[Initiation Déholia] Une nounou d'enfer ~

— Eh ben, j'crois que j'vais encore boire à l'œil ce soir !

En disant cela, Déholia avait reposé son sabre en bois sur son épaule dardant son regard sur Edgar et Felipe, ses deux camarades parmi les crocs. Tout deux essoufflés. Si Déholia bombait le torse et se pavanait, victorieuse, ses joues cramoisies d'effort et sa chevelure rendu grasse par la transpiration montraient qu'encore une fois elle n'avait pas fait de cadeaux à ses camarades et s'était donné à fond. 

— Allez, amenez-vous, on va s'décrasser !

La jeune femme tira de sa poche une petite boîte qui servait à stocker des cigarettes qu'elle avait préalablement roulée. D'humeur généreuse, elle offrit une cigarette à ses deux camarades. Felipe dut à contre cœur jouer le rôle d'allumette. Il leva son index duquel sortit une petite flamme qui servit à allumer les trois cigarettes.

Déholia fit volte face et se dirigea joyeusement vers la caserne en crachant des nuages de fumée avant de s'arrêter devant le commandant des crocs. Les trois soldats se mirent mollement aux garde-à-vous, encore tout éreintés de leur entraînement.

Les deux garçons en entendant les paroles de leur commandant se mordirent les lèvres pour ne pas rire. Quand il s'éloigna laissant Déholia avec un petit papier et un ordre de mission pour le moins singulier, ils se laissèrent aller à un éclat de rire franc.

— J'crois qu'c'est raté pour ce soir, ricana Felipe.
— On boira en ton honneur ! S'esclaffa Edgar.

Déholia serra ses dents et lança son sabre d'entraînement à ses camarades avant de partir rageusement vers la caserne.

— Ils m'ont prise pour une nounou ou quoi ?! Il va m'entendre Enryu !!

Malheureusement, le maître d'arme de Déholia s'était rendu indisponible au bon moment. La jeune femme fut donc contrainte de se rendre à la villa de Damien Stratus. Elle portait un pantalon en toile rapiécé et un débardeur dans le même état. Elle avait sur le dos une besace qui contenait tout le nécessaire pour une randonnée de deux jours, était attachée, à la besace, son bouclier rond et son glaive de l'armée. À sa ceinture, elle avait un long sabre d'infanterie dont le fourreau léchait ponctuellement le sol. Elle partait rarement sans arme. 

Le dos voûté et en roulant des mécaniques elle avança jusqu'à la porte de la villa de Damien Stratus. Elle avait rallumé une cigarette en arrivant qu'elle tenait entre son majeur et index. Quand on lui ouvrit, elle cracha sa fumée au visage de la gouvernante, la bousculant presque.

— Déholia Sheïka, Crocs. Je suis venue vous débarrasser d'la mini-garce. 

Seule, dans le hall de la trop grande et trop luxueuse maison, elle laissa son regard trainer en fumant sa cigarette, coincée entre son pouce et son index. En entendant du bruit des escaliers, elle propulsa d'un coup de majeur son mégot dans un pot de fleur.

La jeune femme se redressa légèrement en voyant son employeur, faisant un rapide signe militaire avant de reprendre son éternelle posture désinvolte.

— Déholia Sheïka, mon commandant, m'a parlé d'vous aussi. Ravi de voir que vous prenez l'armée pour des nourrices.

Si elle n'était déjà pas tout à fait heureuse d'être ici, les commentaires de son soi-disant employeur achevèrent de la mettre en rogne. Elle arqua un sourcil alors que l'agacement se dessinait clairement sur son visage.

— J'ai pas besoin du nom d'un "grand-monsieur" pour propulser ma carrière, juste de mes capacités.

Elle avait craché ces mots d'un ton acerbe. Mais elle écouta tout de même la suite. Après tout, elle avait été affectée à cette mission qui pouvait se rapprocher d'une d'escorte ou d'une mission de protection. Elle ne rajouta rien aux propos de l'homme, se contentant simplement d'acquiescer.

Déholia avait tendance à ne pas être à l'aise avec les personnalités à pouvoir. Elle reporta donc son regard sur la gouvernante qui l'invita à monter, une fois l'homme partit.

— Olga, c'est ça ? La gamine vous donne du mal ? Son pater' m'a parlé de magie. Elle fait quoi ?

C'était à peu près la seule information qui présentait de l'intérêt aux yeux de Déholia. Information qui parut pourtant bien futile quand la dénommer Olga ouvrit une chambre vide. Elle pesta contre la petite en se précipitant dans les escaliers après avoir mis une boîte dans les mains de la Croc. Déholia soupira et laissa tomber son paquetage sur le sol avant de traverser la chambre, fourrant la boîte dans ses poches. Elle observa un instant la chambre puis le rebord de la fenêtre. Avant de l'enjamber et sauter sur la pelouse de la villa. Elle avait légèrement redressé son sabre pour éviter de se blesser.

Elle s'était assuré de sauter plus loin que ce qu'une jeune fille de dix ans aurait pu faire pour ne pas effacer d'hypothétiques indices.

Elle se tourna vers le parterre de fleurs qui était sous la fenêtre et s'y pencha pour l'observer. À la recherche de traces de pas, d'indice ou d'une quelconque piste à suivre.

Auquel cas, elle n'en trouverait pas ; ça avait tout l'air d'une fugue. Ainsi, la petite avait dû contourner la villa pour ne pas aller vers l'entrée principale d'où son père allait partir. Et chercher un endroit où se cacher, un bois du domaine, certainement. C'est par là qu'elle commencerait sa recherche si son inspection ne donnait rien.

— Eh, la gouvernante, amène toi !

Elle allait avoir besoin d'elle, pour en savoir plus sur le comportement de Miuna. 

Déholia poussa un profond soupir en entendant la gouvernante geindre. Elle ne savait pas arrêter de se plaindre ? Peut-être madame Olga était une professionnelle de la traque et n'avait donc pas besoin de l'expertise de Déholia ?

— Ouais, bah justement. Parle-moi de la propriété et de la gamine, s'teup. Genre. Elle fait souvent ça ? Elle aime se cacher où ? J'prends toute infos utiles. 

Tout en questionnant la gouvernante, Déholia faisait le tour de la propriété inspectant les fleurs. En prenant en compte l'asthme de la petite et ses pouvoirs mal maîtrisés, elle n'avait pas dû aller très loin.

— C'qui y a d'bien avec les mages, c'est que souvent on surestime leurs capacités. La p'tite va sûrement cramer toute sa magie avant de s'écrouler dans un coin. Typique. D'ailleurs, t'es mage toi ? J'veux pas t'offenser. Mais comme je le suis pas et que j'en croise tout le temps, qui font les fiers, j'ai tendance à les trouver un peu ridicules.

Déholia s'arrêta un instant, tentant de reconstituer la scène mentalement. Ainsi, tandis qu'elle échouait à se mettre dans la peau d'une nobliotte capricieuse, elle remarqua une anomalie dans la symétrie et l'ordre des fleurs qui bordaient le jardin. 

Elle s'approcha et se baissa en touchant le sol. La marque d'un petit corps était discernable, mais rien que la croc ne pouvait détecter. Une chose alerta la soldate. Elle se jeta sur ses pieds. 

— Recule Olga. 

Déholia dégaina son sabre et déblaya les fleurs en deux coups de sabre. Ignorant les remontrances imminentes de la gouvernante. Elle s'accroupit et observa le sol. Des traces de pas. 

— Olga. Sois gentille, va écrire une lettre pour la caserne des Crocs. Dis-leur que Déholia a besoin de Felipe et Edgar. J'crois qu'on a un kidnapping sur les bras. Et si dans la villa y a un change-forme avec un bon flair, amène le ici et dis lui de suivre ma trace. Ah. Et si il peut m'amener mon bouclier et mon glaive, ce serait fantastique. Sinon pas grave, je me débrouillerais. 

Elle rengaina son épée et écrasa les fleurs qu'elle n'avait pas coupées en poursuivant la piste qu'avaient laissé les traces de pas. Quand elle aperçut un champ de vigne, elle pesta. 

Elle fléchit les jambes et inspecta les environs. Lentement, elle dégaina sa lame, qui ne crissa même pas. S'il y avait un des kidnappeur qui possédait une bonne ouïe, cette prudence était plus que nécessaire. 

Une fois sa lame au clair, elle s'avança discrètement, mais à une allure soutenue, comme lui avait appris sa formation. Elle se glissait entre les arbres qui entouraient les vignes. À l'affût de la moindre silhouette et du moindre cris d'enfant. 

Accroupie derrière un amas d'arbustes, Déholia était à l’affût du moindre mouvement en direction des vignes. Elle ne savait pas exactement depuis quand elle cherchait, mais la traque commençait à se faire plus ardue, dans le sens où elle ne trouvait rien. Mais un son dans son dos la fit sursauter. Elle fit immédiatement volte face, remuant les feuilles mortes autour d'elle. Elle écarquilla légèrement les yeux en voyant la scène. Un félin venait de bondir sur un homme armé.

Deux autres individus apparurent pour aider l'autre à se relever, tandis que le chat était venu se lover contre la jambe de Déholia en ronronnant. En posant des yeux circonspects sur lui, elle vit ses armes. Elle percuta en laissant un sourire se dessiner sur son visage.

-Chouette, j'ai un matou de combat.

Elle attrapa ses armes. Sa main gauche se glissa dans les lanières de son bouclier tandis qu'elle mettait le fourreau de son glaive entre ses dents. Elle garda donc son sabre en main dressant son bouclier devant elle.

Quand le chat bondit, elle en fit de même, chargeant derrière lui, elle bouscula deux des hommes avec son bouclier avant de mettre son pied derrière celui de l'homme assailli par le chat. Ce dernier tomba à la renverse et quand il toucha le sol, un violent coup de pied le offrit un aller simple pour l'inconscience.

La soldate bifurqua en direction des deux hommes et jeta son sabre entre eux. Par réflexe, ils s'écartèrent. La lame du glaive de Déholia crissa en sortant du fourreau tandis que ce dernier chutait au sol.

-Tu prends celui de droite !

La jeune femme se jeta sur celui qui s'était décalé sur la gauche, bouclier en avant. D'un coup bien placé de bouclier, elle jeta le bras armé de l'homme sur le côté. Déstabilisé, l'homme ne put qu'éviter partiellement la lame du glaive qui lui fendit le visage en deux. Il recula, haletant et le visage sanguinolent. Mais, animé par la rage de vaincre, il se jeta sur la Croc. Celle-ci ploya les jambes pour rapidement bouger autour de l'homme. Elle paraît ses attaques avec son bouclier quand elle ne les esquivait pas, gardant son glaive en arrière. Lorsque l'homme tenta de donner à Déholia un coup d'estoc, elle fit un pas de côté, de sorte à être dans l'axe de la garde de l'homme. Elle leva son pied avant et l'enfonça dans le ventre de son adversaire que recula en hoquetant. La soldate fusa sur lui, l'homme encore déstabilisé fit son possible pour rester en vie. Leurs lames s'entrechoquèrent, jusqu'à ce que l'homme soit surpris par la tranche d'un bouclier qui s'écrasa contre son visage. Alors qu'il tombait sur le côté, Déholia profita de la situation pour faire glisser son glaive contre la gorge de son ennemi.

Déholia, se renseigna de la situation du deuxième du coin de l’œil.

Le félin était agile et se soustrayait aux coups, mais il ne fallait pas non plus le laisser trop longtemps combattre seul. Elle jeta son buste sur le côté pour lancer son bouclier contre les côtes de l'homme. Il s'arrêta subitement, jetant sa main contre ses côtes. Le félin en profita pour lui sauter au visage et le faire choir.

Vive comme son homologue félin, Déholia se précipita sur l'homme et lui écrasa la main qui tenait son arme, tout en se penchant, mettant tout son poids dans la semelle qui écrasait la main de l'homme de main, elle glissa la pointe de son arme contre le menton du bandit.

-Ok mon gars, tu vas tout de suite me dire ce que toi et tes potes vous êtes venu faire ici, et où vous comptez emmener la petite ? T'as cinq secondes.

Elle ne souriait pas, ses yeux brillaient d'une lueur lugubre. La pointe de son glaive alla jusqu'à légèrement piquer la peau de l'homme tandis qu'elle lui broyait toujours un peu plus les doigts.

Déholia fut un moment surprise par le feulement du félin à ses côtés, elle se jeta en arrière quand il égorgea l'homme au visage fermé et sévère. Ça, c'était vu dans ses yeux qu'il ne parlerait pas, mais elle avait eut un espoir. Elle soupira en essuyant son glaive sanguinolent sur le tissu de son pantalon. D'un rapide coup de lame, elle déchira le bas de son débardeur pour se diriger vers celui qui était encore inconscient et le retourna sans délicatesse.

— Pars devant, je m'assure qu'il se barre pas.

Elle noua les poignets avec les chevilles de l'homme et ne se priva pas de planter sa lame dans sa cuisse, de sorte à ce qu'il ne puisse pas partir sans laisser de traces.

Elle se redressa rapidement pour récupérer ses armes et talonna le félin, elle espérait que les renforts qu'elle avait demandés auraient assez de jugeote pour considérer le blessé comme un prisonnier potentiel. De toute façon, on faisait difficilement plus évident. Elle en profita pour récupérer l'arme de celui qui avait été tué par le félin et celle de celui qu'elle venait de saucissonner.

Armée de ces nouvelles armes, elle rejoignit le félin, qui la mena jusqu'à une cabane. Elle mit un genou à terre pour observer les alentours. Elle reporta son regard vers le matou.

— T'es un change-forme, c'est ça ? Donc, tu me comprends. Bon, ce que je te propose, j'enfonce la porte et j'essaie de faire sortir ces connards, on va éviter de traumatiser la gamine, hein. Toi, tu me cherches une fenêtre ou une connerie du genre et tu libères la gamine en douce, ça te va ? Ah, si tu peux, prends mon glaive, y a le symbole de l'armée, ce serait con que tu te fasses avoir par les renforts.

Sans vraiment savoir, si le chat l'avait comprise ou pas, elle desserra la sangle de son glaive pour qu'il puisse passer sa tête dans la sangle et le posa à terre. Après quoi, elle attacha son bouclier à sa ceinture et commença à se glisser près de la cabane, les armes des brigands à la main. Doucement, elle se glissa près de la porte et resta un moment immobile pour écouter. Elle sentit une goutte de sueur roulait le long de sa tempe, jusqu'à ce qu'elle se jette devant la porte et ne l'enfonce d'un coup de pied.

— SALUT LES FILS DE FOU-

Alors qu'elle beuglait, elle fut propulsée sur plusieurs par une masse informe, avant de rouler sur quatre mètres supplémentaires. Il fallut que son dos se heurte à un tronc d'arbre pour l'arrêter.

Dans le court laps de temps durant lequel elle s'était fait attaquer, elle avait pu planter l'une des épées dans le membre disproportionné qui l'avait frappé, l'autre en revanche lui avait échappée des mains.

Quand elle se releva, elle vit un homme sortir, et jeter l'épée qui lui avait entaillé la main. Déholia se releva, essuyant sa bouche d'un revers de main.

— Enfin un peu de répondant, vos potes m'ont même pas servis d'échauffement.

Elle dégaina son sabre et attrapa son bouclier. Elle distingua trois silhouettes encore à l'intérieur, en plus de celle qui était dans l'embrasure de la porte. Elle se jeta droit vers eux. Alors que le mage s'apprêtait à lever sa main et sûrement la faire grossir, elle effectua une roulade pour arriver plus vite au contact. L'homme fut forcé de dégainer une dague qui lui épargna de finir en deux parties. 

Au loin, des aboiements se firent entendre. Déholia profita de ce moment de surprise chez le kidnapper pour lui donner un coup de bouclier, le faisant tomber dans la clairière. Elle se tourna vers l'intérieur de la cabane.

— Allez, amenez-vous.