[Halloween] Un plan sans, et à crocs [Zei]

Un plan sans, et à crocs

- "Une statue de chat ? C'est vraiment à une statue de chat que je dois m'adresser pour obtenir cette stupide adresse ? Cette fois, ça va trop loin."

La mine blasée, je jette un regard qui en dit long sur mon manque d'intérêt pour cette race à la statue en question. Un soupire, je relis une énième fois la missive qui m'a amené jusqu'à ce lieu. "Trouver Salem à Mystarcia, il vous indiquera le chemin." Je commence à être habitué au langage crypté que certains informateurs aiment utiliser pour brouiller les pistes, mais je ne m'attendais franchement pas à ce que ce Salem soit fait de pierres, qu'il ait deux oreilles pointues, un museau et quatre pattes.

Évidemment, j'ai déjà tenté de faire le tour de ce fameux Salem à la recherche d'une gravure qui pourrait servir de piste, le moindre mot qui me permette de poursuivre mes recherches. Mais rien.

- "Franchement, qu'est-ce que je suis censé attendre d'un félin qui passe son temps à dormir et se lécher le derrière ?"

Dépité, je décide de repartir à la chasse classique à l'information. Dans une taverne. Avec un verre. Sauf que je n'avais absolument pas prévu que le monde prenne subitement des proportions que je ne lui connaissais pas. Alors que le pavé défile sous mes coussinets, les odeurs environnantes m'incommodent plus que d'habitude. Et c'est quand je sens le coin d'un poteau me frôler les moustaches que j'arrive à comprendre que quelque chose ne va pas.

Par réflexe je retourne mes pattes avant pour les observer, et non seulement je ne peux que me rendre compte que mes doigts ont affreusement rétrécis, mais en plus je me retrouve très vite le museau contre le sol, me deux pattes arrières n'étant pas en mesure d'assurer mon équilibre.

- "Qu'est-ce que ça veut dire ? Il y a vraiment des sortilèges aussi effrayants ?!"

Affolé par ce retournement de situation digne des pires scenarios d'horreur, je  repars à toute vitesse trouver ce Salem. Je ne vois pas d'autre fautif. Mais lorsque j'arrive au coin de cette rue où je suis sûr de l'avoir laissé, plus rien. Nada. La poisse. Pas question que je reste dans un corps aussi ridicule une minute de plus. Il va me falloir trouver une solution et vite !

Où est-ce qu'une statue de chat peut bien se planquer ? Je trottine sur les pavés de la rue, essayant d'ignorer les grandes pattes de quelques humains que je rencontre (le premier qui approche sa main je le lacère), jusqu'à ce que l'odeur du café m'attire un peu trop naturellement. Un homme, visiblement occupé à lire un journal, ne semble pas remarquer ma présence. Sûrement est-ce l'instinct félin qui me rattrape, et me voilà la tête penchée vers cette tasse appartenant à un inconnu, sortant ma langue pour venir laper le breuvage qui... A un goût ignoble.

Surpris par la chaleur et l'amertume que je ne m'attendais pas à trouver aussi forts, je me retrouve à bondir lamentablement, un couinement des plus indignes accompagnant cette cabriole, qui me fait renverser la tasse au passage.

- "Qu'est-ce que... ?! Raaah saleté de chat !!"

J'évite in extremis le journal qui fuse dans ma direction et trouve refuge sous un couvercle de poubelle. Quelle horreur. Je sors une oreille, et en relevant le regard, j’aperçois un autre félin, perché bien plus haut, occupé à... Crocheter une fenêtre ? Je cligne des yeux mais je m'y connais suffisamment pour reconnaitre un voleur. Et là, il n'y a pas de doute. Est-ce que je ne pourrais pas tirer profit de ce maléfice ? Le temps que j'arrive à retrouver forme humaine ? Je n'ai de toute façon pas de meilleur plan actuellement.

Un plan sans, et à crocs

J'y crois pas, ce chat a vraiment réussi à ouvrir cette fenêtre ? Non, je refuse d'admettre que toutes ces bestioles puissent être pourvues de suffisamment d'intelligence pour être en mesure de nous berner aussi facilement. Jusqu'à ce qu'un autre scenario me traverse l'esprit. Et si c'était une autre victime de Salem ? Un humain coincé dans un corps de chat. Depuis combien de temps ? Sûrement plus longtemps que moi vu l'aisance qu'il a à manipuler ce corps à la mécanique des plus perturbantes.

Et je dois le dévisager depuis trop longtemps, puisqu'il tourne son regard dans ma direction et... M'adresse la parole. J'entends bien que cette langue n'a rien à voir avec les doux mots que j'ai pour habitude d'utiliser, mais étrangement, ils trouvent tout leur sens dans mon esprit. Certes. Je ne suis plus à une anomalie près aujourd'hui.

- "Je... Heu... Ça va."

Surpris par ces miaulements qui sortent de ma bouche, j'en perds mes mots. D'ailleurs, que sont censés dire des chats qui font la conversation ?

- "A vrai dire, je ne suis pas vraiment du coin, je suis à la recherche d'un certain Salem. Tu... N'aurais pas entendu ce nom par hasard ?"

Les chats sont-ils réellement si familiers entre eux ? Beaucoup trop de questions sur la bonne façon de m'adresser à cet étrange personnage m'empêchent de me concentrer sur l'essentiel. Mais et s'il s'agissait bien d'un humain, il jugerait probablement mes manières dignes d'un simple paysan. Bon, chaque urgence en son temps. D'abord, trouver un moyen de me débarrasser de ces boules de poil qui me chatouillent le palais.

- "Ou de tout autre moyen d'inverser un sortilège ?"

On ne sait jamais.... Des fois que la solution arrive toute cuite jusque sous mon couvercle de poub... De poubelle ? Eurk, c'est vrai que je suis toujours là-dessous. Alors maintenant qu'il n'y a plus aucune urgence à disparaitre, je sors bien vite de ma cachette et.... Me lèche les poils des avant pattes... Cet instinct est vraiment répugnant.

Un plan sans, et à crocs

Ce chat ne m'inspire pas vraiment confiance. Déjà j'arrive à le comprendre alors forcément, c'est bizarre. Mais je n'ai pas beaucoup d'autres pistes. Est-ce que je pourrais m'entretenir de la même façon avec n'importe quel autre chat que je pourrais croiser ? Rien ne me l'assure. Et puis, mine de rien, celui-ci a l'air plutôt dégourdi, alors je devrais bien essayer de supporter quelques temps son comportement.

Jusqu'à ce qu'il me traite de chat domestique ? Est-ce que j'ai vraiment l'air de me laisser entretenir par un... Erk pourquoi j'en viens à penser de la sorte ?! Pourtant je ne peux m'empêcher d'essayer de regarder ce à quoi je peux bien ressembler. Et sans miroir c'est très compliqué. De toute façon, il vaut peut-être mieux que j'évite que cette image ne se grave dans ma mémoire.

- "C'est un chat. Mais il... Nan c'est pas grave, laisse tomber, ce n'est pas important."

De toute façon, il semblerait que ce greffier soit finalement inutile. Et que je m'habitue un peu trop vite à cette façon de parler. Cela dit, si ce chat ne connait pas ma statue (ça aurait été un sacré coup de bol), il réagit un peu bizarrement à l'évocation du sortilège. C'est une bourde ? Peut-être. Mais à force de discuter avec lui au pied de cette fenêtre, de plus en plus de scenarios me traversent l'esprit.

- "Dis, tu as l'air sacrément doué avec les mécanismes des...  Bipèdes. Est-ce que j'peux t'accompagner à l'intérieur ? Juste vite fait ! Je suis... Curieux."

Ce bâtiment parait bien gardé. Entre le type posté à l'entrée (qui doit s'assurer que personne ne passe sans autorisation spéciale) et toutes ces sécurités mises un peu partout, je suis près à parier qu'il doit y avoir quelques objets de valeur... Peut-être est-ce l'objectif de ce chabrioleur ? Oui, je crois que j'ai bien envie de commencer par aller vérifier par ici si ma statue n'a pas décidé de rentrer bien au chaud.

Un plan sans, et à crocs

J'avais demandé par politesse, mais je crois que même en cas de refus, j'aurais tenté de le suivre. De toute façon, je n'ai pas des tonnes de pistes pour me sortir de cette situation inconfortable, et il n'est pas question que je reste coincé pour le restant de ma vie dans ce corps plein de poils !

Sauf que sur le coup, je n'avais peut-être pas tout à fait pris en compte la hauteur et la complexité existante à rejoindre cette fenêtre. C'est à dire que je n'ai pas encore trop eu le temps de m'habituer à ma nouvelle enveloppe, et si marcher reste simple, réussir à bondir à la façon de ces félins pour me hisser jusque là haut me parait soudainement très audacieux. Mais je ne vais pas faire demi tour pour si peu. D'autant plus que mon guide chat disparait déjà.

Première cible, ce palier intermédiaire que représente le rebord de la fenêtre la plus basse. Heureusement, ce n'est pas bien haut, et je me surprends même à l'atteindre sans le moindre problème. Motivé par ce premier succès, je m'emporte peut-être un peu trop en manque de me casser la figure suite à un faux départ. Mais personne ne m'a vu, tout va bien. Je tente une nouvelle fois, et je ne m'en sors finalement pas si mal, jusqu'à atteindre la fenêtre finale.

Juste à temps pour apercevoir l'autre boule de poils étalée par terre de l'autre côté. Je retiens de justesse une remarque mal appropriée. On ne sait jamais, des fois qu'il puisse m'être d'une quelconque utilité. Et puis je ne suis pas à l'abri de faire de même. Je préfère donc le rejoindre plus bas, visant directement le sol qui me parait être la seule piste de réception fiable. C'est un peu haut, mais on dit bien qu'un chat retombe toujours sur ses pattes ?

Je ferme malgré tout les yeux en m'élançant, ayant un peu trop l'impression de me jeter dans le vide. Mais si la réception n'est pas des plus agréable, on dirait que tout se passe bien (à l’exception de ce couinement fort peu distingué qui m'échappe). Je peux de nouveau observer ce qui m'entoure, et je ne manque pas de venir voir de plus près ce qui inquiétait mon compère trop curieux.

- "Eh bah, ça fait un sacré puzzle ça. T'as plutôt intérêt à ce que le propriétaire ne voit pas le résultat... Ou alors..."

En regardant d'un peu plus près les petits morceaux éparpillés un peu partout, je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi est-ce qu'un crâne aurait atterri dans un tel endroit. On n'a pas l'air de se trouver dans un repère d'un collectionneur d'objets morbides. On dirait même que le propriétaire a un certain goût et ne s'encombre pas de babioles inutiles.

- "J'espère pour toi qu'il ne s'agit pas d'une relique antique, ça porte la poisse."

Cela dit, pour un chat noir, ça ne doit pas être bien embêtant.

Un plan sans, et à crocs

Sérieusement ? Les chats ont vraiment une capacité de réflexion aussi poussée ? Depuis quand un simple mot de vocabulaire leur fait tirer ce genre de conclusion ? Et surtout, depuis quand est-ce qu'ils sont capables de discussions aussi réfléchies ? Je ne suis pas tiré d'affaires avec tout ça... Mais évidemment, il en faut plus pour espérer me faire perdre de ma superbe.

- "Il ne me semble pas que la connaissance soit uniquement réservée à ceux qui ont le privilège des coussins moelleux. Un peu de curiosité et un minimum d'intelligence sont bien suffisants."

D'ailleurs, celui-là ne me parait être le premier des abrutis non plus. Non pas qu'un greffier puisse réellement m'impressionner mais c'est qu'en cas de problème, je ne suis pas sûr de manier ces griffes au bout de mes pattes aussi habilement qu'une épée. Non, je n'arrive déjà pas à les déployer selon mes envies, alors tant que je serai coincé dans ce corps poilu, mieux vaut que je fasse un minimum attention à ne pas trop froisser le seul interlocuteur que j'ai.

Je me contente d'acquiescer silencieusement à la remarque de mon comparse, jetant tout de même un nouvel œil à ce crane explosé. Rien pour me donner mauvaise conscience (après tout, je ne compte pas rester éternellement dans cette enveloppe corporelle) et entreprend d'explorer un peu plus les lieux. Si je m'arrange pour ne jamais totalement perdre de vue le chat noir, je n'en reste pas moins attentif à tout ce qui peut se trouver sur les diverses étagères qui se trouvent dans cette nouvelle salle qu'il nous a ouvert. Pour sûr que dans d'autres circonstances, je m'y serai largement attardé. Mais il y a actuellement une autre urgence. Trouver de quoi me rendre une allure bien plus digne.

Au vu de tout ce qui se trouve en ce lieu, je peux bien me permettre d'espérer trouver de quoi annuler ce maléfice ! Si, une statue de chat qui apparait au milieu d'une ruelle avant de disparaitre en me laissant dans cet état, je n'y trouve pas d'autre explication. Je m'attarde donc davantage vers les étagères qui semblent rassembler les objets les plus occultes, lorsqu'un baragouinage du briseur de crane attire mon attention. Je n'ai pas compris avec précisions l'intégralité de son discours. C'est comme si les mots ne m'étaient pas inconnus mais qu'ils refusaient de trouver un sens réel dans mon esprit. Le temps que je tente de remettre tout ce méli-mélo dans l'ordre, je me vois déjà être la cible de sa curiosité.

- "Si tu cherches par cette question à savoir si j'ai déjà mis les pattes dans une planque d'humains pleine de trésors à la valeur discutable, alors oui, j'ai déjà visité ce genre d'endroit."

Je ne compte pas jouer à l'ignorant. Déjà parce qu'en temps général je suis un piètre menteur, mais dans une telle circonstance, il est évident que je me ferai démasquer sans même m'en apercevoir. Mieux vaut utiliser des techniques plus pratiques.

- "Mais tu m'as l'air plutôt bien acclimaté à toutes des pratiques humaines toi aussi... Tu cherches quelque chose en particulier ?"

Une question plutôt directe, certes, mais compte tenu de sa façon de se déplacer au milieu de ces étagères, je ne crois pas avoir simplement affaire à un matou en quête de souris. Je ne suis pas vraiment homme à croire au destin, mais il faut avouer que depuis le début de toute cette histoire, je n'ai pas beaucoup d'autre choix que de me fier à mon instinct. Et j'ai comme l'impression que cette rencontre est une piste à ne pas lâcher. Il en sait manifestement beaucoup plus qu'un chat quelconque, il va bien pouvoir m'aider !