Loup y-es-tu ? ... [& Deholia]

Déholia était en train d’entraîner les recrues qui étaient sous ses ordres. Bien que d’un point de vue extérieur, cela ressemblait plus à une séance de défoulement de la blonde. Mais, non, c’était bien un entraînement !

Elle était face à un jeune garçon, chauve et tout en muscle. Bien qu’il soit équipé d’un bouclier, il ne s’en servait jamais pour se protéger. Prenant certainement exemple sur Déholia qui utilisait l’objet autant comme une arme que comme une protection.

Le pauvre haletait avec des filets de sang qui coulaient de son visage.

Lors de leur dernier échange, alors que le jeune homme avait tenté d’enfoncer les défense de Déholia, elle avait fait un pas de côté, frappé le poignet du chauve avec la tranche de son bouclier. Puis, pendant que celui de son adversaire tombait au sol, elle lui avait mis un bourre-pif avec la main qui serrait le pommeau de son glaive d’entraînement. Sans un bruit, le visage fermé, elle avait reculé en faisant tourner son arme sur elle-même.

Alors que le garçon chargeait de nouveau, hors de lui, Déholia renforça ses appuis, elle allait parer l’attaque frontale avec son bouclier et lui mettre les côtes en vrac avec son glaive. Ça lui passerait l’envie de perdre ses moyens.

Mais avant qu’il ne puisse arriver au contact, une flèche se planta à ses pieds. Déholia fit volte face, en se mettant entre la recrue et la flèche, le bouclier levé. Elle se détendit en découvrant Shäan, armée d’un large sourire qui réagissait aux protestations des hommes de Déholia. Elle se tourna vers le garçon au sol.

– Elle a raison, t’es mort quatre fois pendant l’entraînement. Si tu veux te la jouer avec ton bouclier, apprends d’abord à te protéger avec.

Elle lança son propre bouclier au pied du garçon.

– Pendant le reste de la semaine tu te battras avec les deux. Si tu te fais toucher, tu laveras les latrines.

Elle se tourna ensuite vers le garçon qui avait accompagné Shäan et lui balança son glaive de bois.

– ET TOI SI TU VEUX MATER DES SEINS TU VAS AU BORDEL OU CHEZ TA MÈRE MAIS PAS SUR MON SABLE ET DANS MON ESCOUADE, P’TITE MERDE ! Tu me feras le tour de la ville ! Ça te fera les pieds !

Les mains maintenant libres, elle attrapa la bouteille que lui jetait Shäan avec un sourire.

– Vous débarquez, vous traumatisez mes gars et vous me payez une bouteille ? Venez plus souvent m’zelle Perkim !

Elle se tourna vers ses hommes et brailla.

– Tout le monde, vous me formez des groupes de trois ou quatre pour les patrouilles. Trois dans le secteur de l’académie ! Deux sur les flancs est ! Un sur les quais, vous, vous serez sous les ordres des Douanes, vous êtes là pour faire peur, mais j’vous pas de vagues ! Allez plus vite que ça ! Lance, pendant ton tour de la ville, tu checks tout ce qui se passe et tu fais un rapport au QG ! Allez, bougez vous le fiac ! On est des crocs, pas des lavettes de Griffes !!!

Après quoi, les recrues s’activèrent. Déholia retira le bouchon de sa bouteille avec ses dents avant de le cracher et boire une grande lampée.

– Désolé, vous savez c’que c’est, les responsabilités.

Tout en disant cela, Déholia avait commencé à marcher vers les vestiaires, en défaisant le plastron d’entraînement qu’elle portait. Elle passa sur un débardeur ample et bien trop abîmé pour être appelé vêtement, sa veste d’uniforme. Il n’était pas en meilleur état mais avait l’avantage d’être impressionnant avec le rembourrage au niveau des épaules qui rendait la silhouette de Déholia encore plus carrée qu’elle ne l’était.

Après quoi, elle emmena Shäan dans une salle de repos réservée au lieutenant. Elle tira une cigarette de sa poche qu’elle alluma avant de s’asseoir à une table et poser ses pieds dessus.

– Alors, c’est quoi ce « challenge »?

Déholia eut un sourire aux deux première remarques de Shäan, mais ne réagit pas outre mesure. En revanche, le sujet des vêtements la fit réagir. Elle agita la main comme pour chasser les bêtises que racontait Shäan.

- Eh, tant que ça tient, c'est bon. Acheter des sapes ça m'emmerde. Pis, sous l'armure ça s'voit pas. J'montre aussi que j'suis sur le terrain, et pas une gratte-papier inutile.

Elle remua un peu le bouton qui pendouillait distraitement. Bouton qui finit par tomber et rouler sur le sol. Déholia se contenta d'un simple "Ah." Avant d'hausser les épaules et de se diriger dans la salle où elle put s'installer avec Shäan. Les pieds sur la table, elle alternait entre une bouffée de cigarette et une gorgée d'alcool. Elle sourit, en crachant sa fumée quand Shäan parla de son impatience.

- Eh, prenez-le comme un compliment, votre présence attise ma curiosité.

Et, elle n'allait pas être déçu. Elle prit une gorgée, avec laquelle elle faillit s'étouffer quand la brune parla de l'obsidienne dorée. La question sur les congés était immédiatement passée au second plan, alors que Déholia tentait de ne pas tomber de sa chaise. Elle se redressa, ayant fait redescendre ses pieds de la table.

- Vous êtes sérieuse ? De l'obsidienne dorée ?

L'obsidienne était une chose. Déholia n'y avait jamais vraiment prêté attention, c'était des légendes dont elle se fichait pas mal. Non, ce qui l'intriguait vraiment, c'était ce fameux "projet". Qu'est-ce que Shäan préparait ?

- Vous êtes en train de me demander, d'aller sur les traces de Terabithia, pour recueillir un matériaux légendaire... Et ça, en quelques jours de congés ? Quel projet peut être aussi important pour me demander un truc aussi improbable ?

Elle s'était retenu de dire "débile", mais y pensait très fort. Nénamoins, Déholia avait tendance à être paranoïaque. Si il y avait de l'obsidienne dorée en jeu, elle allait en être. C'était quelque chose de trop gros pour ne pas qu'elle s'y intéresse. S'il y avait une chance que tout ça ne soit que des contes pour enfant, elle devait absolument s'assurer de savoir si cette denrée ne risquait pas de tomber entre toutes les mains.

Déholia était restée silencieuse pendant la suite de l'échange entre elle et l'ancienne militaire. Enfin, autant qu'il lui était possible. Quand Shäan avait soulevé qu'elle manquerait peut-être de souffle, Déholia avait feint un sourire narquois en disant que depuis qu'elle s'occupait des recrues, c'était les entraînements les plus éprouvant tant elle s'époumonait.

Néanmoins, ce fut à peu près tout. Elle avait perdu toute cette énergie quand Shäan lui avait annoncé que ça permettrait de réduire l'affluence de monstre. Qu'avait-elle en tête ? Avoir moins de travail, signifier en avoir beaucoup d'abord. Sa promotion et ses récentes expériences avec l'une des personnalités les plus influentes de Jangala avaient changés la Croc, bien que toujours téméraire et tête brûlée, elle ne pouvait retenir sa paranoïa.

Quand elle rentrait d'une soirée trop avinée, elle avait toujours deux dagues et un plastron en cuir sous ses vêtements. Dans ses quartiers, quatre autres armes étaient caché dans les draps, son oreiller et même dans les sanitaires !

Alors, que Shäan lui annonce comme cela, que trouvait un matériaux légendaire permettrait de réduire la menace des monstres, il n'y avait vraiment aucune chance que ça ne fasse pas travailler ses méninges.

Elle agita distraitement la main quand Shäan annonça son départ. Une fois la femme sortit, la soldate fila retrouver ses deux amis et argumenta pour que, lors de leurs congés, elle leur fasse faux-bond. Après trois promesses de tournée général, elle réussi à convaincre ses amis qui n'eurent pas de réponses aux questions qu'ils posèrent à Déholia.

Une fois cela fait, seule dans ses quartiers, elle vérifia l'état de ses armes. Les lames de son glaive et de son sabre furent aiguisées, elle cacha une dague dans un petit compartiment caché de son bouclier et en glissa une autre dans la poche d'une saccoche de voyage. Elle récupéra des vêtements de civil, ample et confortable, parfait pour une randonnée. Et également parfait pour ajouter à l'intérieur des plaques de cuir au niveau des articulations et points vitaux. Bien que Déholia ne soit pas douée en couture, ses vêtements assez ample pour que de l'extérieur ça ne se voit pas. Elle avait songé à demander à un professionnel mais, un, c'était cher, deux, l'artisan risquait de divulguer la nature de sa demande.

Elle essaya les vêtements plusieurs fois, fit quelques ajustements. Histoire d'être complètement satisfaite le jour J. Dans ses affaires, il y avait le strict minimum, de l'eau, du rhum, un kit de premier soin, une dague et, un filet, replié à l'extrême pour tenir au fond du sac. Elle jeta le sac dans son dos et passa un large manteau sur ses épaules pour cacher la présence de son bouclier attaché dans son dos, de son glaive fixé à son flanc.

Seul son sabre pendait à sa ceinture. Seul. Inutile de le cacher, elle sortait toujours avec. Pour justement, feindre un excès de confiance.

Une fois "apprêtée" la femme se rendit à l'adresse que lui avait donné Shäan. Le soleil n'était pas encore tout à fait levé et les rues de Mystarcia étaient encore déserte, mais par prudence, elle emprunta de petites ruelles méconnues pour arriver à destination. Elle toqua doucement, avant d'hurler.

— Debout Mami ! C'est l'heure de ta balade !!!

Paranoïaque, certes, mais diablement insolente avant tout. Et si on l'avait suivi, autant paraître naturel.

Lorsque la porte s'ouvrit, Déholia put découvrir une Shäan trop décontractée pour ce qu'elles s'apprêtaient à faire. Ou c'était Déholia qui s'était fait des idées ? Malgré tout, son ancien mentor avait toujours été imprévisible et son attitude continuait d'échapper à la compréhension de Déholia.

Quand elle parla de sa Tulki, la soldate acquiesça pour montrer qu'elle avait compris.

- Votre Plume suffira. Deux Tulki risqueraient d'attirer l'attention.

Lorsque Shäan notifia l'absence d'Edgar et Felipe, Déholia haussa les épaules.

- J'ai besoin d'eux pour me faire un alibi au cas où. Et puis, ils auraient été trop impressionnés par vous, les pauvres.

Un léger sourire narquois passa sur son visage en imaginant les visages cramoisis de ses amis si elle avait dit cela devant eux.

- J'ai tout ce qu'il me faut sur moi. On peut y aller quand vous voulez.

Déholia observa avec attention la transaction entre Shäan et Malik. Elle ne connaissait pas le garde personnellement. Mais, habituellement les gardes privé ne jurait que par l'argent. Elle nota cette pensée dans un coin de sa tête.

Déholia emboîta le pas à Shäan, étant beaucoup plus méfiante. Les rues commençaient doucement à s'éveiller et elle avait vraiment du mal à comprendre l'enthousiasme de Shäan.

- Pourquoi êtes-vous si détendu ? On dirait que vous pensez que rien ne peut nous arriver.

La phrase sonnait comme un reproche, mais elle traduisait également une réelle angoisse de la soldate.