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| A la croisée des destins [& Redoak] | |
| Shäan Shaan | Lun 27 Avr - 23:24 | |
| Elle avait enfin ce pour quoi elle s'était déplacée. Le Têtenbulle, offert par son créateur en personne avait rejoint sa besace. Qui aurait cru qu’elle rencontrerait un Haut-technologue dans une modeste boutique des Faubourgs du milieu ? Pas elle en tout cas, mais la dame lui était reconnaissante de l’avoir aidé, sans quoi elle aurait dû passer bien plus de temps que prévu dans les rues pavées de la ville qu’elle avait en horreur. S’étant promis de ne plus y mettre les pieds pour un moment, la brune avait traversé les passerelles et descendu les escaliers jusqu’au port. Il était tard, et peu probable qu’elle trouve un navire correct sans user une nouvelle fois de l’or que contenait sa bourse, qui avait déjà bien diminué d'ailleurs... Soupirant, elle rabattit son capuchon sur son visage. Il n’y avait pas que des personnes fréquentables sur les quais à cette heure, et même si ses vêtements trahissaient sa féminité, elle se devait au moins de protéger la délicatesse de ses traits pour ne pas affamer les badauds. La dame ressemblait au petit chaperon des contes pour enfant ainsi, bien que sa stature soit plus élancée, et son pas plus gracile qu'enfantin. Elle souhaitait éviter tout mouvement brusque, autant ne pas briser la précieuse invention qu'elle s'était démenée à obtenir, et qui lui permettrait de mettre au jour un trésor d’une valeur inestimable. S’approchant d’un navire que chargeaient des marins avec enthousiasme, Shäan guetta de qui partaient les ordres afin de savoir à qui s’adresser. Elle fut dépassée au même moment par un homme vêtu d’une longue veste et d’un tricorne bicolore qui se tourna vers elle en fronçant les sourcils. Sa barbe mangeait son visage et la pupille de ses grands yeux marron était dilatée, témoignant au mieux d'un potentiel désir envers elle, et, au pire, d'un abus d'alcool ou autre substance déconseillée... Il se pencha vers elle, et la dame ne put que reculer devant son haleine au relent de boisson impossible à confondre... Remarque, il serait plus facile à convaincre, comme ça. - Je peux vous aider, made...hup... Moiselle ?Si elle avait encore des doutes sur son état d'ébrieté, ils venaient de s'envoller. Shäan prit sur elle et effectua sa demande d'une voix douce et convaincante : - Je cherche un bateau pour joindre Ventis. Je suis prête à payer vingt pièces d'or pour partir dès ce soir, et pour que l'on ne m’importune pas durant le trajet.Une telle somme, simplement pour la déposer sur l'île la plus proche de la Technopole, devait paraître louche. Mais en réalité, chaque pièce d'or était soigneusement comptée et investie. Certaine achetait la tranquillité, d'autre la possibilité de manger et de boire à la table du capitaine, les suivantes, qui pouvaient paraître un excès, lui offrait une réputation. Il se souviendrait d'elle, de son nom si la dame le lui donnait. Tout comme, de son côté, elle conservait précieusement les noms et informations de ceux qu'elle croisait afin de constituer un cercle de connaissances partout où elle allait, de sorte qu'elle puisse avoir des contacts et des informateurs dans tout Ezylone. L'homme la sortit de ses pensées, s'adressant à elle après avoir effectué un rot sonore qui eu l'air de le dégriser, dégoutant la dame qui ne put réprimer un froncement de nez outré : - Ma foi, à ce prix-là, je peux bien vous déposer. Excusez mon état, et ne faites pas attention à celui de mes gars, ils ne vous feront pas de mal. On fête un bon contrat, ça n'arrive pas si souvent qu'on le voudrait... Venez-donc, je vais vous trouver une p'tite place ! Shäan le suivit, non sans prendre garde où elle mettait les pieds. Elle apprit que la vaisseau quitterait le port bientôt, et ne put que s'en réjouir. |
| | | Invité Invité
| Mar 28 Avr - 23:06 | |
| L’ombre était embusquée dans lacis de ruelles aux pavés maculés par la mélasse, aux murs ébréchés, aux bâtisses vétustes dont les portes n’étaient que planches clouées gauchement. Elle humait les effluves de charogne, de crasse, de sudation et du smog des exploitations. Une vaste esquisse étirait ses lèvres, haussait ses pommettes saillantes et lui accordait un rictus dément, dévoilant ses canines scintillantes. Accroupie, au zénith de l’abjection Technopôlitaine, ses pupilles amères toisaient le déclin sociétal depuis la plus haute construction qu’elle eut trouvée. Les larmes ne se pressaient derrière ses paupières, elles étaient asséchées depuis de nombreux cycles, mais son cœur, lui, était dévoré par la mélancolie. Elle oscillait entre allégresse et taedium vitae, périclitant dans les réminiscences du crépuscule qui l’avait vu naître. Elle a toujours vécu ici. Elle a erré ici, s’y est battue, s’en est affranchie pour y être éconduite. Elle n’a connu que ses vastes villas aux vies vicieuses ; elle n’a connu que ses vestiges vétustes aux vies de pauvretés ; elle ne pourrait découvrir sa vie qu’au travers de la trêve, celle qu’elle s’accorderait avec la cité. Un lourd soupir s’éluda de sa lippe. Une accalmie absolue régnait sur la désolation ambiante dans une atmosphère d’apocalypse, celle de son existence qui se fracturait en bribes d’incertitudes et de convictions. Elle crevait d’envie de se jeter dans le vide, de bondir, de ne plus ressentir cette épaisse lambourde ébréchée, mais simplement le vent qui lui servirait de souliers. Il la porterait plus loin qu’un bateau, le vent, car il était omniprésent, omnipotent, capable de déchaîner les cieux comme de les tempérer, mais il était indomptable, le vent. Elle ne pouvait que rêver, la silhouette, rêver sous les caresses du souffle tiède. Son poignet était encore beaucoup trop endolori pour qu’elle se risque à ses jobarderies. L’os carpien paraissait encore boursoufflé et une douleur lancinante l’accompagnait. La capuche éternellement rabattue sur ses protubérances canines, elle se hissait en contrebas prudemment, s’agrippant aux brèches d’une seule main alors que ses épaisses bottes s’engouffraient dans chaque creux qui retenait sa chute. Elle avait voulu prendre de la hauteur pour saluer le berceau de son existence, mais il n’y avait rien à faire, elle préférait la bassesse et l’abject à l’opulence et au digne. Redoak songea que, finalement, les Bas-Fonds lui manqueraient certainement plus que les Hauts-Quartiers, mais Ser Von Loya et Dame Harpeur seront ceux dont les réalités seraient les plus difficiles à abroger.
Un monstre aqueux lui soufflait son haleine iodée au visage. Il bavait, l’écume de ses babines s’échouant sur les bateaux qu’il léchait avec avidité à chaque vague. Sous peu, le change-forme errerait dans sa gorge, arpenterait des territoires négligés par son anamnèse. Il guettait l’immensité azuréenne, les paluches fourrées au fond de son pantalon en cuir et le visage hermétique, nonobstant les rires gras, les chants éthyliques, les festivités qui se déroulaient sur le spardeck. Rien ne semblerait pouvoir chasser l’aigreur qui rongeait ses tripes. Le capitaine du navire apparut, une charmante damoiselle talonnant sa démarche biturée. Il n’eut guère d’œillades pour le soûlographe, son regard irrémédiablement captivé par les émeraudes qui croisèrent les siennes. Ils avaient la teinte similaire, seulement, quand lui arborait des lueurs ternes, elle lui semblât se réjouir de cette croisière. Ses épais sourcils se froncèrent, balayant les alentours de lorgnades inquisitrices à la recherche de sa troupe, mais elle était seule. Une femme, seule. Une femme, seule, ceinte d’un troupeau de mâles éméchés. Diantre !.. il avait rencontré peu de femelles galvauder esseulées, mais ainsi, au milieu d’êtres qui ne deviendraient que plus libidineux à chaque aube, taraudés par la solitude, il n’avait jamais côtoyé de telles inconscientes ! Redoak était, tant instinctivement qu’éduqué, phallocrate, dictateur de la suprématie masculine, investigateur d’une forme de domination alors que, paradoxalement, il offrait sa vie à la gente féminine. Il n’était que le fruit de ses fréquentations : les femelles servaient à la saillie, aux fantasmes, à la célébrité, à l’accompagnement ou, alors, elles voguaient au sein du prolétariat. Enfourchure inexistante. Il n’avait fréquenté que des catins, des Dames de cours et leurs suivantes ou encore des sommités artistiques. Ainsi, fut-il saisi par quelques troubles quant à cette créature qu’il croyait être le tendron de l’embarcation. D’un pas nonchalant, il s’était engagé dans le sillon du capitaine, le talonnant en feignant de ne prêter attention à eux. Au bout du spardeck, il s’appuya sur les rebords en bois massif, s’étirant jusqu’à faire gémir ses muscles. Il n’avait guère la mine accommodante, vêtu d’une longue veste d’une teinte ébène, la capuche voilant le pan gauche de son minois d’une ombre imposante. Il ne souriait guère plus que de coutume, la pulpe placide, les joues creusées et le menton plongeant. Désireux de l’épauler et, il était inutile de le nier, de satisfaire sa curiosité quant aux péripéties d’une jeune damoiselle solitaire, il se faufila à pas feutrés dans le dos de sa cible. Sa large droite élevée, il l’abattit et tapota son épaule. « Ma Dame, je me permets de venir vous tenir compagnie, si vous me le permettez, au milieu de cette masse avinée. Je ne suis assez présomptueux pour m’affirmer plus intéressant, mais je suis certainement moins scabreux, n’ayant chassé mes tristesses par l’ivresse expliqua t-il, d’un ton chancelant, malaisé alors que ses joues s’empourpraient. Il était embarrassé d’avoir à s’exprimer, préférant qu’on quémande ses services et non l’inverse, mais il n’avait le choix, persuadé d’œuvrer sans bavure. Redoak, vous me voyez enchanté de faire votre connaissance, ma Damoiselle… ? ». Le nautonier du trois-mâts toisait l’ancien esclave, scrutateur. Il n’appréciait point ce genre de compagnie lors de ses pérégrinations, mais cette fois-ci, il n’avait guère eu le choix. Suite à un marché, il se devait de faire disparaître l’ombre de son berceau. |
| | | Shäan Shaan | Ven 1 Mai - 17:09 | |
| Son regard en capta un autre et la demoiselle plissa les yeux, ne se focalisant que brièvement sur les émeraudes étrangères, notant tout de même leur éclat, si différents du sien. Après avoir transféré au capitaine une partie de ses fonds restants, la dame soupira, heureusement, elle n'allait pas tarder à rentrer à Mystarcia, alors elle pourrait refaire le plein de capitaux. La dame remercia l'homme qui tenait à peine en équilibre sur ses pieds, observant dans le même temps le curieux manège des marins éméchés qui préparaient le navire pour une nouvelle traversée. Elle alla se placer sur le pont du navire, s'appuyant contre une caisse, pensive. Ignorant l'ombre encapuchonnée squattant plus loin, son regard se perdit sur les vagues venant s'écraser contre la coque du navire. La dame songeait à ce qui se trouvait loin sous la surface, mais aussi à la possibilité que Leukos n'ait rien trouvé d'intéressant au sujet de cette chasse aux trésors engloutis. Si tel était le cas, il ne restait plus à la brune qu'à reprendre son chemin pour regagner son berceau.
Elle avait beau être plongée dans ses pensées, Shaan perçut immédiatement l'homme quand il entra dans son cercle proche. Toutefois, elle demeura immobile puisqu'il ne semblait pas vouloir l'attaquer. Il l'aborda et ses paroles lui firent même hausser un sourcil. Un sourire étira ses lèvres avant qu'elle ne doive se retenir de rire franchement. Abaissant sa capuche en se tournant vers lui, elle pencha la tête de côté en répondant sur un ton amusé :
- J'ai l'air si faible que je ne puis, selon vous, me défendre contre quelques marins si avinés qu'ils ne sauraient différencier un sabre d'une anguille ?
Shäan secoua doucement la tête et reprit plus sérieusement :
- Pardonnez-moi, c'est tout à votre honneur de vous inquiéter pour autrui. En toute sincérité, il faudrait être bien inconsciente pour voyager seule sans savoir se défendre, vous ne croyez pas ?
Elle s'assit sur la caisse d'un bond et tapota celle qui se trouvait juste à côté, invitant l'individu à ne pas rester debout :
- Vous pouvez tout de même rester. La nuit risque d'être longue, et calme si l'on en croit le vent qui nous est favorable. Je crains de ne pas trouver le sommeil, je vous offre donc toute mon attention. Que vous vous trouviez, ou non, intéressant n'est qu'une question de point de vue, il serait d'ailleurs présomptueux de prétendre le contraire.
La dame retint son nom, lui offrant une réponse accompagnée d'un sourire franc :
- Le plaisir est partagé. Appelez moi Shäan, tout simplement. Alors, dîtes moi, qu'est ce qui vous amène sur ce navire ? Vous ne faites visiblement pas partie de l'équipage, sans quoi, vous ne seriez pas là à discuter avec moi alors qu'ils s'échinent à préparer notre départ.
La dame se tourna pour planter ses yeux dans les siens, curieuse, et ses boucles d'oreilles luminescentes captèrent les premiers rayons lunaires tandis qu'elle demandait :
- Qui êtes-vous, Redoak ?
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| | | Invité Invité
| Dim 3 Mai - 21:17 | |
| Bien souvent, l’ingénuité revêt différente forme et se déguise aisément dans la malséance des phallocrates. À l’instant où les lèvres s’étirèrent, Redoak saisit qu’il venait de se méprendre, sans pour autant saisir les allégations de sa nigauderie. L’esquisse lui semblât plus enjouée que narquoise ; à son tour, ses pommettes se haussèrent ; lui, cependant, ne dévoila son crâne, la capuche toujours échouée sur ses épis en bataille. Il eut plaisir à découvrir la longue chevelure onyx qui encadrait des traits doux. Le concetto ne cessait de se répercuter dans chaque coin de sa pensée : ses airs étaient presque enfantins, du moins, le songeait-il, oscillant entre l’éthéré et le subtil ; il ne pouvait entendre qu’elle voyagea seule, sans personne pour protéger ces charmantes émeraudes, trésors que beaucoup de d’hommes désireraient convoiter, il en était certain ! Et des traits, elle en avait aussi d’esprit. Un éclat discret lui échappa en l’écoutant moquer l’équipage, le lorgnant alors d’une œillade vive : certains hissaient les voiles, d’autres apprêtaient encore quelques marchandises et il y en avait quelques-uns qui s’appuyaient maladroitement sur le manche de leurs balais pour ne pas succomber au poids de l’ivresse. Quand elle reprit d’un ton plus sérieux, il se tut, le fugace rictus disparaissant, détrôné par une moue rigide. Il acquiesça, le regard fuyant alors qu’il prenait place aux côtés de la damoiselle, engoncé dans sa veste, ses paluches plaquées sur ses genoux. « Vous avez entièrement raison ma Damoiselle ; je vous prie de m’excuser. Il m’a rarement été donné – pour ne guère dire onques – de croiser des dames susceptibles de se défendre elle-même. Et puis, pour l’instant la vinasse a prix possession de leurs esprits, mais ne faudrait-il point craindre pour les aubes suivantes ? Ils ne seront toujours avinés. ». Tenace, il entretenait son idée avec une bienveillance intrusive. Une de ses jambes glissa par-dessus l’autre alors qu’il écoutait les déductions exactes de la damoiselle. Subtilement, la crainte s’empara de lui, celle de se trahir. Délivré de sa vaste prison, il n’était guère de bon augure de bavarder des vestiges de ses chaînes, de la morsure des maillons dont les crocs ne libérèrent son aorte que quand ils seraient irrévocablement disparus dans la gueule aqueuse. Ainsi prit-il une longue minute de réflexion avant de répondre d’un ton nébuleux : « Qui suis-je ? Un homme à construire. J’entame les prémisses de mon existence. Je ne suis qu’un voyageur qui cherche besogne à accomplir. On m’a souvent donné des tâches qui incombaient la protection d’un tiers. Sans doute est-ce d’ailleurs l’instinct professionnel qui m’a conduit à vous proposer ma protection ! Enfin, rassurez-vous, cela n’aurait guère été rétribué ! ». Nerveusement, sa botte droite se mit à battre le plancher. Il n’était point habitué à entretenir la conversation et s’il était enclin à proposer ses services, il ne s’attendait certainement pas à se retrouver dans cette situation occulte à ses jeunes pupilles ingénues. « Qu’importe, je n’ai rien de romanesque à vous conter, mais peut-être avez-vous eu une existence plus saisissante que la mienne ? Je n’en doute point, puisque vous êtes femme à savoir vous défendre ! De plus, vous semblez rompue aux voyages ? interrogea-t-il, tant pour assouvir la curiosité primaire qui l’avait mené jusqu’à la charmante damoiselle, que pour chasser le peu d’informations délivrés à son sujet. ». Un sourire entraînait légèrement sa lippe sur la droite alors qu’il l’observait, détaillant les boucles qui scintillaient sous les caresses des raies lunaires. La nuit baignait le spardeck dans une semi-obscurité où seule la lune finirait par éclairer leurs silhouettes, ce qui n’était pour déplaire au change-forme qui cherchait à s’embusquer. Le souffle marin s’embusquait heureusement dans sa capuche, rafraîchissant l’étuve qui se formait et bientôt, la température finirait par s’amoindrir. Les paupières éteintes un court instant, il apprécia les premiers roulements des vagues contre la coque, la voix douce de la damoiselle et les effluves iodées qui chatouillaient son fin odorat. L’aventure débutait dans une plénitude des sens absolue. |
| | | Shäan Shaan | Lun 4 Mai - 1:14 | |
| Sa question lui fit perdre le sourire fugace qui avait étayé ses traits et la dame plissa les yeux, curieuse. Il prit néanmoins place à ses côtés et la dame reporta son attention sur l'onde tandis qu'il répondait, appuyant la faible probabilité qu'une femme puisse se défendre, ou avançant, plutôt, le fait qu'il était bien rare d'en croiser. Cela fit rire la brune qui répliqua en balançant ses pieds d'avant en arrière joyeusement, contente d'avoir trouvé là un drôle de spécimen promettant une nuit intéressante.
- Cela risque de vous paraître invraisemblable, mais je ne me sens pas menacée par ses hommes. D'une part, j'ai reçu la parole d'honneur de leur capitaine qu'ils ne me feraient rien, et l'ai payé suffisement gracement pour ne pas avoir à mettre sa promesse en doute, et d'autres part je pense, sans me surestimer, que je suis capable de mettre ces hommes à terre, ivres ou non.
Elle n'était pas réellement certaine de tous les battre hors duel équitable, mais l'assurance était le premier pas d'un combat mené à bien. Si l'on doutait de soi, alors les gestes manquaient d'assurance, et par conséquent de précision. Après tout, sa spécialité restait l'assistance à distance et non la mêlée, même si ses capacités à la lance et à la dague restaient respectables.
Alors qu'il semblait perdu dans ses réflexions, la dame posa son menton dans le creux de sa paume, le fixant sans tressaillir, et se demandant à quoi il pouvait bien penser. L'homme ressemblait, ainsi, à ces âmes torturées, tortueuses, et elle se demanda ce qu'il cachait d'autre sous sa cape que ses traits crispés. Sa réponse fit souffler la dame qui se laissa basculer en arrière, le dos prenant appui sur le bois qu'elle sentait rêche à travers sa cape :
- Quelle réponse évasive ! Vous me faites penser à ces philosophes qui ne savent pas de quoi ils causent et palabrent seulement parce qu'ils ne savent rien faire de mieux... Oh ! Comme le ciel est beau ce soir... Qu'étais-je en train de dire déjà ?
La dame bailla, se cachant derrière sa main, et repris, en dessinant les constellations de son index, le bras dressé vers le ciel, époustouflée par le spectacle que rien ne venait cacher :
- Il n’appartient qu'à vous de devenir celui que vous souhaitez. Vous m'avez l'air volontaire, et droit, à n'en pas douter, vous réussirez donc à vous épanouir, si vous le désirez. Je n'en doute pas un seul instant ! La protection donc ? Vous restiez dans l'ombre des grands de ce monde pendant qu'ils vaquaient à leurs occupations bourgeoises, c'est bien cela ? Ou avez-vous accompagné ces hommes et femmes au-delà de leurs jolies cages dorées ?
Comme ce devait être ennuyeux ! Elle qui aimait tant voyager, apprendre, découvrir, et surtout prendre les décisions par elle-même... Ah, il fallait bien avouer que si Anya ne l'y avait poussé, la brune aurait eu plus de mal à prendre son envol. Peut-être Redoak avait il besoin de ce même coup de pouce... Ce fameux déclic. Sa question déclencha chez la dame une moue indécise, mélange de pincements de lèvres agacés et de plissements des yeux boudeurs, avant qu'elle ne se décide à répondre, mystérieuse et nostalgique à la fois :
Le mot mourut dans un souffle. Rien que de l'évoquer, son cœur se serrait dans sa poitrine et Shäan se sentait à nouveau trahie. Secouant la tête et ramenant sa main avec l'autre, contre son ventre, dans un geste de protection, la brune fronça les sourcils et repris plus bas, comme si elle craignait que les marins écoutent la conversation alors qu'elle ne connaissait pas davantage le voyageur :
Son sourire disparut à son tour et la dame se releva d'un coup, prenant un air faussement vexé en plongeant son regard dans celui de Redoak avant de le relancer :
- Je ne vais pas tout vous dire sans rien recevoir en retour. Allons ! Je suis sûre que vous avez plus à raconter que ce que vous voulez bien me faire croire. Je suis une oreille attentive, et la tombe de nombreux secrets, et s'il vous est trop dur de m'accorder votre confiance, vous n'aurez qu'à me tuer au matin, si vous en êtes capable.
La brune éclata de rire, l'humeur changeant au gré des paroles échangées, sans le quitter des yeux. Sa curiosité avait fini par crever la surface, alors même qu'ils quittaient enfin le port sans que la dame n'en éprouve aucun regret. Shäan détestait la Technopole.
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| | | Invité Invité
| Lun 4 Mai - 18:45 | |
| Quelle curieuse créature !... Il l’observait de ses pupilles tant avides que subjuguées, s’écarquillant au gré des propos. Philosophe ? Il ne put s’empêcher d’être quelque peu flatté d’être comparé à ses hommes de lettres, mais surtout de verve qu’il avait côtoyé à moult reprises auprès de son ancien maître. Leurs rhétoriques cinglantes retentissaient sous son crâne et il s’imagina, un court instant, au sommet d’une tribune à déblatérer des sophismes dignes des sentences de bas-étages qu’ils prononçaient avec la fougue de ceux qui écrivent des axiomes. Son éducation quasi-inexistante l’empêchait de relever la finesse de la critique qui s’embusquait derrière cette remarque. Qu’importe, Shäan se dispersait dans l’admiration de la voute étoilée qui s’offrait à eux. Une myriade d’étoiles scintillait, les nuages chassés par le souffle marin révélaient des cieux dégagés et un astre à son paroxysme dont les lueurs éclairaient leurs visages tournés en son royaume céleste. De la même manière que pour la métaphysique littéraire, Redoak ne disposait d’aucune connaissance concernant l’astronomie, si ce n’était les rodomontades qu’il avait glanées lorsque Ser Von Loya contait fleurette à ses courtisanes. Consciencieux, il suivait alors les gestes de son interlocutrice, guettant les constellations, qui n’étaient auparavant qu’une mosaïque chaotique, devenir des vecteurs précis. Il hocha vigoureusement l’avant-garde pour seule réponse, guère désireux de s’épancher sur les vestiges de son passé, mais dans le même temps, débordant d’une fierté personnelle quant à ses précédentes besognes et aux compliments glissés entre les futilités. Une succession de rictus défilèrent sur le faciès de la damoiselle avant qu’elle ne daigne répondre à ses interrogations, trahissant certainement la même difficulté à confronter son anamnèse ; secret ; terreur ; tristesse ; allégresse ; les fantômes qui erraient dans les réminiscences inconscientes n’étaient guère toujours agréables à convoquer. D’une tendre esquisse, il la remercia de lui faire la faveur de s’ouvrir à lui, courbant même brièvement l’échine pour accentuer sa reconnaissance sincère, conduite curieuse convenable à son ancienne condition. La placidité dictait une moue droite lorsque dans ses élucubrations internes, il oscillait entre mécompréhension et trouble. Il était pendu à ses lèvres, seule une lueur avide trônant au sein de ses pupilles qui ne se détachaient, même un court instant, de cette voyageuse magnétique. Les questions se bousculaient, mais ne franchissait sa lippe. Immuable, il attendait sagement qu’elle termine son récit et attise l’appétence qui le rongeait. Le geste ne lui avait guère échappé : celui propre aux femelles, celles qui ont été sujette à la saillie. Ses paupières se plissèrent un court instant, détaillant la nostalgie, mais aussi ce qu’il songeât être l’empreinte de la tristesse sur ce faciès meurtri. Son aorte se recouvrit d’un voile noir et oppressant, l’empathie qui l’étreignait. Par mimétisme, il eut envie de poser une de ses larges paluches sur une épaule, une cuisse, une joue, accordant cette affection amicale utilisée pour réconforter et qu’il avait tant observé, mais il n’était guère certain que cela était approprié dans ces circonstances-là. Quand les émeraudes croisèrent les siennes, il soutint le regard, essayant d’y partager son empathie avant que ses cils papillonnent sous l’égarement. Il fut interdit, hagard, hébété, sourcils froncés et son incisive s’enfonçant dans sa lippe, nerveusement. Quel affront ! Lui, perdre face à une damoiselle ? Ou un simulacre de dame, peut-être ? Il bondit sur ses jambes, écartant les bras dans un geste théâtral : « Oseriez-vous me défier ma Damoiselle ? Mon poignet gauche est peut-être momentanément estropié, mais j’en fais foi, je ne perdrai onques face à une femme ! déclara-t-il fièrement, frappant de l’allonge droite sa poitrine d’un geste arriéré. » Il effleura l’humérus bandé duquel s’extrayait un pan de bois maintenant l’os droit malgré la fêlure. « Excusez-moi Damoiselle Shäan, sans doute me suis-montré abrupt, mais je serai ravi de partager un pugilat amical avec vous, puisque vous semblez si confiante ! Mais ne craignez rien, je serai doux… ». Un éclat succinct s’éluda de ses lèvres avant que son regard ne fût happé par la Technopôle. Elle se tarissait, s’amoindrissait, rétrécissait à chaque vague avalée par la proue. Elle n’était plus qu’un mirage lointain, un vestige, un fantôme de son passé. Il eut un pincement au creux de la poitrine, son poing droit écartant ses longs appendices pour les tenir crisper sur sa veste. « Adieu murmura-t-il, tout bas. »
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| | | Shäan Shaan | Mar 5 Mai - 18:01 | |
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| | | Invité Invité
| Mer 6 Mai - 20:10 | |
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| | | Shäan Shaan | Dim 10 Mai - 19:00 | |
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