Unzi  Inconnu |  Jeu 26 Jan - 19:02 | |
| Les bons comptes font les bons amis. 
De voir la bière glisser vers lui confirma auprès du changeforme que ce type n'était pas du coin et avait pas l'habitude des esclaves. Et il ne fut pas le seul, aux têtes de deux contremaîtres installés autour d'une table dans le cadre d'une pause faisant partie de leurs privilèges. Ils observaient l'esclave rachitique avec l'air de ceux qui lui feraient sa fête une fois que le voyageur aurait quitté le village. Unzi se mit à sentir la bière à laquelle il n'avait pas l'habitude. Les bonnes manières étaient à revoir.
À la question de savoir s'il buvait de la bière, Unzi répondit par la négative. Il n'avait rien mangé d'autre que du foin jauni et ne buvait que de l'eau. Et ça depuis des années. Le changeforme goûta la bière, puis il grimaça car le goût lui était étrange, mais il insista, ne serait-ce que pour honorer le cadeau du voyageur. Il était bien trop rare qu'on lui offre quoi que ce soit. L'humain borgne lui demanda de rester en bonne condition pour la soirée. Unzi hocha la tête. En tout cas autant qu'il pouvait l'être pour un esclave au corps ravagé et amaigri par les privations qu'on lui avait imposé.
Un peu plus loin, les deux contremaîtres discutaient entre-eux. Ils parlaient de tentatives d'attraper des fuyards du village qui étaient visiblement parvenus jusqu'à la jungle et ayant été récupérés par des locaux.
- On a pas retrouvé les esclaves fugitifs d'il y a quelques semaines. Ils auraient rejoint Jangala...
- Pas Saersu?
- On leur avait coupé la route pour Saersu, donc ils étaient allés là-bas.
- Ça en fait de la route! N'empêche avec la densité de la forêt, les gars ont dû les capturer sans avoir à se confronter aux autorités locales.
- Non, un des nôtres qui les accompagnait et ayant eu la chance de survivre, a raconté qu'ils avaient été attaqués par une tribu locale, ils auraient vu des marques d'esclaves sur certains des indigènes... Les fuyards seraient partis avec eux.
- Comme si Saersu ne suffisait pas, maintenant, on doit faire avec Jangala.
- Faut pas oublier Mû...
- En tout cas, on a beau être esclaves, on a pas à se plaindre!
- Ouais, ils ont pas de chance, ils assument!
- Enfin, espérons qu'on ne soit pas obligés de poursuivre les fuyards avec les gars d'Ahriman qu'Anpu connaît. Le camarade survivant, à son retour, il s'est quand-même fait décapité pour avoir échoué dans sa tâche.
Saersu, Jangala, des noms qui étaient synonyme de liberté pour les esclaves. Surtout que là-bas, cette pratique n'était pas tolérée. Dans ces lieux, l'esclave n'était plus un bien, mais un individu libre sur lequel le maître n'avait plus aucune autorité. Unzi rêvait de partir dans ces contrées, mais il savait qu'au vu de son invalidité, ce n'était qu'un rêve lointain.
Les contremaîtres se firent servir des plats sans viande, mais assez appétissants pour le changeforme lassé du foin jauni qu'on lui donnait en guise d'humiliation bien qu'il soit capable de consommer de la nourriture humaine.
En revanche, les voyageurs pouvaient espérer manger de la viande. Essentiellement de la volaille ou du mouton. Souvent rôtie ou mijotée en sauce. En guise de grignotage, des falafels pouvaient être proposés. À travers l'encadrement d'une porte ouverte, une femme portant un bébé avec elle préparait des plats. Unzi avait même cru voir un autre enfant pas très âgé qui l'aidait. Ici, on naissait esclave, on restait esclave. À moins qu'on ne nous affranchisse ou bien qu'on parte dans des lieux où cette pratique était strictement interdite. Sanku était né esclave. Unzi avait été capturé. Tous les deux n'avaient pas eu de chance.
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