Le bal du Muguet [All]

La grande salle se remplissait lentement de multiples personnalités et nantis de Sahl, mais également de nombreuses autres personnes du peuple qui avaient la possibilité unique de participer à cet événement ouvert à tous. Shäan attendait son tour, venant tout juste de descendre de la calèche qui l'y avait mené. Elle avait reçu une invitation d'un contact à la capitale qui l'avait à plusieurs reprise rencardé sur des affaires intéressantes et s'était empressée de préparer le voyage. Au bras de son ami, elle attendait patiemment que les festivités commencent, prêtant attention aux noms annoncés par les gardes lorsqu'un couple ou une personne seule entrait.

La dame n'aimait pas particulièrement les mondanités organisées par les Sahliens, elle les trouvait trop protocolaires et ennuyeuses, et avait bien plus de plaisir à participer aux soirées bien arrosées que savaient organiser à la perfection ses confrères de Mystarcia. Toutefois, il s'agissait d'une occasion d'approcher de riches héritiers qui n'avaient pas la moindre idée de ce qu'ils avaient dans les mains. L'héritage étant parfois composé de centaine, voir de milliers d'objets, qui ne les intéressaient guère et dont il cherchait à se débarrasser à bon prix pour acquérir d'autres pièces d'art dont ils ne connaissaient absolument pas la valeur. C'est là que Shäan entrait en scène, autant pour l'estimation que l'achat et la présentation de nouveau biens à acquérir, car elle savait cibler à la perfection ce que voulaient ses clients et leur apporter la plus grande satisfaction afin d'être recommandée à d'autres.

C'était seulement la quatrième fois qu'elle était invitée dans ce genre d’événement, et elle aimait s'y démarquer. Sa longue robe avait été confectionnée par l'un des meilleurs tailleurs de la capitale de Jañgala, spécialement pour cette occasion. Elle était composée d'un corset immaculé décoré de motifs floraux en dentelles, plumes de kokettes et perles importées de Mû, et d'un jupon rappelant la couleur somptueuse de ses yeux. Au-dessous, la dame portait des escarpins assortit à la partie haute de sa robe, et pour l'occasion, elle avait remonté ses cheveux en un savant chignon retenu par un peigne d'argent représentant des oiseaux en vol. Ses habituelles boucles d'oreilles n'avaient pas bougées, et le pendentif à son coup, caché dans le corset, non plus, elle ne pouvait s'en séparer même un instant, y tenant plus qu'à sa propre vie. Le bal du Muguet était l'occasion de rappeler que l'hiver avait enfin touché à sa fin, et les motifs floraux ou représentation d'animaux revenait souvent dans les tenues présentes.

Cela faisait maintenant plus de trente minutes qu'ils attendaient, discutant calmement près de l'entrée, et Shäan put enfin rejoindre la grande salle où se déroulaient les festivités. Son nom fut annoncé juste après celui de son cavalier et elle s'avança dans le hall gigantesque avant de gravir les marches menant à la salle dont la décoration éblouissante semblait tout droit tirée d'un conte de fées. Des tapisseries fleuries ou représentant diverses scènes du règne animal recouvraient les murs, tandis que de multiples tables couvertes de mets raffinés ou de grands plats en argents appelaient la gourmandise. Au fond de la salle, un orchestre jouait en continue, tantôt seul, tantôt accompagnés d'un ou d'une chanteuse qu'elle ne connaissait pas jusque-là. Il y avait plus de mille personnes dans la pièce, et les festivités ne se termineraient pas avant l'aube du jour suivant, autant commencer en douceur.

Shäan s'excusa auprès de son ami et entrepris d'aller saluer quelques conaissances avant de tomber sur un plat contenant de petites bouchées de crevettes, elle tendit alors la main pour en saisir une et s'arrêta, surprise de voir la personne qui se toruvait en face d'elle, de l'autre côté de la table, s'exclamant alors :

- Vous ? Ici ?!

Petit aperçu de la robe : là

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Cirdania. Il y a bien longtemps que je n'y avais pas remis les pieds. Quel dommage qu'une aussi belle ville soit gâchée par une telle concentration de couillons imbus et hypocrites. Mais évidemment, lorsque j'ai appris qu'un bal mondain, devant réunir toutes les têtes de nœuds nombrilistes de la région, était donné en ce lieu, je n'ai pas pu résister. Pas pour le plaisir de revoir ces ingrats arrivistes qui me feraient vomir, mais bien pour le luxe qui va être exposé à foison. Ces bourses prêtes à exploser et ces objets de valeurs indispensables pour afficher son statut social. Et comme il se trouve que j'ai une nouvelle partenaire/apprentie depuis quelques jours, autant lui apprendre les ficelles du métier dans un cadre pompeux. Et puis quoi de mieux que l'appât du gain pour bien commencer ?!

Après une semaine de voyage passée en compagnie d'Emrys avec qui j'ai quitté les terres boisées de Jangala, nous voilà enfin à approcher du bâtiment majestueux qui abrite les festivités de ce soir. Une soirée un peu particulière puisqu'elle est ouverte et ne nécessite pas d'invitation particulière. Encore un aristo qui veut faire état de sa grande charité. Enfin, sur ce coup-là ça m'arrange bien alors je vais y aller mollo sur les adjectifs dégradants.

- "C'est le moment de se souvenir de tout ce que je t'ai enseigné !"

Pas question de passer pour des pauvres à se faire mépriser par ces abrutis condescendants ! Ah non, je ne suis pas encore à cours de dénominatifs, pas de soucis ! Et puis, il y a quelques personnes que je n'ai pas en horreur. Il n'empêche que ce pourrait être particulièrement fâcheux que quelqu'un ici me reconnaisse. Disons que la soirée pourrait être écourtée et après avoir fait tout ce voyage, avoir pris la peine de dispenser quelques cours (sommaires certes) de bonnes manières, de port de tête, et même jusqu'à quelques pas de danse dignes des dames ayant reçu la mailleur éducation, sans oublier la somme dépensée pour ces habits.... Ce serait un échec.

Si le costume impeccable dans lequel je me tiens actuellement n'est pas particulièrement différent de ce que je pouvais porter en étant plus jeune, j'ai en revanche pris soin d'arborer l'élément indispensable à la panoplie de toute personne sachant passer inaperçue : une belle moustache bien fournie ! Je déteste la sensation de ces poils qui me chatouillent les narines, d'autant plus avec ces petites poignées de guidon qui remontent grâce à la cire que je n'ai pas manqué d'appliquer, comme n'importe quel gentilhomme au goût douteux (qui se laisserait pousser seulement la moustache n'est-ce pas... ?). Mais entre mon cache-oeil et cette moustache, mon nouveau déguisement est parfait ! Personne ne risque de me reconnaitre ! D'autant plus que j'ai changé de nom pour l'occasion ! Ce soir, je serais donc Karl ! Karl à la moustache remarquable !

- "On va se chercher un verre ? On ne peut pas rester les mains vides en début de festivités. Cela dit, j'avoue ignorer quel genre de boisson sans alcool tu pourras bien trouver."

Les premières minutes s'étaient pourtant très bien déroulées. Malgré de nombreuses têtes qui ravivent quelques vieux souvenirs, personne ne parait me dévisager (autrement que de cette façon coutumière relative à cet unique œil affiché). La musique est agréable (même si en dix ans ils ne se sont pas beaucoup renouvelés) les décorations à la hauteur de ce que j'espérais, les bijoux mis en évidence que portent ces dames ne manquent pas de faire défiler les chiffres devant mes yeux. Mais il est beaucoup trop tôt pour se mettre au boulot !

Seulement, je ne m'attendais pas à revoir une connaissance bien plus récente. Une connaissance qui ne parait pas se laisser avoir par ma royale moustache. Pourquoi diable Shäan doit-elle se trouver ici ? Et quand je dis "ici", je veux dire "pile ici" ! Pile, en face de moi, alors que la salle de bal dispose d'une superficie qui ferait pâlir n'importe quelle femme de ménage ! Pile de l'autre côté du plateau de crevettes, jouxtant les vins inaccessibles ailleurs qu'en cet endroit. Ses yeux se posant pile, sur, moi.... Oui oui, vous l'aurez compris ! C'est la catastrophe !!

Mais il n'est pas question de me démonter aussi facilement ! Je feints à merveille l'ignorance, et comme n'importe quel mâle doté d'un minimum de goût qui compose cette cours, je me contente de lui offrir mon plus beau sourire, faisant mine de m'extasier devant son joli minois pour la première fois.

- "Je crains fort que vous ne vous mépreniez, ma dame. Pour sûr que si nos chemins s'étaient croisés par le passé, jamais je n'aurais pu oublier pareille beauté. Oh, mais laissez-moi me présenter. Karl. Appelez-moi Karl."

Est-ce que je ne surjoue pas un peu ? Eh bien, au moins, je peux espérer que si mon petit numéro de fausse identité ne prend pas, elle comprendra que je préfère ne pas être appelé par mon réel nom. Même si je dois admettre que Shäan est bien la dernière personne que je souhaiterais voir dans ce type de situation. Je la sais bien assez maligne pour profiter de chaque position de force. Il va vite falloir que je trouve un moyen pour me sortir de ce pétrin !

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Emrys avait passé à peine quelques semaines à Mystarcia que ses pas l’emmenaient déjà ailleurs ; en direction de Sahl cette fois, et plus précisément sa capitale Cirdania. C’est que l’opportunité proposée par Zei était trop belle pour être ignorée ! Après avoir découvert les véritables activités du brun, et surtout leur potentiel lucratif, tout s’était enchaîné très vite ; il avait proposé à la jeune femme de s’associer pour un coup similaire, quoi que de plus grande envergure. La blanche avait dit oui sans trop y réfléchir ; elle avait trop besoin de cet argent pour se montrer scrupuleuse, bien plus que les nantis qui se pavanaient à ce genre de mondanités dans tous les cas !

Les deux s’étaient retrouvés quelques jours plus tard pour entamer leur périple jusqu’à cette nouvelle contrée. Une longue semaine, qu’ils avaient mise à profit pour faire plus ample connaissance, mais aussi et surtout pour inculquer les bases de la bourgeoisie à la demoiselle. Elle savait à présent faire la courbette comme personne, se tenir la tête haute et droite, et rire comme une potiche à la moindre boutade. Sa tenue et son allure achèveraient de convaincre quiconque pourrait avoir un doute sur ses origines modestes ; sa robe était composée d'un jupon long et évasé rehaussé d’un bustier moulant, et taillée dans un tissu de grande qualité, blanc brodé de dorures. Elle portait de longs gants assortis à la robe pour cacher ses cicatrices au bras et, avec ses cheveux relevés en un chignon compliqué agrémenté d’une broche dorée également, Emrys avait vraiment l’air d’une jeune première ; elle était aussi belle que méconnaissable.

Zei s’était fait très élégant également, si ce n’était cette moustache ridicule qu’il avait insisté à arborer pour la soirée. Étant originaire de Sahl et plus vraiment le bienvenu dans les hautes sphères, il préférait rester incognito. La jeune femme ne connaissait pas les détails de son histoire, mais le laissa faire comme il l’entendait ; ce n’est pas comme si elle aurait à embrasser cette affreuse touffe poilue de toute façon !

"Ne t’en fais pas ! Je suis sûre que tout se passera très bien. Enfin, dans le doute, ne m’abandonne pas quand même, hein..."

La Styrge lui adressa un sourire amusé. Le jeune homme avait bien trop investi en elle que pour la laisser en plan maintenant de toute façon, car si elle avait bien cerné un trait de sa personnalité, c’était son avarice ! Le couple arriva sur place, et la demoiselle fit de son mieux pour éviter de s’extasier bouche bée devant le luxe et l’opulence étalés devant elle. C’était aussi magnifique que répugnant ; comment ces gens pouvaient-ils étaler leurs richesses de manière aussi futile pendant que d’autres crevaient de faim sur le pas de leur porte ? La blanche n'arriverait sûrement jamais à comprendre cette mentalité...

Son cavalier lui proposa un verre, et elle le suivit vers le buffet. Il n'y avait effectivement que des boissons alcoolisées, aussi Emrys choisit un cocktail léger, qu'elle ferait durer autant que possible. Ce n'était certainement pas le bon soir pour s'enivrer et perdre le sens des réalités ! Ils se promenèrent ensuite dans la salle, repérant les invités les plus intéressants - Zei avait l'oeil pour repérer les bijoux onéreux au premier coup d'oeil... Au détour d'un plateau de crevettes, le visage du brun sembla soudain se décomposer, et la Styrge suivit son regard pour essayer de comprendre la source de son embarras. Une voix claire résonna au même instant, qui lui sembla aussi familière que la silhouette qu'elle découvrit en tournant la tête. Shäan ! Emrys n'était qu'à moitié étonnée de la croiser ici, mais était par contre bien plus surprise qu'elle semble connaître son partenaire. Voilà qui allait compliquer les choses ! Elle réfléchit à toute vitesse, avant de laisser échapper un petit rire, donnant une légère tape sur le bras de son compagnon.

"Le monde ne tourne pas autour de vous, mon cher Karl ! Je pense que la dame s'adressait à moi, car il se trouve que nous nous connaissons !"

La demoiselle lâcha alors le bras de son cavalier pour saisir celui de la brune, l'emportant un peu plus loin tout en démarrant la conversation. Elle ne se laisserait pas duper aussi facilement, bien sûr, mais au moins sa petite manœuvre avait évité d'attirer trop l'attention des gens alentours sur eux. Il était préférable qu'ils restent discrets et passent inaperçu au milieu de la foule. Ce qui était déjà mal parti de base, entre son physique atypique et l'oeil unique de Zei, alors autant ne pas en rajouter...

"Quelle surprise de vous croiser ici Shäan ! Mais c'est une agréable surprise. Comment allez-vous depuis notre dernière rencontre ?"

Emrys commença par des banalités, se doutant que la jeune femme aurait quelques questions à lui poser. Lorsqu'elles s'étaient quittées, à peine quelques semaines plus tôt, la blanche était sans le sou, et voilà qu'elles se croisaient en robes de satin dans un bal mondain...

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Shäan était certaine de ne pas s'être trompée sur l'identité de l'homme qui lui faisait face, malgré cette horrible moustache. Prenant un ton moqueur en entrant dans son jeu, la brune entreprit de faire le tour de la table, en minaudant tout sourire :

- Karl Karl, donc ! Étrange, vous ressemblez fortement à un... Ami.

La brune s'approcha pour susurrer à son oreille, appuyant bien sur son prénom :

- La colle à postiche dépasse, quel travail bâclé, Zei.

Elle n'eut pas le temps de tourmenter d'avantage son amant d'un soir, qu'Emrys... Oui, Emrys, la kidnappa, l'écartant d'Un-oeil rapidement. Que faisait-elle avec lui ? Et pourquoi l'avoir défendu ? Plissant les yeux, la dame attendit que la blanche se taise pour la toiser de haut en bas, laissant un doux sourire éclairer ses yeux. Son ton, toutefois, fut plus poli que chaleureux. Quelque chose la dérangeait dans le fait de les avoir surpris ensemble. De la jalousie peut-être ? Non. En dehors de ses trésors, la brune n'avait jamais été très possessive.

- Bien, vous aussi semblerait il. Cette robe vous va divinement, mais je suis surprise. La dernière fois, vous possédiez à peine de quoi vous offrir des vêtements décents, et voilà que vous paradez au bras d'un homme douteux dans une tenue fort coûteuse.

Si sa remarque pouvait paraître accusatrice, son visage s'affaissa soudain sous le coup de l'inquiétude et elle demanda en prenant sa main dans les siennes :

- Avez-vous contracté une dette auprès de lui ? Est ce qu'il vous oblige à être ici pour une quelconque raison ? Je peux vous aider.

Shäan chercha l'individu dans la foule, le fusillant du regard en le repérant, de dos, loin d'elles. La dame attrapa une coupe sur un plateau qui passait et y trempa ses lèvres en soufflant à voix basse, inquiète :

- Méfiez-vous de lui, Emrys. Les hommes comme lui ne font qu'une bouchée des femmes candides.

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Évidemment que je ressemble à ce fameux ami. Non, bien sûr qu'elle ne s'est pas laissée avoir aussi facilement, et elle compte bien me le prouver, se rapprochant d'une façon qui pourrait paraitre bien inconvenante entre deux étrangers. Mais je reste bien dans mon rôle de gentilhomme aux manières exemplaires. Je lui adresse donc simplement un sourire de circonstance malgré ses paroles qui réussissent à me contrarier quelque peu. Pas vraiment pour la moustache (non, je suis sûr qu'elle est tout à fait impeccable voyons !) mais bien plus pour ma couverture.

Heureusement, Emrys arrive bien vite à ma rescousse, attirant immédiatement mon attention sur cette main qui vient au contact de mon bras. Une réprimande qui arrive sur un ton et dans un timing parfaits, je dois admettre être épaté par son sens du sauvetage. J'attrape cette bouée de sauvetage, jouant le jeu sans me démonter.

- "Oh, oui bien sûr ! Veuillez m'excuser ! Dans ce cas, je vais vous laisser discuter entre dames."

Ma cavalière de ce soir n'attend d'ailleurs pas plus longtemps pour s'embarquer dans ce qui semble être une conversation tout à fait banale, entrainant Shäan à sa suite. Eh bien, on dirait que la demoiselle réussi à s'intégrer à la perfection quel que soit le milieu. Pour ma plus grande satisfaction évidemment. Si j'avais toujours quelques doutes sur sa capacité à se faire passer pour une dame bien née, me voilà parfaitement rassuré.

Cela étant, je ne suis pas encore totalement satisfait. Déjà parce que ma cavalière se trouve désormais bien loin de moi, et surtout parce que je ne fais absolument pas confiance à son amie. Sont-elles amies au moins ? Je jette un coup d’œil rapide en direction de ce duo, ce qui n'est pas pour apaiser mes doutes. Tant pis, je ne peux pas les rattraper maintenant.

Un verre rempli d'un vin que je n'avais pas eu l'occasion de goûter depuis bien trop longtemps à la main, j'entreprends de commencer à me fondre parmi les convives. Évidemment, je ne passe pas vraiment inaperçu, mais à ce stade de la soirée, ce n'est pas bien gênant. Non, j'en profite pour renvoyer des sourires polis à chaque fois que je capte un regard intrigué se poser sur moi, sans oublier d'évaluer la valeur des tenues de chaque personne ici présente.

L'accès ne se faisant pas sur invitation, on en trouve pour tous les goûts. Des petits bourgeois plein d'ambitions qui veulent se donner un genre chic sans grand succès, aux plus hauts dignitaires qui exhibent sans pudeur des pierres précieuses, il y a l'embarras du choix. Même si pour ces derniers, mieux vaudrait éviter trop m'en approcher. Pas avant qu'ils n'aient suffisamment bu pour que le peu de mémoire dont ils disposent éventuellement ne soit plus opérationnelle. On ne sait jamais. Il faut dire qu'il y a bien une ou deux personnes ici avec qui j'ai pu me montrer suffisamment exécrable en étant plus jeune, pour qu'ils soient capables de faire le rapprochement malgré mon superbe déguisement. Ces doux souvenirs réussissent à me faire oublier à quel point je peux avoir en horreur tous ces abrutis se pavanant dans l'espoir d'obtenir quelque faveur des plus hauts placés.

Mais l'exercice de repérage a beau être particulièrement simple, je suis toujours légèrement préoccupé par les deux demoiselles que j'ai laissé précédemment, pour réussir à avoir l'esprit tranquille. Après ce petit tour qui m'a permis une première approche des différentes personnes présentes ce soir, j'envisage donc de retrouver ma cavalière au milieu de tout ce monde. J'en profite au passage pour terminer mon verre, afin d'avoir une excuse implacable pour revenir à hauteur de la table où je l'ai perdue quelques minutes plus tôt.

— Non mais... Sérieux, pourquoi je dois faire ça...

Déholia avait dit ces mots avec dépit en constatant le terrible corset à froufrou vert pomme que lui avait choisi ses camarades et la robe bouffante en dentelle mauve qui lui tombait mi-cuisse. Sur ses jambes, elle était affublée de collants clairs. Edgar et Felipe l'avaient maquillé avec un tas de couleur, bien que le cramoisi des joues de Déholia couvre en grande partie le rouge qu'ils avaient mis sur les joues de la jeune femme. Dans ses cheveux, il y avait une petite fleur en dentelle blanche.

Felipe et Edgar peinaient à retenir leur rire devant l'assemblée de nobles qui se pavanait dans leurs beaux habits et l'accoutrement de leur camarade. Les deux crocs qui pouffaient derrière Déholia avaient obtenu le droit de la relooker pour l'événement après un énième défi d'entraînement. Ils s'étaient ligués contre elle pour lui faire payer ce qu'elle leur faisait subir à chaque nouvel entraînement.

— Mais t'es très mignonne, voyons, commenta Felipe les lèvres pincées.
— Tu portes le corset à la perfection, pouffa sans retenu Edgar.
— Vous avez de la chance qu'on m'ait pas laissé rentrer avec mon sabre. Maintenant, j'ai besoin d'un verre. Et de pas voir vos sales têtes.

La jeune femme fonça jusqu'au bar et attrapa une carafe et un verre. Elle but deux verres cul-sec, et loin de reposer la carafe, elle l'emporta avec elle pour se terrer dans un coin.

D'une part ce cocktail n'était pas assez fort pour un foie entraînée à la piquette janganlienne et d'une autre, il lui fallait oublier qu'elle portait une jupe. Que JAMAIS elle n'en avait porté auparavant. D'ailleurs, comment on respirait avec un corset aussi serré ?!

Elle jeta un regard aux alentours. Le supérieur qu'elle accompagnait était déjà en train de se mêler à la foule. Parfait. Doucement, elle desserra son corset, ce qui donnait l'impression qu'elle avait davantage une cotte de maille qu'un corset. Elle bénit le fait d'avoir des épaules aussi développé et ne pas se retrouver en sous-vêtement devant cette foule.

Bien que ces nobliaux auraient sans doute, étaient plus gênés qu'elle... En songeant à cela, elle prit une autre gorgée. Elle avait vraiment besoin de plus pour oublier...

— Pour calmer les gars comme ça, rien ne vaut un bon coup de genoux dans les valseuses, Blanchette.

Elle avait intercepté la conversation entre deux femmes et n'avait pu s'empêcher de s'y mêler. Traumatiser des nobles, ça, c'était une activité marrante. Elle attrapa Edgar qui passait par là, pris son visage minéralisé sous son bras et approcha son doigt de son œil.

— Et quand il est tout sonné, tu fourres tes doigts dans ses yeux !
— Dého, t'es lourdes !! Pourquoi tu fais jamais ça à Feli... Oh mon dieu... M'dame Perkim ?!

Edgar avait écarquillé les yeux en même temps que Déholia avait relevé la tête en direction de la brune. Ces yeux faillirent sortir de leurs orbites avant qu'un sourire narquois, mais un peu crispé ne se mette à décorer le visage de Déholia.

— Madame Perkim... Si on s'attendait à vous voir ici... La dernière fois qu'on s'est vu, j'étais au fond d'une fosse à purin !

Elle avait relâché Edgar pour continuer de parler à la brune et se remettre à boire, à même la carafe.

Emrys observa la brune s'approcher de son cavalier, bien trop près pour que ce soit décent. Pas que la jeune femme éprouvait une quelconque jalousie, mais elle était inquiète pour leur couverture ; cela paraitrait suspect qu'un homme soit si proche d'une autre femme sous les yeux de sa dulcinée, non ? Elle entra donc en action et vola Shäan du bras de son partenaire pour l'entraîner un peu plus loin, sous le prétexte d'une conversation entre dames.

Une fois seules, sa compagne lui fit part de sa surprise, sur un ton bien moins chaleureux que lors de leur dernière rencontre. La blanche l'aurait-elle froissée ? Elle comprit à la suite de la discussion que la source de ses reproches n'était autre que Zei. Elle le connaissait vraiment, donc, et n'avait visiblement pas une très bonne opinion de lui. La demoiselle s'était toujours doutée qu'il trempait dans des affaires louches, mais elle en avait maintenant la confirmation au vu de la réaction de son amie. Elle savait qu'il était voleur et pas très honnête, mais peut-être était-il pire que cela ? C'est en tout cas ce que laissait penser l'inquiétude sincère de la brune à son égard. Emrys lui offrit un sourire qui se voulait rassurant, tout en posant la main sur les siennes.

"Ne vous en faites pas Shäan, je suis ici de mon plein gré, tout va bien ! Il se trouve que Zei avait besoin d'une cavalière arrangeante, et moi j'ai besoin d'argent... Donc nous avons passé un marché."

Cela ne voulait pas dire qu'elle lui faisait confiance... Même si la Styrge devait admettre qu'elle commençait à apprécier sa compagnie, après cette semaine passée sur les routes avec lui. Elle osait penser que c'était réciproque, mais même si ce n'était pas le cas, elle ne craignait pas pour sa sécurité. Car Zei avait encore besoin d'elle, aussi elle était sûre qu'il veillerait à ce qu'il ne lui arrive rien, comme il l'avait déjà fait à Jañgala. Elle hésita à demander à quel point le brun était "douteux" mais préféra s'abstenir ; elle lui poserait la question directement... Peut-être obtiendrait-elle une vraie réponse ? Ou peut-être pas, mais après tout elle cachait bien des choses à son partenaire également...

"Mon intérêt pour lui n'est pas du domaine de l'affection, ne vous inquiétez pas... Je saurai prendre mes distances lorsque je sentirai que ça devient nécessaire !"

Emrys eut elle-même un doute en prononçant ces mots. Saurait-elle vraiment sentir le danger arriver et prendre ses distances avant qu'il ne soit trop tard ? Elle l'espérait. Car si elle était capable de s'asseoir sur ses principes pour délester les riches de quelques pièces d'or, elle ne voulait certainement pas se laisser embarquer dans d'autres histoires plus sombres...

La conversation des deux jeunes femmes fut soudain interrompue par une dame bien plus grande et costaude qu'elles, à l'allure masculine et au parler plutôt vulgaire. La blanche n'apprécia pas être interrompue en pleines confidences, pas plus qu'elle n'apprécia le surnom "Blanchette". Elle lança un regard noir à l'importune et son cavalier, mais n'eut pas le temps d'ajouter quoi que ce soit, que soudain les deux nouveaux venus pâlirent en reconnaissant Shäan. Visiblement, la jeune femme était très populaire ! La Styrge saisit cette opportunité pour s'éclipser, ayant abandonné son cavalier bien trop longtemps.

"Eh bien, hum, merci du conseil ? Je vous laisse à vos retrouvailles, je vais rejoindre mon cavalier... On se revoit plus tard, Shäan, profitez de votre soirée !"

Et dans un sourire, Emrys abandonna le groupe. Elle retrouva Zei rapidement dans la foule ; outre sa grande taille, il était facilement reconnaissable avec son cache-oeil et cette moustache ridicule ! S'approchant de lui par derrière, elle fit glisser sa main le long de son bras, jusqu'à attraper ses doigts, puis pivota pour se retrouver face à lui. Avec un sourire un brin moqueur, elle posa sa seconde main sur l'épaule de son cavalier, dans une invitation à la faire danser.

"Vous aurais-je manqué mon très cher ? Vous semblez inquiet et perdu !"

Se penchant un peu plus vers l'avant pour que lui seul entende, elle reprit d'une voix basse.

"Shäan semble penser que tu es une mauvaise influence... Que lui as-tu donc fait ? Et sinon... Des découvertes intéressantes parmi les invités ?"

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— Et c'est ainsi que j'ai occis, d'une unique flèche, le capitaine des pirates et sauvé mes camarades de voyages de cette terrible engeance qu'étaient ces écumeurs des mers !

Koniake était adossé à un mur et sirotait un cocktail coloré de bleu. Il était vêtu d'un somptueux costume en queue de pie bien au-delà de ses moyens. Il était entouré de plusieurs dames aux joues potelées et à la physionomie traduisant l'opulence Sahlienne. Parmis ces femmes qui gloussaient se trouvait Delphine Rougemant, une ancienne bourgeoise dont la famille avait fait fortune dans la production d'orge et acquis ses titres de noblesses après de nombreux services rendu à la couronne. Delphine faisait partie de la génération de Rougemants née nobles.

Bien qu'opulente, la noble était resté proche de la populace et se démarquait de par sa grande générosité et les orphelinats dont elle motivait la construction. Koniake et Eliott l'avait rencontré à leur arrivée à Cirdania, en se rendant justement dans l'un de ses orphelinats pour recueillir des médicament et herbes pour Eliott. Et accessoirement un toit.

La noble, de visite dans un des établissement portant son nom, avait été touché par l'histoire d'Eliott et séduite par la ferve fantaisiste des chants du barde. Elle leur avait donné le gîte et le couvert, tout en suggérant au barde de chanter quelques unes de ses épiques chansons lors d'un événement mondain. En échange de quoi, elle lui avait promis une aide financière. Puisqu'en effet, après avoir cavalé à travers la Technopole pour trouver du bois, il fallait maintenant que Koniake réunisse suffisamment d'argent pour payer les prothèses de son protégé.

Protégé qui était tout autant sur son trente et un que Koniake. Perché sur une jambe de bois dépourvue de mécanisme au niveau des articulations, son bras gauche avait été remplacé par une tige de bois qui lui permettait de s'appuyer sur un support et enfin, il avait a la place de son orbite vide, un cache œil sur lequel était brodé une rose blanche, assortie à son costume de la même couleur. Bien que solitaire d'ordinaire, il était aujourd'hui entouré de quelques enfants, ce qui permit à Koniake d'inviter sa bienfaitrice à danser avec lui avant de devoir se mettre à chanter.

Il fit une révérence à la jeune femme en lui tendant la main. La femme sourit et accepta la main du garçon pour commencer à danser avec lui. Se laissant dirigé par celui-ci. Mais au cours de leur danse, Koniake ne put s'empêcher de repérer deux visages familiers. Alors une fois que la danse fut fini, il fit une révérence à la jeune femme en prenant congé d'elle. À son sourire, elle avait l'air comblée par la prestation du jeune homme. Après quoi, Koniake se dirigea vers ses deux amis qu'ils avaient repérés au loin.

— Emrys, Zeï ! Si je m'attendais à vous voir ici, et ensemble ! Alors vous vous connaissez ? La moustache te va très bien.

Il fit un baise main à Emrys avant de tendre sa main à Zeï pour une poignée de main virile et d'offrir un clin d'œil au borgne.

De son côté, Eliott avait fini par en avoir assez des ces enfants pourris gâtés qui soit le regardait de haut avec pitié, soit s'extasier sur la "chance" qu'il avait d'avoir vécu tant d'aventure. L'un d'eux lui avait même dit qu'il devait être fier de ses cicatrices, qu'elles étaient le tribut de sa ténacité et de sa rage de vivre. Eliott avait fait mine de trébucher sur sa jambe pour reverser son clafoutis au myrtille sur le costume immaculé de l'enfant de noble.

Koniake était occupé à faire pouffer la grognasse noble, alors, Eliott était libre de faire ce qu'il voulait. Si ses premières expériences avec l'alcool n'avaient pas été agréables, les liquides proposés ici avaient l'air beaucoup plus attrayant. Mais alors qu'il boitillait à travers la salle, il bosucula une dame.

— Eh, gamin fait gaffe putain !
— T'veux quoi l'asperge ? Apprends à t'hab... Oh! Ma-madame Sh-shaan ?

Les yeux de l'enfant s'ecarquillèrent et ses joues s'empourprèrent en voyant la jeune femme qui lui avait sauvé la vie.

Shäan discutait avec Emrys qui l'avait fortement rassurée lorsqu'elles furent interrompues par un duo haut en couleur qui s'incrusta dans la discussion sans la plus petite formule de politesse, ou marque de bienséance. Ils faisaient tache, à vrai dire, dans le ton et dans les mots, ainsi que dans l'attitude belliciste que la femme à la coiffure avant-gardiste affichait. Soudainement, son nom de famille s'échappa de la bouche de l'homme et la brune se tourna vers eux avec les sourcils froncés. Qui pouvaient ils bien être pour la connaître aussi personnellement ? C'est en se tournant vers la femme et en fixant son visage qu'elle la reconnut soudainement.

- Déholia ? J'aurais dû te reconnaître avec ce caractère ! Et tu dois être Edgar ? Comme vous avez grandit ! Qu'est-ce qui vous amène si loin de chez nous ?

Parallèlement à sa question, la dame s'avança vers la blonde pour saisir la carafe et la reposer sur une table avant de mettre un grand verre d'un mélange fort dans ses mains avec un sourire moqueur et autoritaire à la fois. Jamais elle n'aura pensé revoir les recrues d'Enryu, encore moins à Cirdania... Que faisait une telle furie dans une soirée mondaine ? Celui qui l'avait mis sur cette mission risquait de rapidement le regretter si elle n'était pas chaperonnée. Elle posa une question à l'intéressée, attrapant une coupe de mousseux sur le plateau d'un serveur :

- Où en êtes-vous de vos grades ? Vos missions se passent elles bien ?

Shäan attendait leurs réponses quand elle perçut distraitement une histoire qu'une voix connue racontait. Cette histoire... Bizarrement, lui évoquait un événement traversé récemment et elle tourna discrètement la tête pour voir qui en était à l'origine. Koniak entra dans son champ de vision et elle sut pourquoi l'histoire ne lui était pas étrangère. Ce maudit barde s'octroyait le mérite de ses exploits d'archerie ! Quel goujat ! Elle le regarda danser avec une nobliote bien en chair et lorsqu'il eu fini, pris congé du duo pour le rejoindre, tombant dans le même temps sur Emrys et Zei, vers qui il se dirigeait.

Réprimant un soupire et une grimace, elle tapota sur l'épaule du barde pour lui faire remarquer sa présence avant d'éclater d'un rire cristallin quand il appela Un-œil par son prénom. Son sourire s'agrandit tandis ce qu'elle se moquait gentiment de son amant :

- Vous voyez, je vous l'avais dit, Karl Karl.

Puis elle reporta son attention sur Koniak, et un éclat menaçant passa dans son regard alors qu'elle soufflait à son intention :

- Je n'ai pas pu m'empêcher de surprendre votre discussion avec ces dames, plus tôt. Est ce une habitude pour vous de vous approprier les hauts faits des autres ?

Elle allait ajouter que c'était mal vu de la cour si ça s'apprenait et qu'une réputation se faisait et se défaisait très vite, mais elle fut bousculé, alors même qu'un garde grondait un enfant plus durement que nécessaire. Posant ses mains sur les épaules du garçon pour l'aider à retrouver son équilibre, elle lâcha à l'homme chargé de maintenir le calme durant la soirée :

- Ce n'est rien, ne vous en faite pas. Je le connais.

Il s'en alla alors et Shäan s'agenouilla pour pouvoir parler à Eliott sans que celui-ci n'ait besoin de se tordre le cou :

- Tout va bien ? Je vois que tu as retrouvé de la mobilité, ce n'est pas trop dur ou douloureux ?

Le bal du Muguet

Rp ouvert

Un nouveau verre en mains, je peux apercevoir Emrys au sein d'un groupe des plus étranges, où se trouve toujours Shäan, rejointe par des personnes à l'allure fort douteuse. Assurément pas des gens d'ici ! Quelle idée de laisser entrer n'importe qui ! Mais j'ai comme l'impression que je devrais m’abstenir de les rejoindre. De toute façon, mon attention désormais portée sur la piste de danse est subitement accaparée par une chevelure suffisamment particulière pour m'interpeler. Lui aussi ?!

Ce n'est que le contact d'une main le long de mon bras qui ramène mon regard sur ce qui se passe à mon niveau. C'est donc avec un sourire non feint que j'accueille le retour de la demoiselle qui m'accompagne, cette dernière ne manquant pas de me faire remarquer l'état de trouble dans lequel je dois paraitre.

- "Comment ne puis-je être être perdu en voyant ma cavalière entourée de personnes à l'accoutrement suspect ?"

En revanche, la question que me pose Emrys a de quoi me laisser perplexe. Au moins, je ne peux lui reprocher sa franchise. Mais cette façon de me le demander réussi à dessiner un léger sourire amusé sur mes lèvres.

- "Je crains que la décence ne m'autorise pas à répondre trop franchement à cette question, mais il ne me semble pas avoir fait quoi que ce soit qui me vaille sa méfiance. A moins qu'elle ne s'inquiète pour ton innocence."

Je ne peux m'empêcher de jeter un coup d’œil en direction du petit groupe où Shäan se trouve toujours impliquée, finalement très curieux de savoir ce qu'elles ont bien pu échanger comme informations. Ainsi que les raisons de cette étrange mise en garde à mon sujet. Est-ce qu'elle s'imagine que je puisse avoir l'intention de terminer cette soirée avec Emrys de la même façon que j'ai pu terminer celle passée en sa compagnie ? Et auquel cas, est-ce vraiment pour Emrys qu'elle s'inquiète ? Malheureusement, il semblerait qu'il me faille patienter pour tenter d'obtenir des réponses.

- "Pour le reste, je crois pouvoir prédire que cette soirée s'avère des plus rentables."

Enfin, ça c'est sous condition que l'on puisse travailler tranquillement. Parce que je n'ai même pas le temps de briefer mon acolyte sur les cibles les plus intéressantes, que le charmeur de ces dames en a fini de démontrer ses talents de danseur, pour venir nous saluer. Encore un qui connait la jeune femme à mes côtés ?! Et qui ne fait même pas l'effort de se demander pourquoi est-ce que j'arbore cette horrible moustache !! Non, bien sûr que j'ai suffisamment de bon goût pour ne pas imaginer que cette touffe de poils ait quoi que ce soit de présentable.

Je ne réprime pas une demi grimace agacée par ce nom qui raisonne un peu trop fortement à mon goût dans la salle, pendant que Shäan revient en même temps, s'amusant largement de la situation. Mais il n'est pas question que je me laisse déstabiliser pour autant. Ce qui ne m'empêche pas de serrer la main de Koniake.

- "Eh bien, il semblerait en effet que je ressemble à l'une de vos connaissances communes. J'en suis fort embarrassé, mais je ne pense pas vous connaitre. Comme la dame l'a spécifié, je me nomme Karl. C'est un plaisir de vous rencontrer. D'autant plus si vous êtes également l'un des amis de ma charmante cavalière."

Je garde un visage parfaitement avenant, correspondant aux codes officiels de la politesse, pour tenter de rétablir un semblant d'ordre dans ces noms qui se mélangent un peu trop à mon goût. J'en profite également pour jeter un rapide coup d’œil alentours, m'assurant qu'aucune silhouette un peu trop connue n'ait pu capter ce dérapage. Mais les convives qui nous entourent paraissent toujours largement absorbés par leur conversation ou les petits fours. Parfait, je peux tout à fait reprendre ce petit jeu d'apparat sans craindre d'être importuné.

- "Cela étant, je dois admettre être étonné. Vous semblez connaître beaucoup de monde ici !"

Je me tourne de nouveau vers Emrys, cette remarque n'étant pas totalement innocente pour autant. Bien sûr que je suis effectivement étonné qu'elle connaisse également Shäan et Koniake !