Comptine d'une nuit d'été [Koniak]

Après un moment de proximité qui laissa la jeune femme avec les joues rosies, elle s'écarta du barde pour qu'il puisse se redresser. Il fouilla son sac pour en tirer de quoi se couvrir, avant de se relever en prenant appui sur Emrys, comme elle le lui avait proposé. Abandonnant le manteau calciné derrière eux, les deux se mirent en route dans les ruelles désertes. Ils étaient assez loin du centre de la ville, et Koniake proposa de l'emmener quelque part.

"Oh, encore une surprise ? Cette soirée en aura été pleine !"

La blanche laissa échapper un petit rire, avant de suivre les indications du jeune homme. Ils avançaient lentement, leurs corps en contact permanent, la fraîcheur de la nuit désertique aidant la Styrge à maintenir sa propre température corporelle sous contrôle. Jamais elle n'avait été si proche d'un homme, et bien que perturbée, elle appréciait grandement ce contact. Plongée dans ses pensées et ses souvenirs de leur baiser récent, elle sursauta légèrement lorsque le barde frotta doucement son épaule.

"Est-ce que vous avez froid ? Nous pouvons partager ma cape, elle est assez grande pour nous deux !"

Emrys ne souffrait pas du froid, mais ce devait être différent pour son compagnon ! Bien qu'il soit trop gentleman pour en faire la remarque... Ils continuèrent à avancer ainsi pendant un moment, jusqu'à arriver sur une petite place déserte au sommet de la capitale. D'ici, on pouvait voir toute la ville en contrebas, et la vue arracha une exclamation étouffée à la jeune femme.

"C'est magnifique ! Vous connaissez décidément tous les bons plans d'Ahriman mon cher Koniak !"

Et à nouveau, la blanche laissa échapper un éclat de rire, qui mourut bien vite dans sa gorge lorsque le jeune homme ancra son regard dans le sien. La Styrge rougit aux compliments de son compagnon, et hocha la tête pour toute réponse. Oui, en cet instant elle ne pouvait demander mieux que d'observer les étoiles en compagnie de son sauveur. Ils s'assirent à même le sol, avant que Koniake ne sorte une poche d'herbe à pipe et lui propose d'en fumer tous les deux avec un sourire intrigant.

"Oh, quel genre d'herbes est-ce là ? Êtes-vous apothicaire en plus d'être barde ?"

Emrys n'y connaissait pas grand chose en plantes, qui étaient des denrées rares à Sabliar. Et elle n'avait jamais guère fumé que le calumet lors des soirées de sa tribu, mais la curiosité la poussa à vouloir essayer ces herbes apaisantes. Cela lui ferait du bien après cette soirée riche en rebondissements !

Une fois qu’ils furent arrivés sur la place déserte, Koniake s’assit à même le sol et invita la jeune femme à en faire de même. Elle s’assit à ses côtés, jetant sa cape par dessus leurs deux paires d’épaules, mais gardant tout de même une distance respectable avec le barde. Il ne serait pas vraiment correct d‘être tout contre lui, même si la blanche en avait très envie...

En même temps qu’il préparait sa pipe, le jeune homme lui apprit ensuite être un peu plus qu’un simple apothicaire ; barde était son métier de cœur, mais sa profession officielle n’était autre que soigneur. Cela laissa la Styrge surprise et admirative, c’était un métier très louable ! Elle lui offrit un sourire doux lorsqu’il mentionna à nouveau espérer se rapprocher de l’essence du barde véritable. Cela semblait être important à ses yeux, sans que la demoiselle n’en comprenne vraiment la raison...

"Je ne m’y connais que peu en barde, il est vrai, mais je suis sûre que vous êtes sur la bonne voie ! Et en ce qui concerne votre profession de soigneur, vous m’en voyez surprise mais très admirative ! C’est un métier honorable, mais cela doit être compliqué à la fois j’imagine ? Retenir toutes ces différentes herbes et concoctions..."

Une simple petite erreur d’ingrédient ou de dosage, et une potion pour calmer la toux pouvait se transformer en un poison mortel ! C’était trop de responsabilités pour Emrys, même si elle était impressionnée par ce genre de compétence. Elle était d’autant plus rassurée d’essayer ces herbes médicinales, maintenant qu’elle connaissait la véritable profession de Koniake ! Elle hocha malgré tout la tête à la mise en garde.

"D’accord, je vais faire attention ! Quels effets suis-je sensée attendre de ces herbes ? Y a-t-il une chance qu’elles me rendent malade ?"

La blanche posa cette question avec une légère inquiétude, n’ayant jamais pris d’herbes médicinales avant cela. Fumé encore moins ! La pauvre naïve n’avait pas compris qu’il s’agissait d’une sorte de plante aux vertus récréatives plus que curatives... Elle saisit la pipe dans ses fins doigts, et se délecta de l’odeur particulière avant de porter l’embout à sa bouche. Tout comme conseillé, elle ne fuma que parcimonieusement avant de rendre l’ustensile au barde.

Ne sentant aucune différence durant les premières minutes, la Styrge se sentit soudain très engourdie sans raison particulière. Sa bouche était pâteuse et sa tête lui tournait sans pour autant que cela ne soit désagréable. Elle leva les yeux au ciel pour observer les étoiles et se rafraîchir un peu les idées, mais les astres lumineux semblaient tournoyer sans qu’elle ne puisse les arrêter, et se concentrer lui était impossible. Emrys ferma alors les yeux pour chasser cette vision mouvementée, et se rapprocha de son compagnon pour poser sa tête sur son épaule.

"Je me sens... Bizarre ? C’est comme si je flottais, et tout tourne teeeellement... Vous sentez bon, Koniake."

La jeune femme sourit en inspirant l’odeur du soigneur tout proche d’elle. Ses idées se brouillaient dangereusement dans sa tête, tout se mêlait et se mélangeait. Elle laissa son esprit dériver dans le vague, jusqu’à ce que les profondeurs de la nuit ne la happent vers le sommeil, la tête toujours sur l’épaule du barde.

Emrys sentit à peine le barde se détacher d'elle, l'esprit encore happé par un sommeil lourd et sans rêve. Il y avait longtemps que la jeune femme n'avait pas dormi aussi profondément ; un effet des plantes fumées la veille sans doute !

Koniake était parti depuis un moment lorsque la blanche émergea finalement. Un rayon de soleil chauffant sa joue de manière désagréable finit par la sortir de sa léthargie, et elle rabattit sa capuche sur sa tête pour se protéger tout en s'asseyant lentement. Elle se sentait groggy et il lui fallut un moment pour que les événements de la veille ne lui reviennent en tête.

"Koniake ?"

Le ton de sa voix trahit de l'inquiétude lorsque la Styrge réalisa qu'elle était seule. Son jeune ami avait mis les voiles, mais ne l'avait pas pour autant abandonnée. Emrys serra doucement contre elle la veste du jeune homme, qu'il lui avait laissée en guise d'oreiller. Elle saisit ensuite la note d'au revoir et la lut avec un léger sourire, avant de s'intéresser aux présents accompagnant le mot. Elle n'était pas surprise que Koniake évite les adieux, cela lui ressemblait, tout comme la délicate attention qu'il avait eu pour elle.

La blanche emballa délicatement les fioles et la petite boîte dans la veste du barde, avant de cacher le tout dans la poche intérieure de sa cape. Ces concoctions lui seraient sans doute utile un jour ou l'autre ! La jeune femme se redressa et s'ébroua, prête à reprendre sa route elle aussi, après ce doux interlude. S'avançant vers la balustrade au bord de la place, surplombant la ville d'Ahriman, la Styrge envoya un baiser dans le vide, murmurant quelques mots qui se dispersèrent dans le vent matinal.

"Bon vent, cher Koniake... J'espère que nos chemins se recroiseront."