Baleine sous gravillon [Quête avec Mahal]

Alors qu'ils partaient, Mahal prit la parole, peut-être pour essayer de relativiser à propos de la situation. Quand le chat parla de dette auprès des chats de la ville et de si elle arriverait à suivre avec "deux pattes", Déholia un sourire, certes crispé par la situation, mais un sourire quand même.

- J'foutrais des bols de lait autour de la caserne si on la retrouve, t'inquiète pas. Et mes deux pattes sont habituer à courser du fils de putes. T'en fais pas.

Elle opina simplement quand il déclara qu'il témoignerait en sa faveur. Malheureusement, comme il le disait si bien, il n'était qu'un chat. Elle doutait que la parole du matou suffise. Ils continuèrent à traverser la ville alors que Mahal poussait quelques miaulements çà et là. Du coin de l’œil, Déholia voyait quelques chats aller et venir autour d'eux. C'est donc ça qu'il entendait par une "dette" ? Soudain, Mahal poussa un juron, qui était à la fois vulgaire et ... éloquent, tout ce qu'appréciait Déholia. Malheureusement, la suite des paroles du félin ne laissa pas le loisir à la croc de s'attarder sur la richesse de l'expression.

Elle pesta à son tour en prenant la direction du marché couvert. D'un geste, elle déboucha la potion et la vida d'un seul coup. Sans cessait de courir, elle fut prise d'un violent sentiment d'inconfort, alors que sa physionomie et son visage changeaient. Elle bifurqua dans une ruelle et ce n'est pas la femme blonde aux larges épaules qui en ressortie. Mais, une dame sans âge, brune, tassée sur elle-même, à la peau parsemée de plaque grisâtres et terreuses. La potion lui avait donné l'apparence d'une autre race visiblement, elle était maintenant un Homme de Pierre. Enfin, une femme Homme de Pierre pour être exact.

Chassant ces questions sur les différentes terminologies, Déholia reprit son chemin vers le marché, glissant quelques mots à Mahal.

- Bon. Elle a sûrement dû changer d'apparence. Faut qu'on cherche quelqu'un qui ait l'air de se sentir inconfortable dans son corps. Car j'te promet que c'est horrible c'te merdasse.

Malheureusement, chercher quelqu'un dans cette vaste population n'était pas une simple affaire. En plus de ça, le duo n'avait aucune idée de la probable nouvelle apparence de Kujira. Déholia marchait à travers les allées, en se hâtant, le souffle court, les dents et les poings serrés.

Elle avait caché ses armes tant bien que mal pour ne pas être repérée. Finalement, elle finit par s'arrêter dans un coin entre deux étales. Elle glissa un regard à Mahal.

- Faut qu'on trouve une solution. On la retrouvera pas. T'as une idée ?

Tout en parlant, elle se frotta le nez. L'envie de fumer une cigarette était forte, mais elle n'avait pas le temps d'en sortir une et de l'allumer. Et, elle profiterait bien plus de sa dose de nicotine si elle pouvait écraser son mégot entre les deux yeux du cafard qu'ils traquaient.

- Je devrais pouvoir renforcer les patrouilles de crocs près de l'académie. Mais... Elle attend sûrement ça de nous.

C'était vraiment une situation de merde.

Le trajet jusqu'au marché fut brièvement ralentie lorsque Déholia décida de boire sa dose de potion de métamorphose, devenant une femme de pierre brune et un peu trapue. Le changement n'avait pas l'air confortable, alors Mahal était du coup très heureux que ce ne soit pas à lui de tester la mixture.
Il avait encore l'odeur de la hutte nauséabonde dans le nez !

Le chat noir était assez confiant dans ses chances de passer inaperçu au milieu de la foule. Et Déholia ainsi transformée était de facto méconnaissable. S'ils pouvaient retrouver la trace de leur fugitive sans se faire repérer, c'était maintenant.
Le marché couvert apparut après un dernier virage, et ils progressèrent bien vite au milieu d'une foule de badauds de plus en plus dense. Dans la forêt de jambes et de pieds dans laquelle il slalomait, Mahal ne parvint pas à distinguer s'il y avait effectivement un Tulki quelque part à l'entrée.
Au bout de quelques minutes à déambuler sans autre but que guetter des allures suspectes dans la masse de promeneurs, ils s'arrêtèrent aux abords d'un étal.

Déholia avait mille fois raison ; ils n'arriveraient à rien, sans savoir la nouvelle apparence de Kujira, en cherchant au hasard dans ce marché bondé. Nom d'une boule de poils ! Elle aurait très bien pu être déjà à l'autre bout, ou dans un autre quartier !
Et si elle avait des complices pour la cacher, ou un repaire quelconque...
Même si sa potion avait une durée limitée dans le temps, indiquant que son plan allait sûrement devoir se réaliser rapidement...
Raaaaahhhh !
C'était tellement frustrant !
Mahal s'usait les crocs à les faire grincer entre eux.
Et cette odeur qui ne lui quittait pas les narines ! Ça le rendait dingue !
...
...
Minute ! C'était une idée ça ! Le chat noir ouvrit la gueule et renifla à fond, traquant dans l'air l'effluve méphitique de la hutte de cette alchimiste. Il usait autant de son sens du goût que de son odorat - et dut retenir un haut-le-cœur - mais il capta après un moment, une piste qui ne le dirigeait pas vers Déholia.
Une odeur aussi infecte s'incrustait partout, dans les vêtements, dans les cheveux, dans la peau et la chair même des malheureux qui avaient eu le malheur d'y être exposés.

- Par ici ! Je crois bien que j'ai une piste !

Sans vérifier si Déholia le suivait bel et bien, de peur de perdre la piste - il se savait être un limier plutôt médiocre - Mahal fonça dans les allées du marché, s'éloignant rapidement des passages les plus pratiqués pour aller vers les coulisses, les ruelles minuscules remplies de charrettes à bras et de caisses fermées, de déchets divers et de marchandises en transit avant leur apparition resplendissante sur les étals eux-mêmes.
Finalement, le chat noir se figea à l'entrée d'une ruelle, où un homme seul à la peau sombre et aux cheveux crépus était en train de changer d'habits avec des gestes nerveux, le regard passant régulièrement d'un côté et de l'autre de l'allée, comme s'il craignait d'être vu les fesses à l'air.
Le fait que les habits que l'homme portait encore étaient les mêmes que ceux de Kujira avant qu'elle ne s'enfuie en disait long sur ce qu'il se passait vraiment.

Mahal tourna la tête derrière lui, conscient qu'avec sa stature et son poids plume, ce ne serait pas lui qui pourrait intercepter physiquement la fugitive. Il fallait que ce soit Déholia qui s'en occupe.
Bizarrement, le chat noir ne doutait pas qu'elle le ferait avec joie.

Déholia n'avait jamais été très chat. Un molosse avait clairement plus d'utilité a ses yeux. Mais en ce moment, Mahal était en train de la détromper complètement. Surtout lorsqu'il détala subitement en disant qu'il avait une piste. Dire qu'elle allait abandonner !

Elle allait vraiment mettre des bols de lait partout autour de la caserne, à ce train-là. Elle bouscula les gens sans vergogne pour pouvoir suivre l'ombre noire qui se glisser entre les jambes. Soudain, il s'arrêta, Déholia ralenti également le rythme pour jeter un oeil à la ruelle devant laquelle il s'était arrêté.

Un sourire mauvais étira le visage de Déholia.

— Bien joué, Coussinet. Je me charge du reste.

Rockalia entra dans la ruelle alors que le métal de Joséphine, son sabre d'infanterie, crisser en sortant du fourreau. L'homme releva la tête et son visage se décomposa en reconnaissant l'arme.

— Salut, grosse pute.

Juste après avoir jeté l'insulte, la Croc de pierre se jeta a l'assaut pour donner un coup visant à clouer l'homme au mur. Juste dans l'articulation de l'épaule. Sauf que, son adversaire en voulant reculer oublia qu'il avait les pieds encore enchevêtrés dans un pantalon. Ce qui lui fut salutaire puisqu'il tomba au sol. La pointe de Joséphine s'écrasa contre le mur dans un tintement assourdissant. Déholia baissa les yeux vers Kujira, vêtu de sa nouvelle apparence.

Elle lui lança un nouveau regard noir, mais cette fois, il était encore plus troublant. A la fois il traduisait la colère et la détermination de Déholia, mais aussi, elle semblait analyser et memoriser chaque trait du nouveau visage de Kujira. Mal à l'aise avec ça, sûrement, la fugitive roula sur le sol, lançant son pantalon à Déholia. D'un geste sec, elle coupa les frusques en deux avant de s'élancer vers Kujira. Mais alors qu'elle se lançait, un couvercle de poubelle la cueillit en plein visage. Déholia dût s'arrêter, mais fut également assez surprise d'être toujours debout. A en regarder le couvercle, il avait frappé une plaque de pierre tant il était déformé.

Bien que pratique, ce corps était trop lourd, Déholia n'était pas habituée. Le corps en face d'elle semblait, quant à lui, athlétique et vif. Elle ne devait pas le laisser fuir.

Se remémorant ces moments passés avec Felipe, elle étendit les bras, faisant tourner son arme sur elle-même. Felipe couvrait toujours de son corps énormément de surface en combat. En s'exposant ainsi, il pouvait contre-attaquer bien plus efficacement, mais aussi réagir plus vite et prendre l'ascendant sur le combat.

Kujira semblait lire en Déholia, puisqu'elle ne tenta pas de partir. Si elle avait fait le moindre mouvement de recul, la Croc aurait planté son arme dans le genou de son adversaire supprimant ainsi ses possibilités de fuites. Mais non, Kujira semblait déterminer à se battre. Parfait.

Déholia fit subitement un pas en avant, pour abattre de toutes ses forces son arme sur Kujira. Celle-ci, ou celui-ci, comme vous préférez, leva le bouclier improvisé. Il absorba le coup mais se déforma encore un peu plus. Déholia tira son arme vers elle d'un grand coup. Le métal crissa en déchirant le fer de la poubelle. Et alors, que Kujira regardait cela avec angoisse, une main vint se refermer sur son visage.

Profitant de sa diversion, Déholia avait jeté sa main pour attraper le visage de Kujira. Bien que la nouvelle forme de celle-ci semblait plus lourde et robuste, celle de Déholia l'était encore plus. Elle écrasa le visage métamorphosé de la fugitive contre le mur avec une violence inouïe. Puis, elle la laissa tomber.

— Ça s'est fait.

Déclara la Croc en se frottant les mains alors que le corps en face d'elle tombait mollement au sol, complètement inconscient.

— Coussinet, trouve nous un endroit a l'abris des regards. Ça va attirer du monde ce boxon.

Tout en disant cela, Déholia venait d'attraper le corps et de le caler sur son épaule. Ce serait plus simple à transporter.

Mahal assista à la scène de règlement de compte avec une fascination nerveuse : s'il avait souvent lu ou entendu que les Bipèdes aimaient bien se taper les uns sur les autres, il n'avait encore jamais assisté à un vrai combat.
Ce qui était normal, car les occasions étaient rares d'assister à ce genre de démonstrations dans les bibliothèques ou librairies qu'il fréquentait le plus souvent.
Bien sûr, il n'était pas totalement étranger à la violence non plus, étant un chat et un chasseur dans l'âme, il avait occis plus d'un rongeur au cours de sa vie, recadré plus d'un matou un peu trop envahissant.
Mais ça n'avait rien à voir avec la colère jubilatoire de Déholia qui semblait véritablement ravie de chercher à embrocher la fugitive Kujira.

L'utilisation de cette lame courbe intrigua fortement le chat noir, qui se demandait comment la Bipède pouvait manipuler aussi vivement un objet aussi long.
Peu habile dans la lecture des expressions des bipèdes et encore moins familier des combats de ces derniers, Mahal ne comprit pas grand chose des différentes stratégies tentées par les deux adversaires.
Il grimaça lorsque Déholia encaissa un coup de couvercle de poubelle avec un "Clong" retentissant qui lui vrilla les tympans.
Le chat noir nota néanmoins que Kujira restait sur la défensive et, empêtrée dans ses vêtements - fortifiant l'opinion de Mahal que les habits étaient une coquetterie superflue - elle finit par se faire attraper par Déholia et assommée manu militari, son faciès allant découvrir de près et à grande vitesse la texture et le grain du mur le plus proche.

Mahal mit plusieurs secondes à comprendre que Déholia venait de lui parler, encore nerveux de ce déchainement de violence qui dépassait de loin les batailles les plus féroces entre félins :

- Hmmm ? Oui, oui... d'accord. En route, je suppose. Bien joué d'ailleurs.

Le chat noir joua donc les éclaireurs pour Déholia chargée de son fardeau encombrant, la précédant à chaque croisement avant de lui faire signe lorsque la voie était relativement libre.
Trouver un endroit tranquille et à l'abri des regards fut un peu une gageure, car Mahal n'était pas sur son territoire et Déholia ne passait pas dans les chatières. Ils finirent néanmoins par tomber sur une vieille cour aux murs nus et tristes, sans accès autres qu'une ruelle vide, plutôt loin de la clameur bourdonnante de la foule et du marché.
Pour Mahal, c'était un endroit qui en valait bien un autre.
Maintenant que l'urgence était passée, il sentait l'adrénaline refluer ce qui lui éclaircit suffisamment le cerveau pour qu'il puisse enfin réfléchir efficacement et demander :

- Pourquoi tu as voulu venir te planquer, plutôt que repartir pour la caserne ? Tu as toujours ton uniforme. Et ton arme. Et ton... bagou.

Tout en portant Kujira, Déholia suivait Mahal, aussi rapidement et discrètement que possible. C'était compliqué de faire comme si de rien était avec un homme inconscient sur le dos. Mais, grâce à l'expertise de Mahal, ilsnpurent rejoindre une cour vraisemblablement vide. Ça ferait l'affaire.

La question de Mahal survint a peu près au moment où la Croc laissa tomber le corps inconscient sur le sol et tira une cigarette préalablement roulé d'une petite boîte qu'elle glissa entre ses lèvres et alluma.

— Les procédures mettent des plombes. On m'aurait sûrement retiré l'affaire - à toi aussi par la même occasion, pour l'interroger. Puis, on est non plus a l'abri, que si elle est vraiment d'Antimagia, y est des infiltrés parmis la garde.

Elle marqua une pause, en crachant un peu de fumée.

— Et puis, c'est pas non plus totalement impossible que j'ai tabassé un mec qui n'a rien à voir avec tout ça.

La réalité, c'est qu'elle avait agit plus par instinct que par réflexion. On tape et on pose les questions après. L'ennui, c'est qu'il était plus ou moins recommander d'épargner le crâne. Si Kujira se retrouvait avec une commotion cérébrale et une amnésie, ça allait être emmerdant.

Elle s'accroupit face au corps encore dans les vapes, continuant de cracher, a intervalle régulier quelques volutes de fumée, elle entreprit de solidement nouer mains et pieds de la fugitive.

— Donc. Notre objectif, dans un premier temps c'est de savoir pourquoi elle nous a faussé compagnie. Et si elle est liée à Antimagia. Tu veux jouer au bon flic ? Je lui fais peur, tu fais preuve d'empathie ? Reste éloigné au cas où qu'elle soit mage. Je serais sa première cible, faut absolument que tu reste hors d'atteinte.

Déholia était sûrement un peu trop habitué à extorquer des informations de manière "directe" durant ses opérations. Malheureusement, ses méthodes n'étaient pas très orthodoxes et elles avaient montré leurs limites avec des gens trop dévoué à leur cause.

Elle secoua la tête, chassant le souvenir de ce qu'il s'était passé chez les Stratus. Elle attendit l'aval du chat pour commencer à réveiller Kujira. Lorsque ses paupières s'ouvrien et bâtirent difficilement, un large sourire se dessina sur le visage transformé de Déholia.

— Alors comme ça tu voulais nous fausser compagnie ? Tu vas nous dire pourquoi.

De sa manche, elle fit glisser la dague qu'elle avait utilisé plus tôt dans la journée pour intimider Kujira, ça ferait son effet.

Conscient qu'il était maintenant empêtré dans un domaine dont il ne connaissait pas grand chose, Mahal se rangea sans discuter aux arguments de Déholia.

Il était d'un naturel curieux, c'était vrai. Seulement, il était aussi beaucoup plus habitué à trouver les réponses à ses questions dans les livres plutôt qu'en posant des questions aux bipèdes. Déholia serait sans aucun doute bien mieux placée que lui pour mener l'interrogatoire... si Kujira sortait de son coma.

Tout de même, les enjeux étaient suffisamment importants pour qu'il prenne sur lui. Cela ne diminuait en rien son stress et sa crainte de faire ou dire une connerie durant l'interrogatoire, mais si Déholia avec son expérience de Crocs lui faisait confiance pour jouer les "bons flics" alors il pouvait tenter le coup.

Le chat noir bondit et s'assit sur le rebord d'une fenêtre en hauteur, à l'abri - il l'espérait - d'éventuelles actes de zèle de leur prisonnière.
Se mettre ainsi en position surélevée et "cachée" le rassura un brin.
Il put donc se concentrer sur le comportement de Kujira lorsqu'elle se réveilla enfin.

Dès le début, Mahal sentit que quelque chose ne collait pas dans cette histoire qu'elle débitait à vive allure, d'une voix qui montait progressivement dans les aigus à mesure que la potion cessait de faire effet.
Une journaliste qui débarquait dans la caserne des Crocs pour annoncer qu'elle était prête à divulguer des infos critiques sur un groupe terroriste... pour les mener ensuite vers la hutte de cette vieille alchimiste en leur ayant donné une once de bribe d'infos... puis donner le premier coup en assommant avec violence Déholia et en prenant la fuite avec arrogance - un peu de panache, et un geste d'insulte - en leur volant leur Tulki.
Si elle s'était contentée de leur fausser compagnie, la diatribe du témoin qui se rétractait aurait pu passer, mais Mahal se souvenait très bien de Kujira qui s'approchait de lui avec une lueur mauvaise et déterminée dans les yeux après avoir violemment frappée Déholia par derrière.

Non, ça ne collait pas vraiment.
Qui était Kujira au final ?
Journaliste trouillarde ?
Membre d'Antimagia ? Simple criminelle cherchant à se procurer des potions alchimiques en se moquant un peu des Crocs au passage ?
Autre chose ?
Le chat noir grinça des dents.

- Hé... c'est toi qui a frappé la première. Déholia t'a un peu bousculée à la caserne, mais c'était pour être sûre que tu savais dans quoi tu mettais les pattes.
Après, on est d'accord que le coup de la tête dans le mur c'était un peu exagéré. Mais on est là pour enquêter sur des gens qui ont pas hésité à tuer des gosses par le passé, alors bon... il faut mettre les moyens, surtout comment tu nous a faussée compagnie.
T'as foutu quoi du Tulki ?
Enfin... si tu fais moins de coup bas et que tu nous dis vraiment ce que tu sais, y'a aucune raison que ta tête reparte dans un mur.

Est-ce qu'il jouait bien le rôle du bon flic là ?
Il n'était pas sûr.
Mahal avait le cerveau qui tournait à plein régime en tout cas, et quelques idées germaient doucement pour peut-être extirper une solution de ce joyeux bordel qu'était la situation actuelle.

Déholia resta silencieuse pendant l'explication de Kujira puis celle de Mahal. Laissant son regard océan pénétrait au plus profond de celui de sa prisonnière. Elles avaient toutes deux retrouvé leur apparence. La tentative de Kujira de jouer la civile effrayait et outré par son comportement était habile. Elle cherchait manifestement à agacer Déholia. Mais dès que la soldate avait su que c'était bien la gorge de Kujira que sa dague chatouillait, son attitude avait changé. Plus de place pour le doute, pour l'énervement. 

Ses sourcils se froncèrent alors que Mahal finissait de parler. Elle reprit la parole pour rebondir sur ce que le chat venait de dire.

- Si en revanche, tu nous mens, crois-moi, tu vas préférer être tuée. Parce que, si tu ne nous dis rien maintenant, je vais te cuisiner. Je vais tout te prendre, je sectionnerais tes bras, tes jambes, j'éplucherais chaque détail de ta vie pour te briser. Je ne serais pas là pire brute que tu n'ai jamais vu, je serais le pire monstre. Je te ferais des choses si atroces qu'elle choquerait même le pire des Scorpions. Et tout ça, je le ferais pour Jangala. 

Déholia s'approcha doucement de Kujira, chatouillant un peu plus la gorge de celle-ci avec sa dague.

- En comparaison à ma nation, ta vie vaut bien peu de chose.

Elle se redressa. Invitant du regard Kujira à poursuivre.

La déclaration de Déholia, en comparaison à la sienne, donna des frissons au chat noir.
Elle sonnait presque comme si elle avait oubliée qu'ils étaient censés juste obtenir des réponses, et faisait du cas Kujira une affaire toute personnelle.
Bon, la Croc avait de bonnes raisons d'être en pétard - une bouteille de cassée sur son crâne, la course-poursuite, la bagarre un peu plus tôt - mais Mahal en venait presque à se demander si elle n'en faisait pas trop, ou à quel point elle était sérieuse.
Bienheureux le matou perché sur son rebord de fenêtre, hors de portée des deux bipèdes, en somme.

- L'immunité ? Il va nous falloir un peu de grain à moudre pour qu'on arrive à convaincre quelqu'un de te donner ça. Si, comme tu le dis, ce sont les infos que tu as qui te donnent de la valeur - c'est pas sain de se déprécier comme ça d'ailleurs - il va falloir commencer la distribution avec nous.
Et c'est un peu dur de te faire confiance pour le moment. Il y a à peine deux minutes tu nous racontais encore des conneries en disant que tu es un témoin qui a pris peur.
La balle est dans ton camp.

Bon, le bon flic perdait de sa superbe.
Mahal grinçait un peu des dents. Toute cette affaire était bizarre, il le sentait du bout de sa queue à l'extrémité de ses moustaches.
L'objectif de Kujira n'était pas clair vue ses actions.
Si son but avait été les potions de métamorphose, pourquoi monter cette entourloupe avec les Crocs ?
La vieille qui les fabriquait était suffisamment délurée pour être embobinée sans passer par eux.
Est-ce que c'était pour les faire tourner en bourrique ? Les tester ?

Les distraire ?

- Déholia ? Est-ce qu'elle a encore des doses de cette potion de métamorphose sur elle ?

Avait-elle déposé un stock quelque part de cette mixture infernale à d'éventuels complices dans le marché ?