Remplacer les savoirs par d'autres. [Pv Shanette]

L'arrivée de Shaan ne fit que surprendre un peu plus Hobin qui ne comprenait rien à rien de ce qui se tramait sous ses yeux. Eliott acquiesça aux dires de la femme, tout en se renfrognant légèrement.

Koniake, lui, avait gardé un air sérieux quand il avait été question des soins devant être apporté à la dulcinée du change-forme.

— Il existe une solution. Au moyen d'une aiguille, l'on pousse le cristallin opaque or de la pupille. Néanmoins, cette méthode est complexe et son succès n'est pas garanti.

En revanche à la mention de la plante, Koniake sembla avoir un éclair de génie. Il releva la tête vers Hobin, un large sourire aux lèvres.

— Je crois bien avoir une idée pour vous permettre le voyage. Ce serait temporaire, mais... Oui, ça pourrait marcher !

Koniake fouilla dans sa besace et sortit une carte d'Himabaha et indiqua l'emplacement de sa maison à Hobin.

— Ça me prendras un peu de temps, le temps de me procurer la plante dont cette chère Dame vous a parlé et de faire quelques tests ! Donnez-moi une semaine !

Hobin sembla acquiescer un peu perdu face à l'effervescence se dégageant de Koniake. Il semblait monté sur des ressorts tant il était excité. Il alla rapidement chercher Jonquille et reprit le chemin vers sa maison. Avec Shaan et Eliott.

— C'est merveilleux Shaan ! Vous êtes un génie ! Enfin, une part de génie et je suis l'autre ! Ahah ! C'est formidable !
— Mais dis nous ce que tu comptes faire à la fin !!
— Patience Eliott ! Ce sera la concoction qui marquera un tournant dans ton apprentissage !!

Finalement, la montagne fut gravie assez rapidement alors que Koniake affabulait sans cesse. Jusqu'à ce qu'à travers les arbres, la petite chaumière soit visible. Comme figé dans le temps. La fontaine naturelle produisait un doux bruit et un calme certain y régnait.

— Entrez donc ! Je dois prévenir Mëziel ! Faites comme chez vous ! Eliott, familiarise-toi avec les rangements !! Tu vas en avoir besoin !!

Jonquille à sa suite, Koniake se dirigea gaiement vers la statue de son maître pour lui annoncer qu'il avait peut-être trouvé un début de remède à la cataracte.

— Mëziel !! Je vais guérir la cataracte !!! Sans l'aide des technopolitain !! Avec la combinaison de ma magie et de l'Ashwagandha, c'est possible !!

Shäan haussa un sourcil quand le guérisseur se mit à parler d'aiguille et d'opération risquée. La proposition de la dame concernant cette plante de chez elle lui fit un choc et il eut une suite de révélations qui le mena à entraîner la brune et l'enfant dans une cabane de bois. La maisonnette, isolée, proche d'une cascade, était aussi apaisante que préservée de tout. La chasseuse aima immédiatement cet endroit. Sur le chemin, Koniake avait salué son idée à plusieurs reprises sans qu'elle n'y réponde vraiment, et avait finalement refusé de leur révéler sa fameuse idée. Perplexe, elle avait accepté son invitation à entrer, et, après avoir déposé son bagage dans un coin, elle était ressortie dans le souffle glaciale que Samui exerçait sur ces monts pour le chercher et l'interroger. Elle resta abasourdie en découvrant le soigneur et ne put faire un pas de plus, observant la scène, fascinée. Jamais elle n'avait vu un si beau spectacle...

Elle désigna ensuite le récipient et le questionna :

- Qu'est-ce donc ? Allez-vous enfin me confier cette idée révolutionnaire ? Ce n'est pas très gentil de m'exclure ici en usant de l'information que je vous ai offerte. Si cela peut vous rassurer, je vous assure que je vous en laisserais l'entier crédit !

Oh, Shäan ne disait pas cela méchamment, elle était même, au contraire, bien contente d'aider ce pauvre Change-Forme et la femme dont il était épris. D'ailleurs, elle était assez intriguée, alors elle le questionna plus en profondeur :

- Comment avez-vous rencontré Hobin ? Il n'a pas l'air d'un vendeur, ou d'un travailleur des mines, et encore moins d'un soldat. Qui est-il ?

Un autre détail avait attiré son attention et elle préféra revenir dessus sans tarder, avant d'oublier. Sourcils froncés, observant la statue de pierre qui souriait, assise en tailleur, à jamais piégée, soumise au caprice du temps sans pouvoir lutter, elle l'interrogea donc :

- Pourquoi cela vous tient il tant à cœur de réussir sans l'aide des Technologues ? Ils sont certes arrogants, mais ils possèdent les recherches les plus avancées sur la quasi-totalité des domaines connus.

Se frappant le front, la dame secoua ensuite la tête puis alla attraper la main de Koniake pour le tirer à l'intérieur en s'exclamant :

- Vous pourrez tout aussi bien me répondre à l'intérieur ! Nous serions dans de beaux draps si quelqu'un passait par là et vous voyait ainsi.

Soupirant, la dame le lâcha, regardant où en était le garçon pour aider, en rétorquant sur un ton boudeur :

- Mais ce n'est pas la priorité, je ne suis pas venue pour cela. Combien de temps comptez-vous me faire mariner avant de me révéler ce pour quoi vous m'avez initialement invitée ? Non pas que je ne reconnaisse pas la beauté du paysage, le cadre est assez exceptionnel pour me donner envie de rester plus d'une journée, mais je reste curieuse. Vous ne pouvez pas m'appâter puis changer de sujet, d'un claquement de doigts.

Shaan fini par lui demander ce qui se trouvait dans le seau. Tout aussi jouasse. Le soigneur se tourna vers elle.

— Il s'agit de ma magie ! Elle n'est pas encore suffisamment développée pour être utilisée seule, mais elle a la faculté, fort pratique "d'engourdir" certaines zones. Mon idée, serait de la combiner avec l’ashwagandha, augmentant ainsi la vitalité du patient pour limiter les risques de complications pour retirer la cataracte. Ma magie servirait enfin à rendre l'opération moins douloureuse mais aussi à isoler la partie viciée du reste du corps. Avec d'autre plantes, plus aggressive, on peut imaginer qu'il n'y aura plus besoin d'aiguille et d'opération !

L'excitation se lisait au travers de sa voix alors qu'il racontait cela. Il entreprit néanmoins de défaire le pauvre Jonquille des équipements qui le couvraient, pour le laisser vaquer dans l'ensemble du jardin. Tout en faisant cela, il répondit à la dame à pros d'Hobin.

— Oh je l'ai rencontré avec le père d'Eliott, Hans. Il nous a tiré dessus et a voulu nous détrousser. Mais quand il a su que j'allais aider en ville, il nous a escorté jusqu'à à un village ! Himabaha est sournoise, à bien y regarder un Égide est rarement différent d'un brigand.

Il y eut un instant de flottement entre sa réponse et une nouvelle question de Shaan, à propos de la Technopole, cette fois. Le soigneur allait répondre quand la dame le tira à l'intérieur de la cabane en donnant un excellent argument.

Alors qu'ils entraient dans la pièce, Eliott claudiquer sans grand intérêt entre les étagères.

Il se tourna vers Shaan, avec un sourire amusé.

— Il est vrai ! Je manque à mes devoirs ! Je vais commencer par nous faire du thé !

Le soigneur se déplaça à l'intérieur de la pièce, . Il alla attraper une théière qu'il remplit d'eau. Il amena celle-ci au dessus de la cheminée et l'y fixa via un mécanisme. Il fit signe à Eliott de venir et l'encouragea à souffler quelques flammes sur le bois qu'il venait de remettre.

Le garçon grommela avant de s'approche et de s'abaisser avec l'aide de son mentor. Il prit plusieurs inspiration, avant de fermer les yeux et de faire le vide. Lorsqu'il les rouvrit, il s'approcha du bois et souffla doucement. De légères flammèches émanèrent de sa bouche pour venir lécher le bois présent dans la cheminé.

— Bien, contrôle ton souffle, doucement. C'est parfait.

Lorsqu'Eliott eut fini, il haleta légèrement avant d'essuyer son front. Koniake l'aida à se redresser. Puis le soigneur releva la tête vers Shaan et répondit d'abord à sa précédente question à propos de la Technopole.

— Je ne refuse pas l'aide de la Technopôle, c'est plutôt eux qui me la refuse. Nos tentatives pour accéder à des bibliothèques ont certes était un succès, mais en l'absence de passe droit et de professeur l'on s'est vite heurté à un mur. C'est dans ce genre de moment où Mëziel me manque le plus ! Quant à ce pourquoi je vous ai fait venir... Hm, Eliott va t'asseoir avec Shaan, cela va te concerner également.

Koniake avait fait le choix de dévoiler les recherches d'Hans à Eliott. Bien qu'il restait un enfant, il était en droit de connaître la nature de celles-ci, surtout qu'Hans semblait songer à impliquer son enfant.

Koniake alla chercher la théière et quelques tasses et servit le thé. Entre temps, il avait attrapé une chemise intacte pour se couvrir. La précédente était en lambeaux au même titre que les bandes. Il alla d'ailleurs en chercher d'autres rouleaux. Pas seulement pour lui, mais aussi pour son pupille. De retour à la table, il déposa les feuilles qu'il avait réussi à traduire avec les bandes.

— Voilà ce que j'ai récupéré des recherches de ton père, Eliott. Pour vous en faire un rapide résumé, il s'agit de la possibilité de mettre sous sa coupe une créature. Je tiens néanmoins à vous dire, à tout deux, que si jamais ces recherches tombaient entre de mauvaises mains, les conséquences seraient catastrophiques. Si je vous en parle, à vous Shaan, c'est parce que vous semblez avoir l'expérience du voyage et la même curiosité vorace que moi. Quant à toi, Eliott, ces recherches sont le fruits de ton père. Il me les a confié mais, il semblait vouloir t'impliquer. Tu es devenu mon apprenti contre ton gré, mais ce n'est pas pour autant que je suis disposé à te faire de cadeau. Tu le sais mieux que personne, Ezylone est un endroit dangereux et injuste. Ces recherches, selon comme elles seront utilisés peuvent être un instrument de chaos, ou au contraire bienfaisante.

Eliott regarda Koniake un moment décontenancé. Puis son regard se fit de nouveau froid et impartiale. Pourtant, une légère commisure habillait son visage alors qu'il tirait de sa main de chair, les feuilles vers Shaan et lui.

En désignant le seau, le guérisseur lui apprit qu'il s'agissait là de sa magie. Cela fit, bien entendu, hausser un sourcil à la dame, mais elle ne fit aucun commentaire, se contentant de l'écouter jusqu'au bout avant de répondre avec entrain :

- C'est une excellente idée ! Une telle magie doit être bien pratique, mais je suis curieuse, comment produisez-vous cette... Mixture ?

Il mit fin au mystère entourant Hobin en lui révélant les péripéties qui avaient précédés la rencontre avec Eliott. Sa comparaison entre les bandits et les Égides froissa légèrement Shäan, pas qu'elle ait beaucoup d'empathie pour ces gens-là, mais de là à les mettre au même niveau... Que pouvait-il bien avoir vécu qui ait ainsi fait baisser l'armée d'Himabaha dans son estime ? Quand il reprit un autre sujet, la tirant de sa réflexion, la chasseuse pouffa et soufflant du tac au tac :

- Je ne suis pas sahlienne, et ma fortune ne vient pas d'un tiers, mais au-delà de ces détails, on peut considérer que je suis à la recherche d'un bon parti. Même si je n'ai pour l'instant rencontré aucun prétendant sérieux. Le jeu de la séduction me plaît bien trop pour y renoncer, je le crains.

Minaudant, elle questionna l'éphèbe, le regard pétillant de curiosité non contenue :

- N'avez-vous aucune prétendante pour ainsi vous évoquer faire la cours ? Vous ne devez pas avoir d'attirance particulière, pour quiconque, je me trompe ?

Comme ils avaient rejoint la chaleur de la cabane, Eliott eut l'air choqué de voir son mentor dans cet état. Shäan ne pouvait nier qu'elle avait aussi été surprise la première fois. Toutefois, il sut trouver les mots pour rasséréner l'enfant avant de proposer du thé à son invitée et de retrouver une allure plus...Classique, dirons-nous. Elle eut alors un aperçu de la magie du garçon, qui maniait l'élément avec dextérité pour son âge. Lorsqu'ils eurent fini, l'enfant récupérant de l'effort, Koniake entreprit de lui apporter de nouvelles réponses. Il faut dire que l'échange d'informations était constant et que les réponses apportées menaient souvent vers de nouveaux mystères. Mais la dame adorait cela. Et l'intérêt dont elle faisait preuve était suffisant à le montrer.

Ainsi, comme d'habitude, la Technopole refusait de partager ses connaissances. Ce fait ne choquait plus la dame, elle en avait souvent entendu parler et il s'agissait d'un défaut connu qui attirait bien des ennemis à la cité-état. Quand il en vint à parler du sujet qui avait amené la dame, Eliott fut également convié à s'asseoir et à suivre la conversation. L'homme revint avec des feuillets et la boisson chaude dont l'odeur se répandait déjà dans la demeure. Shäan ne put s'empêcher de sourire, elle appréciait grandement la chaleur de l'endroit, son côté simple et accueillant. Tout ceci était si différent. Si différent et pourtant pas désagréable.

Cette sensation de bien-être s'évapora violemment quand Koniake lui révéla le sujet des recherches du fameux Hans. Ses yeux s'écarquillèrent, ses mains devinrent moites, son cœur cogna si fort dans sa poitrine qu'elle crut qu'il allait la transpercer et se sentit obligé de se maintenir la cage thoracique de ses deux mains. Pour la première fois depuis bien longtemps, une peur viscérale la traversait, la faisant frissonner comme si le vent s'était soudainement engouffré par chaque interstice de la bâtisse pour la glacer jusqu'au os. Dans un murmure trop aigu, la dame lui fit part de son malaise, la voix tremblante :

- C'est de la folie... Qui irait inventer une chose pareille... Si ça se savait... Non, je ne veux même pas l'imaginer...

L'enfant attira à eux les papiers et Shäan ne dit plus un mot pendant qu'ils parcouraient les explications traduites par Koniake. Plus elle en apprenait et plus son souffle se faisait court. C'était à la fois tentant et pourtant plus terrifiant qu'aucun voyage, qu'aucune des folle aventure qu'elle avait entreprises jusqu'ici. Ces chaînes dont l'ouvrage parlait, si elles pouvaient réellement permettre de contrôler des créatures... Et si... Les Chimères... Et eux ?! ...

La dame se gifla. Ses joues rougirent sous l'affront, mais elle ignora la douleur qui la ramenait au présent pour plonger son regard sévère dans celui de Koniake. Elle devait savoir, avant tout. La tension asséchait sa gorge et rigidifiait ses épaules, pourtant, elle ne flancha pas et lui demanda, peu amène, attentive au moindre détail de l'attitude du soigneur qui trahirait ses pensées lorsqu'il répondrait :

- Que comptez-vous en faire ?

Koniake esquissa un sourire malicieux et ne se contenta que d'un haussement de sourcils énigmatique pour répondre à l'interrogation de Shäan à propos de la façon dont il produisait sa magie. La suite de la discussion lui paraissait bien plus intriguant, intéressant et surtout, amusant. Son sourire malicieux s'agrandit encore un peu.

- Un bon partie, dîtes vous ? Voilà donc la nature du trésor que vous cherchez ! Mais, pour filer la métaphore, je comprends comme le voyage et ses curiosité sont parfois plus grisant que la destination !

Quand elle le questionna sur une possible prétendante, il détourna le regard, faussement gêné.

- Me prenez-vous donc pour un coureur de jupons sans cœur ? Loin de là ! L'amour, est comme une chanson, je me fais pour mission d'en faire bénéficier tout un chacun, qu'importe leur naissances, histoires ou que sais-je ! Mais...

Il marqua une pause, en soufflant un simple murmure.

- Il est possible que certaines chansons, soient dédiés à un public plus restreint !

Et sur cette énigme, il esquissa un dernier sourire complice à la dame avant de s'atteler à un sujet plus épineux ; les recherches d'Hans.

La discussion légère et amusante laissa rapidement place à de troublantes révélations. Eliott se décomposa progressivement au fur et à mesure de la lecture. Tout comme Shäan. Mais contrairement au garçon, celle-ci ne resta pas muette bien longtemps. Elle posa sur Koniake un regard sévère, en lui demandant ce qu'il comptait en faire. Koniake prit une gorgée de thé.

— J'ai d'abord songé à les détruire.

Eliott tapa du poing sur la table.

— Tu ne peux pas faire ça ! Il s'agit des recherches de mon père ! Il y a passé sa vie !
— Et elles ont pris celle de ta mère et t'ont mutilé.

Le ton de Koniake avait été dur. Sec. Eliott resta sans voix face à cette réplique cinglante. Koniake soupira.

— Néanmoins, je te connais Eliott, tu as beau être intelligent, tu es têtu. Tu ne voudras jamais les abandonner. Alors voilà ce que je veux que nous en fassions.

Il releva les yeux pour regarder autant Shaan qu'Eliott.

— Mon projet est de découvrir les secrets se cachant derrière ces recherches. D'en comprendre tous les mécanismes, pour finalement les détruire. Mais pour cela, il nous faudra utiliser cette magie, cette science, appelez cela comme il vous plaît. Pour la comprendre et nous l'approprier. Mais, le pouvoir détraque les esprits. Jamais nous ne devrons nous laisser tenter pour utiliser ces recherches pour notre intérêt. Cela vous va ?

Eliott resta muet, le regard dans le vague. Ça faisait beaucoup d'information d'un coup et Koniake avait conscience d'avoir été dur avec lui. Malheureusement, les adultes autour de lui, avaient décidé qu'il n'était plus un enfant. Et en tant que principal responsable, il était du devoir de Koniake d'épauler et de guider son pupille.

Shäan n'avait pu s'empêcher de rire quand Koniake avait évoqué certaines de ses chansons qui étaient destinées à des personnes en particulier. Elle lui demanderait peut-être plus tard de qui il s'agissait ! Pour l'heure, les sujets s'enchaînaient. Pour sa comparaison entre l'amour et les voyages, deux passions qu'ils partageaient visiblement, la dame ne put que rire à nouveau. Elle appréciait la compagnie du barde, ils pouvaient parler librement sans se juger l'un l'autre. Pourtant, le réel sujet de sa présence fut bientôt abordé, et la chasseuse perdit soudainement toute envie de plaisanter. Sous son calme apparent, elle savait que le soigneur était mal à l'aise, moins qu'elle, à n'en pas douter, mais suffisamment pour être parfaitement honnête au sujet des recherches du père d'Eliott.

Lorsqu'il déclara avoir voulu les détruire, Shäan opina. C'est sûrement ce à quoi elle aurait pensé en premier, elle aussi. L'éclat de voix de l'enfant fit frissonner la brune. Jamais elle n'avait vu le gamin ainsi hausser le ton sur son tuteur. La façon dont il le calma fut tout aussi violente. La chasseuse faillit intervenir, mais elle comprit que cette vérité avait besoin d'être énoncée pour que la discussion avance. Eliott avait beau être jeune, il était assez mature pour comprendre qu'il ne fallait pas prendre de décision sans tenir compte de tous les éléments. Elle laissa les deux proches régler leur différend puis se racla la gorge pour rappeler sa présence sans couper la discussion trop brutalement et souffla avec sérieux :

- De ce que j'ai lu, il nous faudra du temps et des moyens pour mener à bien ce projet... Sordide. Je vous propose une chose très simple afin que nos résultats, quels qu'ils soient, demeurent sous contrôle. Ne donnons d'informations à personne. Chaque tâche qui nous mènera vers la réussite de ce projet devra demeurer secrète, peu importe ce qu'elle contient. Moins nous en dirons, mieux cela sera. Quant à ces travaux... Il vaudrait mieux les mémoriser et détruire ces documents afin de ne rien garder qui puisse nous compromettre... Ou être volé à notre insu. Tout du moins, les traductions que vous en avez fait sont bien trop accessibles. Êtes-vous d'accord avec cela Koniake, Eliott ?

Le garçon était silencieux depuis que son mentor l'avait rabroué, la dame tendit donc la main pour caresser doucement sa chevelure hirsute avant de lui expliquer plus doucement :

- Je comprends que tu veuilles protéger son héritage, quoi qu'il ait fait, mais si tu te concentre trop sur un détail, tu perdras de vue le plus important. Observer le tableau dans son ensemble est essentiel pour comprendre les enjeux d'une telle expérience. Et même si je ne sais rien, ou bien peu de chose sur la façon dont ceci est arrivé... Shäan laissa es doigts glisser avec une grande douceur sur les cicatrices qui brisaient l'équilibre de ses traits enfantins. Je voudrais t'aider à laisser tout ça derrière toi, à aller de l'avant. Tu es quelqu'un de courageux, et d'intelligent, tu sauras évoluer dans cette vie malgré, ou grâce à tes mésaventures, et je suis certaine que tu feras de grandes choses. Je vous appuierais du mieux que je le peux.

Jamais, de mémoire, elle n'avait autant encouragé quelqu'un. La dame se sentait proche de l'enfant. Peut-être parce qu'il lui rappelait ses mésaventures durant son adolescence, ou du moins, ce qui s'y apparentait ? Ou bien était-ce désir étrange qui lui remuait les entrailles depuis un moment... ?

Shäan/Koko recherches
La brune reprit la parole, après s’être éclaircit la gorge, mettant fin aux prémices d’une dispute entre le pupille et son mentor. Elle avait alors reprit en suggérant quelque chose de tout à fait censé. Ne garder aucune trace pour ne pas de trahir m. Mais, s’il y avait bien une chose que craignait Koniake c’était d’oublier. Mettre par écrit ce qu’il vivait lui permettait ainsi de le cristalliser dans le temps. Il fit la grimace.

– Ça me fend le cœur de l’admettre, mais oui. Cela doit disparaître pour ne rester qu’en nos mémoires. Eliott, je vais t’enseigner ce que j’apprendrais au fil de mes traductions, tu devras tout garder en tête. Au mots près.

L’enfant acquiesça ravi que Koniake lui fasse suffisamment confiance pour le faire gardien de ces savoirs. Il lui importait peu de savoir si son mentor faisait ça car il s’agissait des recherches de son père, ou juste pour combattre l’angoisse d’oublier. Mais alors qu’il contenait sa joie derrière un regard dur – il devait encore paraître énerver par la « dispute » avec Koniake – il sentit la main de Shäan caresser ses cheveux. Son regard passa sur elle, tandis que ses joues rosirent un peu. C’était un peu humiliant d’être traité comme un enfant. Mais, il avait perdu l’habitude de la tendresse de ce genre de geste avec Koniake – pour le féliciter celui-ci se contentait d’une tape sur l’épaule ou ce genre de chose. Ce n’était pas désagréable.

En revanche, quand elle passa ses doigts sur ses cicatrices, il eut un mouvement de recul, aussi instinctif que possible. S’il avait eut deux jambes, nul doute qu’il serait déjà à l’autre bout de la pièce. Seulement, il ne put reculer de quelques centimètres en s’enfonçant dans son siège et en soufflant un discret « désolé ». Avant de reprendre, après s’être éclairci la voix.

– Je comprends, oui. Merci...

Koniake acquiesça en leur direction. Il reprit la parole, avec un ton plus grave.

– Bon, nous avons notre objectif. Il faudra également faire attention, il n’est pas impossible que d’autres gens à travers est découvert cela et soit au courant qu’Hans menait ces recherches.

Sur cela, il se leva et passa à travers la cabane allant jusqu’à la cuisine.

– M’enfin, nous aurons tout le temps de songer à ces affreuses choses plus tard. Vous vous joignez à nous pour le dîner Shäan ? Je comptais essayer une recette de bouillis de racines et champignons ! Le tout agrémenté d’un hydromel de première qualité !

Il sortit une bouteille pour parader. Il ne faisait aucun doute qu’il s’agissait là d’une bouteille de piquette, sur laquelle il avait collé une étiquette de luxe.

Koniake accepta la proposition de la dame, et confia à Eliott la tache inestimable de mémoriser les travaux de son père. Celui-ci, gêné, s'excusa de l'écart qu'il avait eu sous la caresse de la brune, avant de la remercier de son conseil. Le barde coupa court à ce moment étrange en mettant en avant un fait auquel Shäan n'avait pas du tout pensé : La concurrence. Elle hocha la tête vivement, le regard déterminé, mais n'osa pas parler aux deux acolytes de ce qui lui avait traversé l'esprit. La réponse était pourtant simple, bien que radicale. La chasseuse ne tolérerait absolument aucun rival, pas quand la finalité était de pouvoir asservir un tiers. Ils se joindraient à eux s'ils en étaient dignes, ou mourraient sous sa lame. Rien ne servait toutefois de les inquiéter pour rien.

Comme Koniake changeait de sujet, abordant le repas, et l'alcool, bien entendu, la dame décida elle aussi qu'il était temps de se détendre un peu. La journée avait été riche en informations et en émotions. Rien ne valait un bon verre lorsqu'on avait été sérieux trop longtemps, bien qu'elle doutât de la qualité du liquide que la bouteille agitée contenait. La chasseuse était encore remuée par les révélations de Koniake sur les recherches d'Hans, un peu de repos ne lui ferait pas de mal, alors elle accepta avec en souriant :

- Avec grand plaisir ! J'ai bien besoin de me réchauffer un peu après tout ça ! Et si cela ne vous dérange pas, je passerai la nuit ici.

Koniaka accepta et le ton devint plus léger à mesure que la vinasse du guérisseur emplissait les godets. La bouillie fut savoureuse, bien que sa texture un peu étrange, et après avoir diner, chanté, parlé de la pluie et du beau temps à demi-ivres, ils s'endormirent tous. Le foyer crépitant fut bientôt le seul son audible au milieu des souffles apaisés.