La chaîne ou l'envol ? [& Zei]

Shäan maugréa, elle était de mauvaise humeur depuis qu'elle était entrée dans la Technopôle. L'endroit ne lui plaisait pas, elle se sentait trop loin de ses racines. L'air était lourd et sentait mauvais, une légère toux la prenait par moments, désagréable, irritant sa gorge. Pourquoi était-elle venue là déjà ? L'occasion, la proximité. Ventis n'était pas très éloigné de la grande ville, contrairement au chemin pour rentrer chez elle qui était déjà bien plus long. La ville devait avoir de nombreux objets de collections qui n'attendaient que les acheteurs potentiels, ou qui s'y connaissaient assez. Non pas qu'elle ne se soit jamais emportée et acheté des breloques qui ne valaient rien, mais c'était à ses débuts. Les choses avaient bien changé depuis. La dame s'était donc contenté de modifier son itinéraire.

Elle avait également envoyé un oiseau messager prévenir le garde qui surveillait sa boutique qu'elle serait absente plus longtemps et le paierait en dédommagement à son retour. La demoiselle espérait ne pas trop profiter de son statut privilégié en l'obligeant ainsi à veiller sur son commerce. Elle savait que l'homme était droit et travailleur, et qu'il resterait fidèle car elle payait bien. De plus, s'il arrivait quelque chose à la boutique alors qu'elle l'avait laissé sous sa garde, il perdrait d'autres clients par le bouche à oreille. Cette seule pression suffisait à la rassurer. Sa collection était bien protégée. Après avoir trouvé une sorte d'officier, à qui elle demanda son chemin, celui-ci lui recommanda de monter dans les quartiers du milieu.

Après quelques escaliers, des passerelles et l'observation de plusieurs devantures, elle entra dans une boutique, plutôt emballée. Non pas qu'elle apprécie à présent la cité ! Loin de là ! Mais son avidité se réveillait doucement en présence de beaux bijoux, surtout des créations uniques. Elle en oubliait petit à petit le désagrément d'avoir dû traverser les bas-fonds. Là où sa tenue avait attiré de nombreux regards et des gamins qu'un avertissement avait suffit à décourager de lui faire les poches. Soupirant, elle se demanda comment elle aurait grandi avec une famille normale... Puis se gifla mentalement et se pencha sur une vitrine. Malheureusement, la plupart des pierres étaient fausses. Avisant le vendeur, elle l'aborda avec une sourire charmeur, le flattant sur son magasin, puis son ton changea radicalement, se faisant doucereux et menaçant :

- Si seulement ces pierres étaient vraies ! Ha, quel dommage, moi qui suis venue de si loin pour trouver une pièce assez rare pour rejoindre ma collection !

Elle le flatta d'un sourire et caressa sa joue, pure provocation, elle réduisait simplement son espace vital pour l'impressionner :

- Si vous aviez la bonté de me recommander un endroit où je peux trouver de véritables bijoux uniques, alors je me garderais de vous faire mauvaise réputation. Je traite avec de nombreuses personnalités, voyez-vous ? Il serait dommage que vous perdiez une grande part de votre clientèle, voir même que vous fermiez boutique, n'est ce pas ? Allons, ne soyez pas timide, dites moi tout !

L'homme, décontenancé, ne devait pas être le propriétaire de la boutique, il regardait vers l'extérieur comme s'il espérait que quelqu'un fasse irruption pour le sauver. Mais personne ne vint et il se résigna. Shäan s'écarta et repoussa sa besace sur son épaule, profitant du geste pour rehausser sa cape qu'elle avait volontairement laissé glisser sur son épaule en entrant dans la boutique. Le charme féminin était une arme redoutable et elle n'avait pas honte d'en abuser. Il lui confia à contre-cœur connaître un homme, pas une bonne fréquentation, mais elle se fichait totalement de ses recommandations en terme de sécurité. Il griffonna sur un papier l'adresse et la lui tendit, la prévenant qu'il ne serait peut-être plus là, qu'il ne l'avait rencontré qu'une fois et n'en gardait pas un bon souvenir, en dehors du fait qu'il possédait de nombreux biens de qualité supérieure à ce qu'il vendait. Elle haussa un sourcil en pensant que ce n'était pas bien dur.

Sans trainer, la jeune femme à la peau dorée quitta le piège à touriste et chercha à rejoindre l'adresse indiquée. Cela lui pris du temps, elle avait du mal à se repérer dans ce labyrinthe de rue ou s'étalaient boutiques, auberges, et tavernes en tout genre. La nuit était tombée quand elle s'arrêta au bon endroit, enfin. Ses pieds étaient un peu douloureux et elle songea que fuir en cas d'urgence serait compliqué, il valait donc mieux prévoir le coup. Shäan invoqua sa magie discrètement, cacha le résultat dans son sac et s'observa dans une vitrine adjacente. Son caftan noir brodé d'or avait résisté au voyage, ses cheveux savamment tressés étaient remontés en un chignon arrangé, dévoilant toute l'assurance de son regard émeraude, elle était magnifique, mais ce n'était pas suffisant, il manquait une parure à son cou. Ses boucles phosphorescentes paraissaient seules à ses oreilles... Il fallait remédier à cela rapidement. Elle frappa à la porte et demanda d'une voix douce, basse, mais suffisamment forte pour être entendue à travers le battant :

- On m'a indiqué que vous vendiez des articles hors du commun et je suis fortement intéressée.

La Chaîne ou l'Envol ?

Ft. Shäan

- "Eh beh, la dernière recrue est plutôt efficace ! A c’rythme là elle va nous faire déborder les réserves qu’il faudra qu’on ouvre une seconde boutique !"

Je ferme tout juste à clé le magasin qui sert de couverture aux activités de recel du groupe, la journée désormais terminée, quand Rawen, le propriétaire officiel des lieux, me fait une énième remarque sur l’état de quasi débordement du sous-sol. Ce n’est pas un mauvais gars et surtout, il m’est très utile. Il n’appartient pas à part entière aux Scorpions, mais en échange de leur protection, il a accepté ce petit marché. Pas très malin de base, disons que c'est un associé plus que correct. Bien qu'un peu tire au flanc et surtout beaucoup trop bavard. Enfin, un commerçant quoi. Heureusement, il sait tenir sa langue sur les sujets sensibles.

- "Tu devrais peut-être lui demander quelques cours. Parce que tes étalages commencent à faire pâle figure. A ce rythme là, la populace va finir par se demander comment tu ne fais pas faillite."

Il faut reconnaitre qu'à mesure que les mois passent, les efforts fournis par Rawen pour tenir son magasin s'amenuisent. Ce dont je me fous royalement. Après tout, moins il y a de roturiers à la morale inébranlable entre ces murs, moins il y a de risque pour nos affaires.

- "Allez râle pas et vient plutôt boire un coup !"

Heureusement, on ne passe pas nos journées à travailler ensemble. Non, cette journée était un peu particulière de part les nombreux rendez-vous qui se sont présentés, m'ayant amené à être sur place plusieurs heures d'affilées. Cet endroit sert uniquement d'entrepôt, ce n'est pas ici que je vais chercher mes clients. Et je ne les y conduit pas toujours. Si je suis sûr d'avoir la pièce qu'il leur faut, je me contente de la leur apporter, dans des lieux toujours différents. Sans ça, il y aurait de fortes chances pour que je doive régulièrement changer de logeur.

Pourtant, quelques coups frappés à la porte, suivis d'une voix féminine, mettent en pause mes projets de socialisation pour la soirée. Un regard rapide échangé avec Rawen, ce dernier repart derrière son comptoir, faisant mine d'être très occupé à faire ses comptes de la journée. Comme s'il y avait eu le moindre changement dans cette pièce depuis le début de la matinée... Je laisse passer quelques secondes avant de me diriger vers la porte d'entrée que je viens de fermer, y insérant la clé sans pour autant me presser, pour finalement l'ouvrir de nouveau.

Je me tiens dans l'embrasure de la porte, ma main toujours sur la poignée, montrant une intention claire d'annoncer une impossibilité d'entrer. Cela étant, je garde une attitude parfaitement commerciale, une posture droite et un sourire de circonstance, peut-être légèrement plus prononcé qu'à mon habitude en raison de la nature de celle qui se trouve désormais face à moi, il faut l'avouer. Mon cache œil qui pourrait paraitre étrange pour un vendeur, légèrement camouflé par quelques mèches de cheveux, mais surtout contrebalancé par un costume sur mesure qui a pour vocation de pousser plus facilement à la confiance.

- "Bonsoir. Je dois reconnaitre que vous avez de très bonnes sources mademoiselle, et je ne peux que confirmer ces informations. Malheureusement, nous sommes fermés pour la soirée, je me vois donc contraint de ne pouvoir vous accueillir actuellement. Mais peut-être seriez-vous disponible pour repasser demain ? Ou, n'importe quel autre jour qui pourrait vous convenir ?"

Un joli minois mais qui m'est totalement inconnu. Dans ces conditions, il n'est évidemment pas question de faire exception aussi facilement. L'idée qu'on lui ait conseillé de venir ici me fait très clairement penser que ce n'est pas pour ce qui se trouve dans la pièce dans laquelle je me tiens actuellement, mais je ne peux pas prendre de risques. Je ne peux pas exclure la possibilité qu'elle soit envoyée par une quelconque organisation pour divers repérages.

- "Ou bien, peut-être pourriez-vous me faire part de ce que vous cherchez autour, disons, d'un verre, dans un établissement respectable ?"

Oui, cela ressemble fortement à une tentative ridiculement basique de drague. Et c'est bien là tout l'intérêt. Après tout, une telle femme doit avoir l'habitude de se faire courtiser par de nombreux hommes alors, s'il s'avère qu'elle n'est qu'une petite bourgeoise sans intérêt, il n'y aura rien de bien étrange dans ma proposition. Ce ne sera alors pas très difficile de m'en débarrasser. Dans le cas contraire... Eh bien, j'imagine que c'est à elle de faire ses preuves !

Shäan allait renoncer lorsqu'elle surprit le bruit de la clef qu'on glisse dans la serrure. Elle croisa les bras sur sa poitrine, affichant l'air un peu agacé d'une personne qu'on a laissé attendre. Puis son sourire de circonstance faillit disparaître quand elle vit l'homme en costume fringuant bloquant ouvertement l'entrée. Si elle avait fait tout ce chemin pour rien, la demoiselle connaissait une autre boutique qui allait bientôt fermer, mais définitivement dans son cas. Prenant une discrète inspiration, elle se retint de manquer de tact, de sortir sa bourse pour lui faire comprendre qu'elle avait suffisamment d'argent pour s'offrir le luxe de ne PAS attendre. Sa proposition lui offrit toutefois une autre perspective. Il avait visiblement une idée en tête, et elle lisait dans son unique œil un éclat d'intelligence qu'il aurait été inconscient d'ignorer. Soit, s'il voulait jouer, la dame le pouvait aussi, elle avait eu la meilleure des professeures.

- Bonsoir. Vous me voyez ravie de savoir qu'on m'a bien renseignée ! Et si je dois atteindre demain, autant en profiter pour découvrir les spécialités locales, lâcha t'elle en haussant les épaules avec un air malicieux. J'espère au moins que vous êtes de bonne compagnie !

La jeune femme jeta un regard à sa besace, elle ne souhaitait pas s'embêter à la transporter toute la soirée. Surtout si elle finissait alcoolisée. Il y avait là-dedans bien trop d'informations que Shäan ne voulait partager pour rien au monde. Surtout pas avec un homme qui serait le plus à même d'en vendre le fruit. Soupirant, elle tendit sa main en direction du vendeur avec un regard et un sourire un peu las. Le voyage et la rencontre avec Alla Ray l'avait épuisée.

- Shäan Perkim, collectionneuse, se présenta t'elle succinctement, avant d'ajuster sa besace chargée sur son épaule pour qu'il la remarque. Pourriez-vous m'indiquer une auberge sûre où je pourrais déposer mes affaires et louer une chambre pour la nuit ? Ne m'en veuillez pas de profiter d'un gentleman qui connaît les lieux, c'est ma première fois à la Technopôle. Il serait malheureux que l'on me vole, cela m'empêcherait de profiter de vos services.

La dame avait soufflé sa dernière phrase sur un ton charmeur, jouant sur la chaleur de sa voix sans la moindre honte. Elle avait besoin de se détendre, et si cet homme jouait bien son jeu elle avait des chances de passer une agréable soirée et de repartir avec un nouveau trésor à ajouter aux autres. Cette idée la fit frémir plus encore que l'effet que le corps d'un tel homme aurait dû lui procurer. La chasseuse de trésor eut un pincement au cœur qu'elle dissimula habilement en se détournant, feignant d'observer les alentours de la boutique.

Depuis quand n'avait elle pas partagé la couche d'un homme ? Depuis que l'homme de sa vie avait disparu, l'abandonnant à son sort, elle se contentait d'user de ses charmes pour acquérir notoriété et gains. La demoiselle flirtait parfois une soirée ou deux avec un acheteur lui ayant fait du gringue, mais jamais plus. Son cœur brisé n'avait pas encore totalement récupéré de sa dernière aventure, celle qui avait fait de Shäan la femme qu'elle était aujourd'hui. La dame jeta un regard en coin à Un-Oeil, prête à le suivre dans le labyrinthe que la ville représentait à ses yeux.

La Chaîne ou l'Envol ?

Ft. Shäan

La jeune femme face à moi ne parait pas particulièrement satisfaite de la situation. Ce que je peux comprendre. Personne n'aime faire un déplacement pour se voir refuser l'entrée. Et au vu de la façon dont elle est vêtue, il y a fort à parier qu'elle n'est pas issue de ces quartiers puant. Malgré tout, elle fait bonne figure et me répond sur un ton où se mêle charme et élégance, non sans faire preuve d'une très légère touche d'impertinence qui la rend subitement beaucoup plus intéressante à mes yeux.

- "Je peux au moins vous promettre de faire ce qui est en mon pouvoir pour vous rendre cette soirée des plus exaltantes."

Et hop, envolée la perspective de discuter boulot avec cette tête de piaf de Rawen. Il sera toujours temps de le faire plus tard. J'ai désormais bien plus passionnant sous les yeux. En tout point. Pour preuve que je ne retiens désormais plus cette porte qui s'entrouvre un peu plus. Détail qui ne m'inquiète, je n'ai pas repéré d'autre silhouette que celle de la demoiselle en quête "d'articles hors du commun."

Ainsi, lorsqu'elle me tend sa main, c'est avec un grand naturel que je m'en saisi seulement du bout de doigt avant de m'incliner devant elle pour un baise-main respectueux, suivant à la lettre cette étiquette qui m'a été enseignée il y a bien des années. Depuis que j'ai atterri à la Technopôle, les occasions de retrouver les règles de ce jeu de la haute sont plutôt rare, je ne vais pas manquer de saisir cette occasion. Et à la remarque qui m'arrive en suivant, je suis persuadé que la suite s'annonce passionnante.

- "C'est un plaisir de vous rencontrer mademoiselle Perkim. Permettez que je me présente en retour. Zei Illas, simple vendeur. Rien d'aussi extraordinaire que ce que doit être le métier de collectionneuse j'en ai bien peur, mais je peux en revanche vous recommander et même, vous accompagner, dans les meilleurs établissements du coin. Si vous pouviez m'accorder deux secondes, le temps que je récupère mes affaires, et je suis tout à vous."

J'incline subtilement la tête en signe de politesse avant de repartir en boutique attraper quelques effets personnels que je glisse dans la poche intérieure de ma veste, je laisse la porte ouverte en l'état (l'inverse serait bien impoli de ma part), ne me souciant pas de ce que cette potentielle future cliente pourrait y voir. Et sans un regard pour Rawen, je reviens à hauteur la jeune femme qui a réussi à retenir mon attention. Curieux comme il est, il n'a pas dû rater un seul mot de notre conversation et comprendra sans difficulté que je ne serais pas disponible avant le lendemain. Je prends tout de même soin de fermer à clé l'entrée principale, avant de me tourner à nouveau vers la demoiselle à qui j'adresse un nouveau sourire.

- "Alors dites-moi Shäan, si vous permettez que je vous appelle ainsi...." Je laisse un léger silence s'installer pour qu'elle puisse me faire part de ses préférences avant d'enchainer. "J'imagine que ce n'est pas pour votre plaisir personnel que vous vous trouvez en un tel endroit aujourd'hui. Il est plutôt rare d’apercevoir une jeune femme aussi élégante dans ces quartiers, alors, je suis curieux de savoir ce qui amène une collectionneuse jusque chez moi ?"

Techniquement, cette boutique ne m'appartient pas réellement, mais ce n'est qu'un détail futile. Je garde une attitude respectueuse et qui obéit à l'intégralité du code de bonne conduite qu'un parfait gentleman se doit d'appliquer envers une femme. Pour autant, je ne cherche pas à dissimuler l'intérêt qu'elle provoque en moi, que ce soit à travers mon regard ou mon sourire qui se veulent charmeurs. Il faut admettre qu'elle a un physique des plus attrayants, ce qui n'en est que plus évident maintenant que je peux marcher à ses côtés. Évidemment, tout ceci n'est qu'un jeu, mais un jeu en présence d'une belle femme est toujours bien plus intéressant.

Je prends donc mon rôle de guide à cœur, bien qu'il n'y ait rien de très remarquable et ces lieux. Ce n'est pas pour rien que peu de personnes vivent ici. En revanche, les auberges ne manquent pas, les voyageurs n'étant pas rares. Je nous emmène ainsi vers l'un de ces établissements d'apparence fréquentable dont je connais le tenancier pour y aller ponctuellement avec certains clients, où elle pourra trouver une chambre pour respecter sa demande de disposer d'un endroit sécurisé pour ses affaires, tout en y trouvant de quoi boire et discuter.

La réponse d'Un-oeil était assez satisfaisante pour arracher un léger rire à la dame. L'homme abandonna sa posture fermée, permettant à Shäan de glisser un regard curieux à l'intérieur. Dans un jugement hâtif, elle parvint à la conclusion que si trésor, il y avait, ce n'est sûrement pas dans la pièce qu'elle avait sous les yeux qu'il était entreposé. Elle reporta donc son attention sur le borgne, surprise de le voir effectuer un baise-main en bonne et due forme. Malgré ses grands airs, elle n'avait pas l'habitude de recevoir pareille attention, en dehors des festins et spectacles organisé par cette chère Anya, et rougit imperceptiblement, se forçant à rester immobile plutôt que de céder à son impulsion de rétablir la distance. Sa discipline fut récompensée par des informations. Vint d'abord un nom, qu'elle n'avait jamais entendu, puis ce qui semblait être de la fausse modestie, la jeune femme l'imaginait mal être un simple vendeur, pas avec cette tenue et ces manières. Mais soit ! Elle hocha la tête, mémorisa, et accepta en souriant de la flatterie avant de faire un léger mouvement de la main :

- Je vous en prie, faîtes donc.

Il revint rapidement, puis demanda s'il pouvait l'appeler par son prénom. La dame n'eut pas besoin de tergiverser, cela l'arrangeait bien. Instaurer la proximité était la première étape de toute relation.

- Mais bien sûr, Zei, ce sera bien plus simple pour converser, lui renvoya t'elle avec un regard appuyé. Comme je vous l'ai dit, je suis ici pour affaire. Il se trouve que ce n'était pas ma destination initiale, mais que comme je me trouvais non loin et que mes mouvements ne sont nullement entravés, j'ai fait un crochet par cette... Elle s’interrompit, chercha un mot convenable pour masquer son manque d'attrait. Immense ville ! J'espère bien y trouver au moins un objet capable d'arrêter mon attention comme j'ai attiré la vôtre. Je ne collectionne pas uniquement pour mes clients, voyez-vous ?

Elle dut se retenir d'avouer accumuler les clients autant que les objets, mais c'aurait été aussi malvenu que prétentieux. Une telle remarque n'avait rien à faire dans cet échange.

Ils arrivèrent devant une auberge correctement entretenue sans être luxueuse, et Shäan comprit à son attitude que c'était l'endroit où son guide voulait la mener. Elle attendit qu'il ouvre la porte pour s’engouffrer dans le vestibule après l'en avoir remercié. C'était un lieu cosy, invitant à la confidence. Le mobilier de bois sombre était assorti de moelleux divans et sièges aux coussins de rotin bordeaux, le tout exposé sous une lumière tamisée que filtrait judicieusement des rideaux contenus par de gros rubans de dentelle crème.

Elle aima immédiatement l'endroit et réserva sans tarder une chambre pour deux nuits, sans préciser le nombre d'hôtes qui y séjournerait. Sa voix était douce, mais le ton ne tolérait aucune question indiscrète, aussi le tenancier, après avoir jeté un regard curieux à Zei qu'il semblait connaître, puisqu'il lui fit signe, ajouta t'il sa réservation dans son registre avant de leur demander s'il souhaitait prendre une table. La dame se tourna vers celui qui l'avait invité en ces lieux et l'interrogea :

- Devrions-nous dîner ici ? N'ayant aucun avis sur les établissements de la Technopôle, je ne peux que me ranger au vôtre. Je suis toutefois certaine que vous choisirez judicieusement.

Un repas lourd appelait le sommeil et écourtait la soirée, des mets répétés en faibles quantités appelaient à plus de boisson, donc à des confidences, mais encore fallait il qu'ils soient bons. Shäan se demanda quel genre de plat servait l'auberge, elle n'avait vu aucune carte depuis son arrivée. Comme elle commençait à avoir la gorge sèche, à marcher et parler, elle n'attendit pas sa réponse et s'appuya au bar pour demander un verre de son meilleur vin blanc à l'homme avant de plonger son regard dans l'unique oeil de Zei, désignant de l'index les diverses bouteilles derrière le tenancier.

- Je suis curieuse. Quel est donc votre poison ?

La Chaîne ou l'Envol ?

Ft. Shäan

Nos pas résonnent désormais sur les pavés de ce quartier peu animé à cette heure avancée. L'effervescence qui règne en pleine journée laisse place au calme typique une fois la plupart des ouvriers ayant terminé leur labeur. Il faut se contenter du faible éclairage fournit par la lune, qui réussi à se frayer un chemin au travers des usines hautes de plusieurs mètres et de la fumée qui ne participe pas à rendre cet endroit particulièrement accueillant. Seules quelques enseignes lumineuses annoncent l'existence d'établissements ouverts en soirée. Ces rues ne sont assurément pas des mieux fréquentées, mais j'ai suffisamment l'habitude d'y trainer pour ne pas avoir à m'en soucier. Même en charmante compagnie.

- "Eh bien, il semblerait que vous ayez eu du flair. L'expérience j'imagine. Les trésors ne sont pas des plus nombreux en cet endroit, mais, lorsqu'on sait où chercher, il se peut qu'on tombe sur quelques pépites. Il y a longtemps que vous êtes dans le métier ? Pardonnez ma curiosité, mais c'est que vous avez pourtant l'air jeune."

Elle n'est donc pas du coin. Ce qui ne m'étonne nullement, mais une confirmation est toujours appréciée. Pour autant, elle dispose de suffisamment d'assurance pour suivre un parfait inconnu dans ces lieux qui n'inspirent pas naturellement confiance, jusqu'à ce qu'on entre dans cette auberge plus animée que la rue qu'on vient de quitter. Sans pour autant être bondée, plusieurs personnes sont déjà installées, un verre à la main, en pleine discussion, ne nous accordant pas la moindre attention alors que nous nous dirigeons vers le comptoir, Shäan en profitant pour réserver une chambre sans plus attendre. J'en déduis que le lieu lui convient.

- "J'espère que vous n'espérez pas de la haute gastronomie servie dans de la vaisselle en argent, pour ça, j'ai bien peur qu'il nous faille encore effectuer de nombreuses bornes. Autrement, la nourriture servie ici est de qualité tout à fait respectable, et vous ne trouverez pas meilleurs vins à ces prix là !"

Comment le tenancier réussi à se procurer des produits de cette qualité pour les revendre à des prix adaptés aux travailleurs de ce quartier, personne ne le demande. Il est des questions qu'il ne vaut mieux pas poser, pour se contenter d'apprécier le résultat. Et c'est exactement ce que je fais, informant l'aubergiste que nous mangerons sur place, pendant que la jeune femme fait déjà son choix en matière de boisson. Si les bouteilles sont nombreuses, les options en matière de nourriture sont plus réduites, puisqu'il faut se contenter des "produits du moment", souvent constitués de planches de charcuterie, de fromage, et éventuellement de quelques légumes, crus, en accompagnement. Rien d'exceptionnel mais suffisant pour satisfaire l’appétit des travailleurs.

- "En réalité, je fais partie de ces gens qui aiment varier les plaisirs. Et, l'alcool n'y fait pas exception. Disons que j'aime adapter le contenu de mon verre à la compagnie dont je dispose. Alors, pour ce soir, je vais m'orienter vers un rhum. Une boisson de caractère, mais également prisée par des hommes de peu de foi. Ambré, pour son raffinement travaillé au cours de nombreux mois, et les différents arômes qui ne peuvent être pleinement savourés qu'avec un palais aguerri. Voilà qui devrait parfaitement s'associer à cette la soirée qui s'annonce."

Ce discours n'a évidemment pas pour principale vocation de faire état de mes connaissances en matière de spiritueux. Et je n'ai pas besoin de commander expressément cette boisson pour que le serveur capte l'information principale dans notre discussion, nous apportant sans tarder de quoi boire.

À sa réponse, la dame haussa un sourcil. Ah oui ? Il avait donc bel et bien de précieux objets en sa possession ?Il l'interrogea sur son âge et Shäan le toisa :

- Êtes-vous réellement en train de demander son âge à une dame ? Ne vous a-t-on jamais indiqué que c'était fort impoli ?

Haussant les épaules, elle donna alors l'indication à Un-Oeil avec un sourire amusé :

- J'ai changé de voie, il y a un cinq ans, suite à un véritable coup de foudre. Comme toute passionnée, je prends mon travail très à cœur.

Ils se trouvaient dans la taverne, et la jeune femme venait de lui demander s'il souhaitait dîner sur place. Le borgne la mit alors en garde sur les prestations de l'établissement et elle haussa une nouvelle en le regardant de biais, malicieuse :

- Croyez-le, ou non, je n'ai pas toujours mangé des plats d’excellence. J'ai grandi avec des mets simples aux ingrédients issus de ce que la terre voulait bien donner. Si vous me certifiez que nous dîneront correctement ici, alors je vous suis.

Un-Oeil fit signe au tenancier qui s'en alla leur préparer la table dans un coin tranquille tandis que son employé servait le verre de blanc demandé par la dame. Son regard curieux se posa à nouveau sur l'homme alors qu'elle écoutait sa réponse en souriant doucement. Un rhum donc, son exposé sur la boisson était assez impressionnant, il fallait l'avouer. Trempant ses lèvres dans le vin, elle attendit que le gérant revienne vers eux pour les installer, prendre leur commande, puis qu'il s'éloigne, pour reprendre la conversation sur un ton léger :

- Alors, dites-moi, comment en êtes vous venu à travailler dans cette boutique ? Ou du moins, à partager l'espace avec cet homme qui ne vend rien de réellement intéressant ?

Son regard émeraude était accroché à l'unique œil de Zei, et il était évident qu'une réponse évasive ne lui rendrait pas service. Shäan avait toujours été quelqu'un de curieux, c'est d'ailleurs comme ça qu'elle avait acquis la plupart de ses connaissances. Elle n'avait donc pas prévu de s'arrêter à ce que la politesse tolérait, ou non, avec lui. Le rhum teintait la table de bois d'éclats ambré qui dansait à chaque fois qu'il buvait. C'était captivant. La fatigue et la lassitude s'envolait doucement, un peu plus à chaque gorgée de vin, dont elle avait d'ailleurs commandé une bouteille pour accompagner leur repas. Elle se reprocha soudain son manque d'attention et se leva alors, s'excusant :

- J'aurais dû déposer mes affaires avant que vous ne demandiez la table. Je m'en vais de ce pas réparer cette erreur, ne vous sentez pas obligé de m'attendre.

La dame s'en alla à grands pas rapides demander la clef de la chambre qu'elle avait louée. Elle s'y rendit, apprécia le confort sans fioritures, déposa sa besace sur le lit puis récupéra l'objet précédemment créé qu'elle coinça dans son corset. Elle se donna ensuite un coup d'eau sur le visage avant de redescendre et de reprendre sa place. Entre temps, ils avaient reçu les plats, et bien qu'elle n'y vit que des produits simples, la présentation sur planche était jolie et propre. Joignant ses mains, elle s'exclama :

- Ce n'est peut-être pas de la haute gastronomie, mais j'en ai l'eau à la bouche. Pardonnez-moi de vous avoir fait patienter.

La Chaîne ou l'Envol ?

Ft. Shäan

Ses explications relatives à son changements d'orientation me laissent quelque peu interrogateur et... Bien sûr que j'aurais encore beaucoup d'autres questions à lui poser. Mais je sais également faire preuve de patience. Et puisqu'elle accepte de passer une partie de cette soirée en ma compagnie, je n'ai aucune raison de me presser. Non, je ne veux pas prendre le risque de la voir se vexer maintenant. J'accepte donc seulement ces quelques informations, hochant la tête d'un air parfaitement intéressé (ce que je suis évidemment !).

D'ailleurs, j'arrive toujours à en apprendre un peu plus sur la jeune femme qui m'accompagne. Malgré son allure soignée et raffinée, elle ne serait donc pas issue d'une quelconque haute famille de je ne sais quelle région d'Ezylone ? Elle n'exercerait peut-être pas ce métier autrement ? Quoi qu'il en soit, ça m'arrange bien ! Puisqu'on peut désormais s'installer tranquillement pour déguster boisson et nourriture. Et Shäan ne compte pas non plus s'arrêter en si bon chemin. Elle me montre à nouveau, via cette question qui pourrait pourtant paraitre classique, qu'elle a déjà réussi à se faire une idée de la valeur de ce qui se trouve dans la pièce principale de la boutique qui me sert de couverture. Intéressant.

- "Ahah oui, Rawen. Méfiez-vous en ! Il n'a peut-être aucun goût pour ce qui est de la camelote qu'il expose, mais il est capable de vendre ses bibelots dix fois leur valeur."

Le sourire simple que j'affiche en prononçant cette mise en garde laisse largement deviner qu'il ne s'agit que d'une simple mise en forme. Simplement de quoi donner un peu plus de piment à mon discours !

- "Pour être tout à fait honnête... Il n'est pas évident d’acquérir une propriété pour quelqu'un qui n'est pas issu de ce lieu. Ou bien, qui n'arrive pas avec un charriot débordant d'or. Alors, il m'a bien fallu trouver une solution alternative. Et après avoir écumé quelques tavernes du coin, j'ai eu la chance, ou la malchance, je ne sais pas encore exactement, de croiser le chemin de cet homme. Malheureusement, je crains que cette histoire ne soit palpitante qu'avec un certain degré d'alcool dans le sang. Mais qui sait, peut-être aurais-je l'occasion de vous en dire plus."

Je conte cette histoire comme s'il s'agissait d'une véritable rencontre digne d'un roman de fiction nominé pour je ne sais quel concours. Mais après tout, l'idée de cette soirée est bien de la rendre la plus agréable possible n'est-ce pas ? Alors, pourquoi ne pas exagérer légèrement certains traits ? Mêler travail et plaisir, voilà bien la principale raison pour laquelle j'aime particulièrement ce que je fais.

J'acquiesce évidemment lorsque la demoiselle me fait part de son envie d'aller déposer ses affaires en premier. C'est effectivement une sage décision. Pourtant, quand le serveur amène de quoi dîner, je ne suis pas ses recommandations et préfère patienter le temps que Shäan revienne. Et par chance, elle ne tarde pas.

- "Ne vous excusez pas. Il est de toute façon bien plus sage de régler ce détail tôt dans la soirée. Qui sait comment elle pourrait évoluer !"

Le risque étant effectivement que l'alcool dissipe un peu trop l'attention que l'on porte à ses affaires et... Je dois admettre être curieux de savoir ce que cette jeune femme peut bien transporter avec elle qui lui demande une telle prudence. Mais je ne suis pas stupide. Aborder un tel sujet serait particulièrement mal venu. Non, autant poursuivre plus légèrement.

- "Je vous propose donc que l'on n'attende pas davantage pour vérifier que le cuisinier est toujours à la hauteur de sa réputation !"

Ce n'est qu'à partir de cet instant que je prends les couverts à disposition. Il est largement temps de me remplir l'estomac !

Alors que le brun lui avait conseillé de se méfier de son collègue, et surtout de sa capacité à gonfler les prix, la demoiselle lâcha avec un sourire en coin :

- Cela ne m'étonne guère ! Ne vous inquiétez pas pour moi, je ne risque en aucun cas d'investir la moindre pièce d'or dans des contrefaçons.

C'était bien vrai, et elle devait cela à la formation aussi dure que minutieuse d'Anya. Sans elle, jamais la dame n'aurait atteint un tel niveau de maîtrise de son art, et encore, ce qu'elle avait révélé à Zei n'était qu'une infime part de ses capacités. Il fallait bien garder quelques atouts dans sa manche !

Un-oeil lui expliqua comment il avait rencontré ce fameux Rawen et la raison pour laquelle ils partageaient la boutique bien que leurs marchandises diffèrent. Alors qu'il déclarait que cette histoire n'était pas intéressante sans l'effet de la boisson, elle haussa un sourcil, se demandant si ces anecdotes avaient un réel intérêt pour elle.

Après son aller-retour dans la chambre qu'elle avait loué, la dame s'attabla à nouveau avec Zei, qui, en parfait gentleman, avait attendu. Elle pouffa à sa remarque, se cachant de sa main, avant de rétorquer avec bonne humeur et provocation :

- En effet. Nul ne sait de quoi l'avenir sera fait !

Il y avait quelque chose chez lui qui la dérangeait, une sorte d'aura qui lui filait froid dans le dos. Peut être était ce du à son unique oeil ? Pourtant, elle tenait son rôle à merveille. Pas question de le lui laisser entrevoir son malaise. Elle devait juste obtenir l'objet le plus précieux qu'il possédait. C'était aussi rentable pour lui que pour elle après tout. Un joli sac de pièce d'or pour lui, et un complément de collection pour Shäan.

Devant sa proposition, la dame sourit et hocha la tête avant de se saisir de ses couverts. Il était effectivement temps de goûter à ce que ces jolies planches mettaient tant en valeur. Elle prit d'abord un peu de pâté qu'elle appliqua sur une tranche de pain avant de mordre dedans à pleines dents, puis elle attaqua un morceau de fromage, du bleu vraisemblablement, qui sentait très fort et contenait des éclats de noisette. C'était délicieux, elle ne regrettait pas d'avoir suivi l'instinct d'Un-oeil !

- C'est délicieux, je ne m'attendais pas à une telle explosion de saveur, surtout venant d'un plat si simple ! Ces produits sont de très bonnes qualités, je me demande où le tenancier les commande.

Elle prit une gorgée de vin qui s'accordait parfaitement à ce repas et appuya son menton dans sa paume, il était temps de passer aux choses sérieuses. Plantant son regard d'émeraude dans celui de l'homme avec intérêt, elle le questionna de sa voix suave :

- D'où viennent les objets précieux que vous proposez à la vente, Zei ?

La Chaîne ou l'Envol ?

Ft. Shäan

Après m'être assuré que chaque élément du code de bonne conduite est respecté, je peux entamer ce repas qui est largement bien accueilli par mon estomac. Il faut reconnaitre que je ne fait pas toujours très attention à m'alimenter correctement en journée. Le travail occupant assez fréquemment l'intégralité de mon emploi du temps. Alors quand on peut allier les deux, je ne risque pas de m'en priver.

Et Shäan ne manque pas non plus de faire état de ses connaissances en matière de protocole, ne tarissant pas d'éloges sur la qualité de ce qui se trouve sur cette table. Ce que j'approuve évidemment. Certes, les produits sont largement au dessus de ce que l'on peut habituellement trouver dans cette partie de la Technopôle, mais il n'y a objectivement pas de quoi l'encenser à ce point. Du moins, pas quand on eu accès aux vrais produits frais directement produits à Sahl.

Pourtant, ces échanges de politesses ne durent pas très longtemps. Oh, je ne m'attendais pas à ce que la conversation continue à tourner autour de telles banalités. Ce n'est pas pour ça que je suis venu. Même si la compagnie pourrait être très bonne sans avoir à ajouter de conversation, ce n'est pas ce que j'espère de cette soirée après avoir eu ce rapide aperçu de la demoiselle. Évidemment, lorsqu'elle me demande d'où proviennent les marchandises que je peux vendre, un simple sourire vient étirer mes lèvres.

- "Je dois reconnaitre que vous ne manquez pas de professionnalisme."

Bien entendu, je n'ai pas l'intention de lui dévoiler la réelle origine de mes produits. D'autant plus que tout ce que je vends ne provient pas uniquement de vols que j'effectue. Une grande partie des "trésors" qui se trouvent dans les sous-sols de la boutique me sont rapportés, sans que je ne sache réellement dans quelles conditions ils se sont retrouvés entre les mains de mes confrères.

- "Vous devriez rapidement comprendre pourquoi les objets que j'ai à vendre ne se trouvent pas à la vue de tous." Leur valeur, certes, mais pas uniquement. Ce que je me garde bien de révéler aussi directement. "Mes fournisseurs ont des liens extrêmement étendus partout en Ezylone, parfois avec des personnes très haut placées. Pour des raisons de sécurité je ne peux malheureusement vous donner de plus grandes précisions. Mais je peux en revanche vous assurer que ces marchandises n'ont rien à voir avec les gadgets sans intérêt qui se trouvent à la pelle dans ces rues."

Parler à demis-mots est un art indispensable pour exceller dans ce métier. Est-ce qu'elle va réussir à se satisfaire des quelques informations, certes largement bien emballées, mais tout de même léguées ? Le même sourire du parfait commercial d'affiché, mon unique œil est entièrement occupé à observer les réactions que pourrait avoir la jeune femme face à ce discours. Je me détache néanmoins de son regard à la fin de mon explication pour me tourner vers le serveur, lui faisant signe de remplir de nouveau nos verres.

- "Peut-être que je pourrais vous donner davantage d'informations si j'en savais un peu plus sur les... Pépites, que vous recherchez ?"

Simple échange en bonne et due formes. Parce que les collectionneurs, pour en connaitre un certain nombre, ne sont pas tous très intéressés par le respect de l'éthique. De l'origine exacte de leurs nouvelles pièces à exposer. Mais évidemment, il me faut m'en assurer avant de la mener dans mon antre.