[Initiation Mahal] Une rivalité vieille comme le monde

Entendre la Directrice rire dissipa les inquiétudes de Mahal, qui sentit bien qu'il ne risquait plus d'être jeté hors de l'école.
C'était une bonne nouvelle, qui ne vint pas seule, car tout semblait être désormais sous contrôle. Les Mousträgers restants traqués, son aide - nommée Lize, il prit soin de se le noter quelque part - un peu secouée mais indemne, le responsable du mauvais sort sur "Super-Mousse" saucissonné...
La journée redevenait parfaite !

Il tiqua un peu en entendant que certains l'appelaient déjà héros ; c'était moins drôle, les héros, on leur foutait jamais la paix, et ils finissaient par mourir à la fin des histoires...
Enfin, si ça voulait dire qu'on le laisserait peut-être se balader dans les endroits de l'école qui jusque là lui restaient interdits...
Il repensa à son idée de battue de Mousträgers en demandant à quelques connaissances parmi les félins des rues et allait la proposer à la Directrice lorsque la porte s'ouvrit soudain avec fracas.

Deux hommes. Vêtu tout de noir. Cagoulés. Qui vinrent se saisir du coupable. Le plus costaud des deux en tout cas, tandis que l'autre se tournait vers eux et...
La Directrice s'était levé, portant toujours Mahal dans ses bras, invectivant les intrus à s'identifier.
Pas de réponse, sauf un sortilège qui provoqua l'apparition d'une tornade dans la pièce !
Mahal s’agrippa au tissu de la robe de Gunhild de toutes ses griffes, ouvrant de grands yeux paniqués tandis que l'infirmerie était ravagée par des vents violents !
Du coin de l'oeil, il vit l'infirmière se plaquer tout contre la Change-forme cabot pour l'empêcher de s'envoler.

L'air tout juste agacée, Gunhild leva la main, et il y eut tout à coup devant elle un fil de lumière brillante qui allait de la tornade à son créateur. D'un geste vif, Mahal la vit couper ce fil et le sort disparut, le calme retombant dans l'infirmerie.
Le chat noir observa la Directrice avec de grands yeux surpris - et un peu émerveillés aussi, avouons-le - devant la démonstration de son talent. Alors qu'elle ordonnait de nouveau aux intrus de s'arrêter et de s'identifier, le chat noir réfléchissait à tout autre chose.
Une magie de dissipation ! C'était la première fois qu'il voyait un tour pareil ! Étais-ce une révélation des énergies latentes, qu'elle avait développées de manière à pouvoir agir directement avec ? Dans ce cas, Domaine de la manipulation avancée ou psychique ?
Quelle formidable outil d'enseignement cela devait être ! Gagnait-elle aussi une compréhension des sortilèges qu'elle révélait, lui permettant de les dissiper ? Ou alors son pouvoir se suffisait à lui-même en une épreuve de force pour briser les énergies maintenant les sortilèges actifs ?
lel

Il se fit soudain rincer par une pluie qui tombait drue du plafond.
Les deux intrus prirent la fuite, emportant le coupable de l'apparition de "Super-Mousse" avec eux. Gunhild se lança à leur suite, les cheveux et la robe trempée.
Mahal n'avait pas l'air plus élégant et il se demandait un peu ce qui était en train d'arriver mais, à sa demande, il bondit de ses bras pour se lancer à la poursuite des fuyards.
Seulement, comment diable pourrait-il arrêter deux bipèdes déterminés, dont l'un pouvait créer des tornades ? Il n'était qu'un chat, par les poils de postérieur de Torksan !
Un chat trempé, qui plus est ! Ce qui lui donnait des airs rachitiques... comme un Mousträger tiens, si ces sales bêtes avaient le poil noir.

Il courut néanmoins dans les couloirs à la poursuite des deux hommes et demi, restant à bonne distance pour ne pas risquer attirer leur attention, jetant de fréquents coups d'oeils derrière lui pour vérifier que la Directrice suivait le rythme.
Pas trop, visiblement gênée par sa robe grandement alourdie par cette drôle de pluie.
Du coup, Mahal se mit à miauler. Fort.
A intervalles réguliers. Comme un matou en colère devant un intrus sur son territoire. Ou - et il avait un peu honte que ses miaulements y ressemblent - comme l'appel d'une femelle en chaleur envers ses amants.
Avec un peu de chance, Gunhild saurait le suivre à l'oreille, à défaut de rester assez près derrière pour le suivre à la vue.

Les couloirs défilaient, tous plus vides les uns que les autres : l'infirmerie était dans la partie plus administrative de l'école, et peu de gens y circulaient généralement. Tant mieux, ça faisait moins de risques de voir quelqu'un être blessé - autre que lui - mais ç'était aussi moins d'obstacles pour les intrus qui filaient droit vers la sortie la plus proche !
Cela lui faisait tout drôle de courir normalement, alors qu'il avait encore le souvenir de son épaule blessée moins d'une heure plus tôt. Les soigneurs avaient fait des merveilles, ça oui, mais la douleur restait encore fraiche dans sa mémoire.
Enfin, il n'allait pas s'en plaindre, surtout que les deux hommes accélérèrent l'allure en entendant ses miaulements dans leur dos et il dut à son tour forcer pour maintenir la distance qui les séparait.

Bien évidemment, il cherchait aussi des idées pour pouvoir les arrêter avec ses maigres moyens d'action. Il se sentait confiant dans une éventuelle pointe de vitesse de sa part pour revenir à leur niveau, mais après ? Il n'était qu'un chat...
Alors qu'il se creusait la cervelle, les fuyards arrivèrent dans la grande salle d'entrée de l'école, et entamèrent la descente en express du grand escalier qui, étalé sur plusieurs paliers, permettaient d'accéder à la sortie et au plancher des vaches.

Soudain, Mahal eut une illumination... puis sprinta pour rejoindre à son tour l'escalier.
Il se faufila entre deux barreaux de rambarde, se laissa tomber plus bas, dépassant du coup les hommes en fuite, qui devaient descendre tous les paliers.
Il attendit le bon moment et, lorsqu'ils arrivèrent à son niveau, le chat noir bondit et alla se mettre pile dans les jambes du premier - le plus costaud portant l’emmailloté - en démontrant le talent tout félin de se placer de façon à risquer faire tomber les bipèdes !
C'était une compétence très utile lorsqu'on voulait débarrasser un bipède d'une partie de son chargement...

Mahal arqua le dos pour se faire le plus gros possible en voyant arriver sur lui le pied de l'homme, se disant qu'il avait très bien calculé son coup et que ce dernier allait sûrement faire une belle chute dans les escaliers...
La jambe le percuta bien, mais la masse du corps qu'elle soutenait dépassait de très loin tout ce qu'il avait pu anticiper ! Résultat : il se fit soulever du sol sans même ralentir l'homme, et le chat noir s'envola littéralement comme un ballon frappé par un enfant bipède, droit vers une tapisserie accrochée au mur bordant l'escalier !

Avec un miaulement de surprise, Mahal s'accrocha à la tapisserie, offrant à tous un spectacle pour le moins pathétique de chat trempé et coincé à plusieurs mètres de hauteur, ses griffes prises dans le tissu épais d'une décoration luxueuse.
Il vit, impuissant, les deux hommes courir vers la sortie sans lui accorder le moindre regard.
Ah !

Mahal vit bientôt arriver Gunhild dans l'escalier, débarrassée de sa robe trempée. La Directrice avait moins fière allure sans sa robe au tissu irisé mais, pour l'heure, le chat noir était juste bien content de la voir ! Surtout qu'elle vint se placer en dessous de son perchoir involontaire, prête à le recevoir.
Mais... et les deux hommes qui s'enfuyaient ? Étais-ce vraiment le moment de s'arrêter pour lui ?
Luttant douloureusement pour dégager ses griffes prises dans le tissu laineux de la tapisserie, Mahal finit par se libérer et atterrit plus ou moins gracieusement dans les bras de Gunhild qui se mit aussitôt en route vers la porte de l'école, que les fuyards venaient de franchir.

Mahal fut une nouvelle fois témoin privilégié des talents magiques de la Directrice, qui mit hors d'état de nuire les deux hommes par une variante surprenante de son pouvoir, transférant et reprenant de l'énergie magique en une succession rapide qui les fit s'effondrer au sol, inconscients.
Les yeux de Mahal s'agrandirent de stupeur ; la magie de la Directrice ne s'appliquait donc pas seulement aux sortilèges pour les dissiper, mais elle pouvait aussi directement agir sur les êtres vivants et manipuler leur énergie ? C'était incroyable !
Gunhild était incroyable ! Et... incroyablement dangereuse !

Le chat noir sauta des bras de la femme et s'assit à quelques pas tandis qu'une foule de professeurs arrivait en renfort pour s'occuper des trois suspects.
Ses yeux jaunes passaient de Gunhild aux hommes inconscients.
Il resta très attentif à l'échange entre la Directrice et un professeur qui vint s'inquiéter de son état. Restant un peu à l'écart, Mahal savait reconnaître lorsque les bipèdes géraient leurs affaires entre eux, et que pourrait faire de plus un chat de gouttière tel que lui ?
Bien qu'intrigué comme il l'était par la magie de la Directrice, ce n'était pas le moment de poser des questions, et il ne pouvait rien faire pour l'aider à récupérer de sa fatigue.

Il dressa les oreilles en entendant parler de Lize, puis se redressa sur ses pattes lorsque la Directrice lui demanda de la suivre pour lui emboiter le pas. Il se secoua une fois le corps - sa fourrure désagréablement désordonnée pas encore tout à fait sèche - et jeta un dernier regard aux trois fuyards qui se faisaient saucissonner par les professeurs.
Il était plus que curieux de découvrir ce qui avait poussé ces deux hommes à prendre autant de risques en attaquant l'école pour récupérer un étudiant...
Monter une opération de ce genre aussi vite après les faits surtout, le surprenait. Étaient-ils seulement des alliés de l'étudiant d'ailleurs ?
Sa queue levée et recourbée formant un point d'interrogation dans son dos, il se concentra sur Gunhild et ses paroles :

- Allons, je n'ai rien fait d'autre que me prendre un coup de pied. C'est vous qui les avez arrêtés. Si j'ai bien compris, vous avez sacrifié beaucoup d'énergie pour ce dernier tour, c'est ça ?
Ne pouviez-vous pas, récupérer l'énergie que vous aviez pris aux fuyards pour les assommer ? Hmmm... Peut-être pas... ce serait prendre le risque de ne pas supporter soi-même l'afflux de magie et de finir dans un état pire encore que simplement inconscient...

Le chat noir se rendit compte qu'il devait paraître bien impoli à conjecturer comme ça sur les pouvoirs de la Directrice de l'école de magie, aussi il ajouta bien vite :

- Enfin... ce n'est pas le moment de causer technique. Je ne sais pas vous, mais je sens que le point final de cette affaire ne va pas tomber aujourd'hui. Pas tant qu'on ne saura pas qui sont ces drôles de gaillards ni ce qu'ils voulaient au faiseur de "Super-Mousse."
Et sérieusement, que faisaient des Mousträgers dans l'école ?

Laissant une trace d'eau au sol, ils traversèrent les couloirs, calmes en ces heures de cours, et finirent par arriver après plusieurs escaliers dans les parties que Mahal connaissait très mal malgré ses années d'exploration de l'école.
Il suivit Gunhild, se rapprochant un peu de ses jambes comme pour se protéger de ceux qui voudraient le chasser de cette partie du bâtiment, ses yeux curieux observant souvent à droite et à gauche le moindre élément significatif.
Finalement devant une porte portant une plaque de bronze indiquant le rôle de la Directrice, Mahal eut l'honneur d'être sans doute le premier chat de sa génération à pouvoir y entrer.
La journée redevenait parfaite !

L'adrénaline des derniers événements commençait à retomber, et donnait à Mahal l'envie de se trouver un coin au soleil pour dormir. Plusieurs jours d'affilée. Mais il sentait bien que ce n'était pas encore fini.

Ainsi, ce n'était pas tant le transfert d'énergie qui avait épuisée Gunhild, mais juste le sort en lui-même, la fabrication du conduit entre elle et les hommes qu'elle avait ciblée...
Il allait ouvrir la bouche pour commenter au sujet de la magie de la Directrice, ne résistant pas à sa curiosité à ce sujet, lorsqu'elle enchaina sur une série de révélations surprenantes qui le laissèrent bouche bée.
Des gens qui en voulaient de façon répétée à l'école ? Pour la faire fermer ? Quitte à blesser les étudiants ? Quels fous dangereux pouvaient à ce point en vouloir à un lieu de savoir et d'enseignement ?

La magie existait. Les pouvoirs qui en découlaient existaient. Il fallait les étudier, s'entrainer à les maîtriser, enseigner comment s'en servir pour que tous puissent vivre avec convenablement, sans risquer de se blesser soi ou les autres. C'était du bon sens, tout simplement !
Gunhild cita un nom : Antimagia. Cela lui disait vaguement quelque chose, mais pas assez pour en tirer quoique ce soit.

Il avait tout d'abord cru que les Mousträgers avaient été là pour un cours sur la faune ou quelque chose du genre - aussi dangereux et irresponsable cela fut - mais si ça avait été une tentative d'attentat...
Un sacré coup de chance, que cette Change-Forme cabot lui ait couru après, pas vrai ?
Et autre coup de chance que Gunhild ait pu arriver pile au bon moment par un autre concours de circonstances. Mahal savait que ce n'était jamais bon, de trop compter sur la chance.

La proposition soudaine de Gunhild le fit se figer plusieurs secondes.
Elle l'avait devancée, car il allait parfaitement rétorquer qu'il n'était qu'un chat. Plus malin que la moyenne et capable de parler au prix de certains efforts certes, mais un simple matou quand même. Oui, il était Change-forme... et c'était normal que personne ne l'ait jamais vu sous forme humaine, car lui également ne s'était jamais vu sous une autre forme.
L'idée de devenir... espion au service de la Directrice de l'école lui paraissait parfaitement saugrenue. Il pensa tout d'abord à une blague et faillit se mettre à rire - ce qui aurait été complètement impoli - mais en notant l'air sérieux de Gunhild, puis lorsqu'elle évoqua les avantages qu'il tirerait de ce statut, il émit un miaulement interrogateur.
Elle considérait sérieusement la chose ?
Et, lui aussi, commençait à sérieusement penser à accepter ?

Mahal était très attaché à sa liberté. Aussi sympathique semblait Gunhild, se lier à elle de cette façon très officielle - officieusement tout du moins - auprès de l'institut que représentait l'école de magie de Mystarcia, était un sacré saut dans le monde compliqué des bipèdes.
Mais en même temps, un accès à toute l'école, à toutes les salles jusque là interdites pour lui, avec un mystère à résoudre qui menaçait l'école, son territoire...
En quelques secondes, sa décision était prise.
Néanmoins, il garda le silence quand Gunhild lui proposa de réfléchir un peu, avant de la suivre dans le bureau, chichement meublé de façon très utilitaire. Le chat noir pencha la tête sur le côté : il s'était attendu à plus grandiloquent ou avec une atmosphère plus travaillée pour le bureau du chef de l'école.

Tandis que Gunhild s'installait à son bureau, Mahal avisa une des étagères le long du mur qui était éclairée par les rayons du soleil traversant les fenêtres. Ce serait parfait pour lui.
Il y grimpa d'un bond et s'assit, la queue enroulée autour de ses pattes.
Le chat noir garda le silence, réfléchissant aux révélations que Gunhild lui avait faite, à sa proposition...
Il entreprit ensuite de faire sa toilette, lissant sa fourrure mouillée à grands coups de langue. Très appliqué, il ne s'interrompit pas lorsque les trois étudiantes entrèrent dans le bureau. Ses oreilles étaient tournées vers la discussion pourtant, signe qu'il n'en manquait pas une bribe.
L'affaire fut vite réglée par Gunhild et les trois adolescentes ne tardèrent pas à ressortir, invitées à une pause thé et biscuits dans une salle proche.

Mahal interrompit finalement sa toilette lorsque la Directrice lui posa une question tout à fait étrange de la part de quelqu'un à la tête de l'école de magie.
Mais elle avait soudain l'air las aussi. Sans doute était-elle plus fatiguée qu'elle laissait paraître...
Tirant sur ses pouvoirs pour parler, le chat noir choisit ses mots avec soin avant de répondre :

- Honnêtement... non. La vérité les exposerait beaucoup. Rien ne dit qu'il n'y a pas d'autres sympathisants de ce groupe sur lequel vous enquêtez parmi les étudiants, d'autres Faiseurs de Super-Mousse. Les mettre dans la confidence, c'est risquer d'attirer l'attention sur elles, volontairement ou non. Je ne connais pas Sarah, mais Eliane est trop impulsive pour qu'on lui confie un secret comme ça et s'attendre à ce qu'elle le garde ou puisse agir comme si de rien n'était. Lize est courageuse mais peut-être encore trop sensible pour supporter la pression de cette vérité ; c'est sa première année, laissons-la profiter de l'école sans imaginer des ennemis partout...

Reprenant sa toilette, Mahal laissa passer quelques secondes avant d'ajouter :

- D'ailleurs, j'accepte votre offre... d'emploi ? Peut-on vraiment appeler ça comme ça, avec moi ? Bref... savoir des idiots en liberté complotant pour fermer l'école que j'apprécie ne me plait pas. Alors si je peux aider en furetant ici et là...
Je peux vous laisser gérer l'interrogatoire des trois fuyards ? Je vais me concentrer sur d'où viennent les Mousträgers et à quel moment ils ont été mis dans cette fichue caisse. Pour le reste, j'ouvrirai l’œil dans l'école. Si les professeurs ne caftent pas trop sur la tentative d'extraction du faiseur de Super-Mousse, les élèves de mèche avec lui seront peut-être les plus nerveux s'ils pensent qu'il a disparu.
...
Sinon... vous allez bien ? Peut-être que vous devriez aussi aller manger ou boire quelque chose dans le salon avec les trois étudiantes ?

Le chat noir, la fourrure désormais impeccable - enfin presque, mais il prendrait quelques heures de plus pour peaufiner les détails - posa ses yeux jaunes sur la Directrice.
Elle faisait vraiment jeune tout à coup, avec ses cheveux trempés et sans sa robe.

Mahal hocha doucement la tête aux paroles de la Directrice.
Qu'elle n'attende pas de lui qu'il fasse plus qu'observer, cela le rassurait. Le contraire aurait été improbable, Gunhild semblait bien avoir la tête sur les épaules, mais ça le rassurait quand même.
On était jamais sûr de rien, avec les bipèdes.

- J'aime bien vous entendre dire ça. Je ne peux pas me battre contre un groupe de bipèdes, surtout s'ils ont des pouvoirs comme l'autre et sa tornade en magasin. Je ne suis qu'un chat, après tout. Ouvrir l’œil et tendre l'oreille, ça je suis d'accord.
Petit problème pour des lettres : je sais lire mais... écrire, pas trop. Ni mes pattes ni ma gueule ne sont très pratiques pour manier une plume. C'est un truc de bipède.
Je crois qu'on va devoir se contenter de se voir pour échanger de vive-voix. Je peux essayer de venir vous embêter ici une fois par semaine ?
Enfin... on pourra organiser tout ça plus tard. Je vais suivre votre conseil. Reposez-vous bien.

Il bondit, sortit dans le couloir, l'écouta avec attention pour la direction du salon avant de lui souhaiter un bon repos une nouvelle fois et de s'éloigner, la queue haute.
Il était fatigué, il se demandait un peu à quoi allait ressembler son quotidien dans les jours à venir mais, bon sang ! Il avait désormais accès libre à toute l'école !
Ses moustaches en frémissaient d'excitation !
Il était loin lorsqu'il se rendit compte d'un détail important : il avait complètement oublié de demander à la Directrice des informations sur le groupe qu'elle soupçonnait d'être derrière les attaques contre l'école... Antimagia s'il se rappelait bien.
Et aussi il avait voulu proposer de rameuter quelques chats de gouttières qu'il connaissait pour aider à la capture des éventuels Mousträger en fuite dans l'école...
Il était bien oublieux... Mahal se fit une check-list mentale pour se rappeler de parler de ses deux sujets dès qu'il reverrait Gunhild, et continua son chemin vers le salon.

Le chat noir ne tarda pas à trouver l'endroit, et se glissa à travers la porte entrebâillée. C'était un joli salon, mieux décoré déjà, où régnait une bonne odeur sucrée de gâteaux et de thé.
Lize devait le guetter, car elle le repéra aussitôt. Sa question fit carburer les méninges du tout nouvel espion de l'école :

- Des ennuis ? Et pourquoi voudrais-tu qu'on ait des ennuis ? On a stoppé les Mousträgers sur place, le temps que les renforts arrivent, et tu as réussi à modifier tes pouvoirs malgré l'urgence et le stress du moment ! C'est un exploit, tu sais ?
- Mais j'ai touché Eliane... et pas le Mousträger...
- Pfffffttt ! Détails, détails ! Elle s'en est remise ! Rétorqua le chat noir en s'approchant du sofa libre. Tu sais maintenant que tu dois t'entrainer sur la précision. Honnêtement, si tu arrives à modifier la nature de ton pouvoir à ce point aussi vite, tu n'auras aucun mal à maîtriser ça !

Mahal sauta sur le sofa libre, restant finalement plus du côté de Lize que de Sarah et d'Eliane. Il écouta la jeune étudiante aux airs nobles tout en "pâtassant" le coussin moelleux avant de s'installer tranquillement, les yeux à demi-fermés et pattes cachés sous son corps.
Il aurait pu s'endormir là, tout de suite. Mais il ne pouvait pas se le permettre dans l'immédiat.

- La Directrice voulait juste entendre ma version des faits. En ce qui nous concerne, l'affaire est close.
Et pour moi aussi, l'affaire est close. Je n'en veux à personne.
Je prendrais bien du thé. L'une de vous veut bien me servir une tasse, s'il vous plait ? Je manque de pouces opposables...

Sarah se racla la gorge et fit un geste de la main vers Eliane qui se leva pour venir préparer le thé pour le chat noir qui l'observa avec curiosité.
La Change-forme déposa la tasse à côté de Mahal, directement sur le sofa.
Ce dernier la gratifia d'un simple "Merci" auquel il ajouta un léger coup de museau sur son bras au moment où elle passa tout près de lui.
Eliane sourit puis repartit s'asseoir à sa place.

Mahal lapa un peu de thé, la boisson mi-amère mi-sucrée faisant un bien fou à sa gorge usée à force d'avoir parlé.
Il éludait et déformait beaucoup de la vérité pour permettre aux trois étudiantes de laisser toute cette histoire derrière elles, sans les impliquer davantage dans cette traque à venir ou cette affaire de groupe caché cherchant à faire fermer l'école...
Mais il n'en voulait réellement pas à Eliane, conscient que les chiens étaient très facilement distraits par ce qui pouvait titiller leurs instincts joueurs ou de prédateur. Il se méfiait toujours un peu d'elle, mais il ne lui en voulait pas.
Gunhild lui avait déjà donné une punition après tout, et c'était la bêtise de la Change-forme qui leur avait permis, par chance, de déjouer cet attentat aux Mousträgers.

- C'est la première fois que je vois une Change-forme porter la tenue des étudiants de l'école, je crois. Tu étudies ici ? Et c'est quoi votre relation à toutes les deux ?

Mahal avait joint son rire à celui des étudiantes, se moquant gentiment de la Change-forme et de ce qui semblait être son habitude de faire des bêtises grosses comme elle.
Un chien restait un chien et, même si le chat noir avouait apprécier moyennement les canidés, il savait qu'il était difficile de leur en vouloir longtemps.
Le chat noir était intrigué de cette relation entre la famille de Sarah et celle d'Eliane, de ces statuts hiérarchique qui semblaient presque héréditaires. Les bipèdes se compliquaient si souvent la vie !
Il but encore un peu de thé, puis répondit à la proposition de Sarah de lui faire visiter la capitale de Sabliar :

- Merci de l'invitation. Je doute d'aller un jour à Ahriman ceci dit. C'est extrêmement loin, et je ne suis qu'un chat après tout. Mon territoire ici me suffit.

Mahal commençait à véritablement s'amuser de chaque occasion qu'il avait de dire qu'il "n'était qu'un chat après tout" et décida de ne pas arrêter de sitôt ; l'ironie lui plaisait trop.
L'expression ne trompait personne, il en était certain.

La discussion se poursuivit sur divers sujets, Mahal faisant des efforts de plus en plus grands en usant et abusant de son pouvoir pour parler. Il faisait de son mieux pour inclure Lize dans la discussion, l'adolescente étant plus timide.
Ou intimidée, il n'était pas sûr.
Finalement, l'heure avançant, tout ce petit monde se rendit compte qu'il se faisait tard et décida de se séparer pour aujourd'hui. Mahal salua leur départ poliment... et accusa le coup de la dernière question posée par Lize qui prit aussitôt la fuite.
La demande était... inattendue !
Mais Mahal se surprit à la prendre au sérieux après un instant. Certes, il n'était pas étranger à jouer les aides aux devoirs dans la bibliothèque, avec les étudiants qui lui étaient les plus sympathiques - ceux qui savaient le mieux le grattouiller derrière les oreilles, surtout - mais c'était tout juste sur des questions très théoriques.
S'il avait bien interprété la question de Lize avant qu'elle ne s'enfuie, elle proposait de l'aider à pratiquer sa magie...
Ce serait un excellent moyen de voir la magie fonctionner de plus près !

L'extrémité de la queue de Mahal dansait de gauche à droite sur le sofa tandis qu'il réfléchissait de plus en plus sérieusement à la question.
Si son enquête ne lui prenait pas trop de temps, il essaierait de faire ça avec Lize.
Mais d'abord... il commençait effectivement à se faire tard et, s'il aurait aimé se rouler en boule dans un coin et dormir pour les six prochains jours, il avait des choses à mettre en mouvement.
Il ne tarda donc pas à quitter à son tour le salon, repassant devant le bureau de la Directrice - fermé et inoccupé - avant de quitter après quelques minutes l'école elle-même.

Le chat de gouttière bibliophile rejoignit rapidement le repaire d'un des clans de chats des rues avec lequel il entretenait de bonnes relations. Il resta avec eux plusieurs heures, bien après le coucher du soleil, leur proposant l'idée de participer à une traque aux Mousträgers dans l'école de magie, si jamais les bipèdes avaient échoué à tous les retrouver.
Puis il leur demanda d'ouvrir l'oeil sur tout bipède bizarre trainant aux environs de l'école de magie, qu'ils pourraient éventuellement remarquer dans leurs déambulations de la journée, et de venir lui en parler dans ce cas là.
Un "comportement bizarre de bipède" était extrêmement vague pour un chat de gouttière et Mahal avait conscience qu'il risquait de recevoir une bonne dizaine de témoignages ne menant nulle part.

Mais son idée était la suivante : si les deux hurluberlus qui avaient tenté d'extraire leur camarade depuis l'infirmerie, en s'attaquant à la Directrice de l'école au passage, n'étaient pas des imbéciles complets, alors ils avaient un repaire dans la ville, pas très éloigné de l'école elle-même. Avec peut-être des complices au comportement repérable pour un œil félin caché depuis les toits.
Il ne pouvait pas être partout, comptant surtout sur le fait d'être une silhouette familière de l'école de magie pour surveiller l'intérieur du bâtiment sans éveiller les soupçons. Les chats de gouttières étaient curieux, la monotonie de leurs journées les rendait avide de tout ce qui pouvait les occuper un peu. Mahal le savait bien, il avait été longtemps comme ça, avant que sa passion des livres et l'école de magie ne le sorte de cet ennui.

-----------

Après une nuit passée dans un de ses pieds-à-terre (le balcon de la librairie qu'il fréquentait régulièrement) Mahal se sentait beaucoup mieux. Il avait peut-être reçu des soins magiques suite à sa bataille contre les Mousträgers - lui évitant de douloureuses courbatures - mais user autant de son pouvoir pour parler l'avait véritablement épuisé.
Il retourna à l'école, curieux de voir ce fameux bureau que Gunnhild avait accepté de lui confier...
Grâce à un concierge heureusement au courant, il ne tarda pas à découvrir la pièce, petite pour un bipède, mais immense pour le chat noir. Il loucha un instant sur le matériel d'écriture laissé sur le bureau ; comment pourrait-il utiliser tout ça ?
Puis il vit la lettre posée en évidence, avec cette clé tarabiscotée rattachée à un ruban. La missive, écrite de la main-même de Gunnhild si il devinait bien, ne donnait aucune explication sur la nature de cette clé ou ce qu'elle permettrait d'ouvrir.
Néanmoins, Mahal se doutait qu'elle était importante.

Il prit donc l'objet dans sa gueule et alla le déposer avec la missive à l'abri des regards, derrière un meuble. Avec ce qu'il avait prévu de faire dans la journée, il ne tenait pas à se charger d'un objet précieux, et tenait à rester discret.
Il avait encore vingt quatre heures avant ce rendez-vous donné par la Directrice. D'ici là, il avait du travail...
Quelle étrange idée ! Lui, avoir du travail !
Il en riait tout seul en montant sur un muret depuis l'abri de jardin attenant à son bureau ; l'accès était bien pratique, adapté pour un félin et parfaitement discret.
En vérité, ça lui plaisait de réfléchir à comment enquêter sur ces bipèdes qui menaçaient sa maison, son territoire. Il se mettait en chasse, cherchait le meilleur endroit pour se mettre à l'affut...
En attendant le résultat de l'interrogatoire des deux hurluberlus capturés, il comptait sur sa première hypothèse, à savoir l'existence d'un repaire non loin de l'école.

Mahal repartit donc dans la ville. Toute cette journée, il alla à la rencontre des différents clans et groupes de chats de gouttières des différents quartiers pour leur demander de l'aide dans cette enquête.
Certains refusèrent, d'autres acceptèrent, et le chat noir montra à certains individus de confiance le chemin dans l'école menant à son bureau, via cet accès caché fait de murets, de coursives, de toits et d'abri de jardin.
Il n'avait pas grand chose à offrir en échange de l'aide des chats de la ville, hormis de tromper un peu l'ennui en surveillant les bipèdes et en venant lui parler des "comportements bizarres"... mais il espérait que la motivation tiendrait assez longtemps pour qu'il parvienne à trouver un début de piste.

Il avait aussi la piste de la caisse ayant caché les Mousträgers à remonter...
Mahal en regrettait presque, tout à coup, de ne pas avoir de mains pour pouvoir écrire dans un calepin ce qu'il avait à faire !
Mais il n'était qu'un chat, après tout...
S'amusant de l'ironie de la situation, il s'enfonça dans les ruelles de Mystarcia.

-------

En début de matinée du deuxième jour, Mahal récupéra l'étrange clé cachée par ses soins dans son nouveau bureau - l'idée le faisait ronronner ; il avait un bureau, nom d'une boule de poils ! - et il partit vers le bureau de la Directrice avec l'objet et le ruban dans la gueule.
Arrivé devant la porte, il miaula pour s'annoncer et, lorsque la porte s'ouvrit pour dévoiler Gunnhild, il offrit à la femme un clignement très lent de ses yeux d'ambre ce qui, avec sa queue fièrement dressée, était un salut parfaitement amical en langage félin et un signe de grande confiance. Mais comme il n'était pas certain qu'une bipède - aussi érudite soit-elle - puisse comprendre le langage animalier, il usa de son pouvoir pour parler malgré ce qui lui encombrait la gueule :

- Bonjour, Directrice. Comment allez-vous ce matin ?

Il comptait bien lui expliquer en détails ce qu'il avait commencé à faire depuis deux jours : créer un réseau de surveillance féline dans la ville, avec pour but de traquer les comportements inhabituels. Et sa théorie sur un repaire proche de l'école.
Et il avait des questions sur Antimagia.
Et sur les résultats de l'interrogatoire des individus capturés.
Et l'avertir de la présence sûrement accrue de chats dans les environs de l'école.
Et la remercier pour le bureau.
Et lui demander à quoi servait cette clé.
Nom d'une boule de poils, ça faisait beaucoup ! Il espérait vraiment qu'il saurait se rappeler de tout !