c'était soit à pied, soit rien du tout.

Koniake remercia rapidement l'homme et après qu'il ait indiqué au soigneur et à Shaan le trajet qu'avaient pris l'enfant et le change-forme, emprunta le même.

— Eliott est mal à l'aise avec les animaux trop gros. Je ne pensais pas que ça nous serait profitable ! Vous voulez monter sur Jonquille ? Ce gaillard peut supporter votre poids plume n'ayez crainte, et vous aurez une bonne vision !

Koniake avait tenté de feindre l'humour, mais l'angoisse était encore nettement perceptible dans sa voix.

Koniake lui apprit qu'Eliott pouvait se trouver dans un village assez proche et lui posa soudainement une drôle de question. Il fallut un instant de réflexion à Shäan avant qu'elle n'hoche la tête, surprise :

- C'est bien ça... Mais, pourquoi cette question ?

La réponse n'arriva pas immédiatement, mais le guérisseur lui en apprit plus sur l'inconnu que le jeune homme avait suivi bon gré mal gré. Hobin Rood ? Pourquoi ce nom lui disait il vaguement quelque chose ? N'attendant pas plus, son guide fonça à grands pas et la brune se calla sur son rythme pour ne pas se retrouver laissée derrière. Ils parvinrent dans un hameau calme, aux pieds des montagnes et l'homme aux cheveux mauve se mit à interroger un local. Ils ne traînèrent pas plus de deux minutes et repartirent dans la direction indiquée par l'individu tandis que Koniake lui parlait de la peur de l'enfant des gros animaux. Shäan pouffa, nuage blanc dans l'air gelé des hauteurs, avant de s'esclaffer :

- J'avais bien remarqué qu'il n'éprouvait pas la même affection que vous pour Jonquille !

La brune accepta la proposition de soigneur et se hissa sans mal devant les bagages, se calant juste derrière les cornes de la créature en ajustant sa besace devant elle pour ne pas qu'elle vole en tous sens. Amusé, mais consciente de la situation, elle se contenta de lancer :

- Il n'est pas inconfortable ce petit gars, et j'ai effectivement une meilleure vue d'ensemble d'ici ! Ne perdons pas de temps, je suppose qu'il vous suit sans broncher ?

Comme pour lui prouver que c'était le cas, Jonquille emboîta le pas à Koniake. Chaque foulée la faisait tanguer d'un côté puis de l'autre, mais la monture avait un pas assuré et elle se sentait en sécurité, ce qui lui permit de lâcher prise et de se frictionner les épaules sous la fourrure. Tassée contre la bête, elle profitait de sa chaleur élevée, et finit même par s'écrier, stupéfaite :

- Koniake, regardez, là-bas !

Pointant du doigt un duo qui avançait péniblement dans la neige, bien loin sur le sentier devant eux, Shäan pesta :

- Rha, je n'ai pas de longue-vue ! Pour une fois que ça pourrait être utile ! Foncez, je vous rattraperais !

Malgré la situation et le sujet, Shäan ne se délestait pas de son attitude moqueuse vis-à-vis de l'affection que Koniake portait à Jonquille. Il se para d'un sourire énigmatique.

- Mon affection pour Jonquille semble prompte à délier votre langue, seriez-vous jalouse ?

Lorsqu'il était en pareille situation, il avait tendance à oublier que l'humour et la répartie faisait un bien fou. C'était une saine façon de libérer son stress, finalement ! Le soigneur ne fit qu'agrandir son sourire quand Shäan complimenta le confort de Jonquille, mais ce n'était plus un sourire énigmatique, mais plein de fierté. Il acquiesça quand elle lui demanda si Jonquille le suivrait docilement. Il avait pleine confiance en son Xontu, et s'il ne comprenait pas tout à la situation, la bête était insensible aux barrières que dressait Koniake pour camoufler ses sentiments.

D'ailleurs, Koniake le soupçonnait d'avoir un don de télépathie ! Mais là n'était pas le sujet. Ils accélérèrent le pas pour trouver au plus vite Eliott et Hobin. Et finalement, Shäan s'exclama qu'elle les voyait. Lorsque Koniake porta son regard vers la direction qu'elle indiquait, il visualisa en effet les deux silhouettes. D'un geste de la tête, il acquiesça et se précipita vers le duo.

Il n'avait pas pris son arc, mais conservait sous sa manche, une dague. Juste au cas où ! Arrivé à distance suffisamment raisonnable, Koniake interpella le duo. Hobin se retourna l'arc bandé vers Koniake.

- Eh bien, drôle de façon de me saluer, monsieur Rood.
- Oh, simple précaution. Je ne suis pas habitué à ce que les gens dans mon dos me parlent avant de m'attaquer.

Les deux hommes se sourirent l'un à l'autre, puis le regard de Koniake bascula vers Eliott.

- Pourrais-je savoir pourquoi m'avoir faussé compagnie ? Tu veux déjà te débarrasser de moi ?
- Il a dit que sa femme ne voyait pas. J'ai voulu l'aider.

Koniake tourna un regard navré vers le Renard.

- Oh, ça ne s'arrange pas, donc ?
- Effectivement, il lui faut des soins au plus vite, et, le moins qu'on puisse dire, c'est que vous n'êtes pas très disponible !
- Ah, je ne peux le démentir. J'ai de mauvaises nouvelles à vous apporter également. Mon escapade à la Technopole n'a pas donné grand chose. Je vous prie de reconsidérer ma première offre.
- Et le gamin, il n'est pas capable de faire quelque chose ?
- Il s'agit de mon apprenti Hobin ! Je suis content que tu sois aussi enthousiaste à l'idée de sauver des vies, Eliott, mais certaines choses sont encore hors de ta portée.

Il vit de là où il était, la mâchoire d'Eliott se contracter. Hobin, voyant bien la tension qu'il y avait entre les deux, commença à se sentir de trop. Mais... Si ce soigneur lui mentait ? Il n'y avait vraiment pas d'autres solutions pour améliorer la vue de sa femme ?

La dame avait souri à la réplique du soigneur, mais la situation avait rapidement évolué lorsque les silhouettes étaient apparues au loin. Le laissant partir en tête, elle fit accélérer le Xontu, l'encourageant oralement à faire un effort. Celui-ci restant lourd, Koniake le distança rapidement et lorsque Shäan vit l'arc se tournant vers son guide, elle bondit de la monture, sortant la dague de sa botte, prête à intervenir. Le rouquin détendit la situation instantanément en justifiant sa réaction d'un sourire. Ce fut à Eliott de s'expliquer, et la discussion vira au sujet qui leur importait tous. Enfin, presque tous. La chasseuse n'était pas vraiment concernée par tout ça... L'enfant allait bien, mais que faisait elle ici ? Cette histoire lui était étrangère.

Restée en retrait jusque-là après avoir rangé son arme, Shäan s'avança quand elle sentit que la situation se tendait. Elle alla poser sa main sur l'épaule d'Eliott et lui sourit doucement avant de souffler avec douceur face à lui :

- Tu veux bien faire, personne ne te le reprochera, mais parfois, il faut admettre que l'on ne possède pas la capacité de changer la situation. Toutefois...

Elle se tourna vers Koniake en fronçant les sourcils :

- Avez-vous donné votre parole à cet homme que vous soigneriez sa bien-aimée ? Je ne connais aucun traitement qui guérisse les troubles de la vue. Je ne suis certes pas soigneuse, mais je voyage beaucoup, et si un tel miracle était possible, la nouvelle se serait répandue au-delà des frontières. Sauf si la Technopole conserve ce savoir pour son propre bien-être... Ce qui ne serait pas bien étonnant.

Se massant l'arête du nez un bref instant tout en fouillant sa mémoire, Shäan leva l'index en lançant à l'intention d'Hobin :

- L'avez-vous déjà amenée au refuge du cerisier ? Je sais que la famille qui le tient possède de grandes connaissances médicinales et que certains de ses membres possède même une altération liée à la réparation du corps et de l'esprit. Je ne renie pas votre implication ni vos connaissances, Koniake, mais là-bas, Hobin serait en sécurité avec sa femme le temps de trouver une solution. C'est un endroit neutre où les agressions sont très mal vues.

Reportant son attention sur le tuteur d'Eliott, la dame ajouta :

- Qu'aviez-vous l'intention d'essayer pour l'aider ? Réduire son mal lui permettrait il de voyager ? Je n'y connais rien à la médecine traditionnelle, j'ai seulement des notions sur les simples qu'on utilise en Jañgala pour traiter les afflictions les plus courantes. Dans le cas de cette femme, je pense que l'Ashwagandha serait tout indiquée. À défaut de soigner sa vue, elle aidera son corps à se fortifier et à lutter contre la dépression qu'une telle maladie doit inévitablement entraîner. Je connais des marchands qui en vendent régulièrement sous forme de poudre ou de racines séchées. Qu'en pensez-vous ?