On ne part pas à l'aventure l'estomac vide ! [Koniake]

On ne part pas à l'aventure l'estomac vide !

- "Les paris honnêtes ? Ah, c'est sûr que soit trop risqué, soit trop peu rentable. Mais il faut bien commencer quelque part, et se faire la main en toute légalité, ça permet aussi d'éviter de gros ennuis !"

Ce gamin est plein de surprises, puisqu'il arrive même à négocier parfaitement sa place à bord du navire ! C'est vrai que généralement, je n'aime pas les chiards, mais les mômes plein de ressources ne me dérangent pas. Et celui-là a l'air particulièrement intéressant. En plus, ça permet d'avoir un membre du groupe frais le lendemain matin.

Ah oui, l'abus d'alcool est agréable le soir, mais beaucoup plus difficile à assumer un fois le soleil levé. Mais en me rappelant la somme qui est à la clé de ce voyage, je dégrise assez vite. Un coup d'eau sur la tronche, une toilette sommaire (ce n'est pas le top du luxe non plus cette auberge) et c'est parti ! J'ai l'impression de passer plus de temps en mer que sur la terre ferme dernièrement.

- "T'as intérêt à vite te remettre ! J'te rappelle qu'on a une bestiole à attraper !"

J'avais déjà pu remarquer lors de notre précédent voyage que Koniake n'avait pas particulièrement le pied marin. Non pas que je sois particulièrement à l'aise sur ces coques de bois non plus, mais au moins mon estomac ne m'embête pas trop (pas plus qu'un lendemain de cuite classique en fait).

D'ailleurs en parlant de bestiole, ça me rappelle assez vite qu'on a bien notre place sur ce navire qui prend désormais le large, mais la suite du plan n'est absolument pas réglée ! Je remonte donc jusqu'à la barre, où se trouve notre capitaine, frais comme un gardon. Il ne me faut pas très longtemps pour lui expliquer en partie nos projets. Du moins, la partie qui implique un minimum une collaboration de la part du capitaine.

- "Un Hudestri ? Bouaha, z'avez pas froid aux yeux vous !! Ces créatures sont adorables une fois domestiquées, mais pour les attraper à l'état sauvage c'est une autre histoire ! Puis comment vous comptez vous y prendre hein ?! Faut pouvoir rester sous l'eau plus longtemps que vos ridicules narines ne vous l'permettent !"

- "J'ai cru remarquer qu'une partie de votre équipage n'appartenait pas au peuple sous-marin. J'imagine que pour vous suivre, ils doivent utiliser des Têtenbulles. Nous avons de quoi vous payer évidemment."

Si le capitaine ne paraissait pas immédiatement emballé, évoquer quelques pièces en supplément parait le rendre beaucoup plus coopératif. Il me faut encore redoubler de persuasion de longues minutes, avant que la sirène à la barre ne finisse par céder.

- "Ok, si vous y t'nez tant, le plus simple c'est encore de faire un détour par Bubble City. J'y connais un éleveur qui d'vrait pouvoir vous filer un coup d'main. Mais ce s'ra pas si simple ! Mon droit d'entrée là bas est un peu grillé alors ça va être à vous d'jouer."

Finalement, après une nouvelle longue conversation sur les moyens d'arriver dans cette fameuse cité sous marine, je me dirige de nouveau vers la cale, où j'avais abandonné Koniake et son mal de mer un peu plus tôt. Je lui explique rapidement le plan très simple. Un concours d'écriture, consistant à s'adresser à la princesse de Mü, par le biais de mots couchés sur le papier. L'auteur de la lettre la plus appréciée de la princesse se verra remettre un prix suite à une grande cérémonie qui se déroulera à Bubble City. Une occasion à ne pas manquer ! Mais avant ça, il faut que l'un de nous gagne ce fameux prix ! Et pour ça, il va falloir écrire et confier les lettres à Mashao, un matelot requin capable des plus grandes performances de vitesse sous-marine.

- "C'est pas le moment de roupiller ! Attrape ta plus belle plume, on a désormais une princesse à faire succomber ! Voyons qui de nous deux réussi le mieux à charmer cette demoiselle !"

On ne part pas à l'aventure l'estomac vide !

Eh bah, faudrait peut-être qu'il pense à éviter de prendre une cuite une veille de virée marine Koniake, parce que pour un peu, là il me ferait presque pitié ! Et pourtant c'est pas mon genre ! Même le môme à côté ne parait pas savoir où se foutre face à ce spectacle lamentable. Enfin au moins, ma nouvelle mission semble le sortir du fond du trou dans lequel il paraissait cloitré. Bah, c'est qu'on parle quand même d'une princesse sirène ! Rien à voir avec la bande de sardines de la taverne d'hier !

- "Allez râle pas et montre nous ton habilité avec les mots !"

J'ai bien compris que son point fort ne réside pas dans l'art du combat, alors il serait temps de faire une démonstration en direct de ses talents ! Bon, c'est vrai que ce petit affrontement avait aussi pour but de le motiver un peu (parce que là il parait plus à même d'écrire un hommage qu'une belle déclaration hein), et surtout, moi les lettres, ça n'a jamais été mon truc. Manier les mots à l'oral, face à la destinataire, il n'y a aucun soucis, mais les coucher sur un papier, c'est beaucoup trop ennuyeux à mon goût. Mais si cela peut me permettre de gagner un paquet d'argent, je peux bien me forcer un peu !

Du coup, il faut aussi que je me plie à l'exercice, et ce n'est pas de grande gaité de cœur que j'attrape une plume que je trempe dans l'encrier. Inspiration, inspiration... Je jette un coup d’œil à Koniake qui semble parti sur sa lancée. Je ferme finalement les yeux quelques secondes, tentant d'imaginer la plus belle des créatures marines, face à moi, histoire de me motiver un peu plus. Et on dirait que ça ne marche pas trop mal, puisque les premiers mots coulent finalement sur ce papier.

Lettre a écrit:

Princesse sirène, lady des fonds marins, héritière de Mü, beauté aquatique,

Au moins autant de noms que de récits à votre sujet, et autant de raisons d'attiser l'intérêt du simple homme que je suis. Je donnerais tant pour avoir la chance de vous voir de mes propres yeux, admirer celle qui inspire autant de contes. Un privilège qui n'est réservé qu'à quelques rares chanceux, mais qui me donne la force de continuer à avancer chaque jour.

Aujourd'hui, je prends ma plume et mon courage à deux mains pour franchir ce pas et oser vous écrire ces quelques lignes. Pour vous avouer à quel point votre gentillesse et votre innocence m'apparaissent comme la preuve qu'il y a encore de l'espoir pour ce monde. Comme je vous admire et comme je regrette de devoir me contenter de cette vie bien fade qui se déroule au-dessus de vos eaux à la fois mystérieuses et envoutantes. Tout cet amour et cette admiration que je voue à votre peuple.

Je n'ai, pour mon plus grand malheur, aucun don pour manier habilement les mots mais je me surprends à espérer que, quelque part, toute la passion qui m'anime à l'idée farfelue que cette lettre puisse arriver entre vos mains, vous apparaitra clairement et réussira, peut-être, à vous toucher.

C'est donc avec humilité mais également une pointe d'appréhension, que je vous livre le fond de mon cœur.

Et voilà, c'est maintenant à mon tour d'avoir l'impression que mon estomac menace de se retourner. Mais ce n'est pas la houle qui en est responsable, mais bien ce ramassis de niaiseries. Je déteste cet exercice, et je dois d'ailleurs reconnaitre ne pas être particulièrement doué. C'est bien pour ça que j'espère que mon comparse réussira à se montrer davantage convainquant ! Ah, je pourrais éventuellement lui reconnaitre une qualité, pour un peu qu'elle nous soit utile ! Parce que là, il nous faut effectivement cet accès à Bubble City !!

- "T'as terminé ?!"

En fait, j'ai bien remarqué que Koniake a terminé sa lettre bien avant moi, mais cela me permet au moins de feindre être totalement désintéressé par ce qu'il a pu faire. Mais si j'attrape effectivement le papier qu'il me tend, je n'ai pas pour autant l'intention de le laisser lambiner aussi facilement !

- "Allez, c'est pas l'heure de la sieste ! Ramène toi, il faut encore qu'on trouve ce Mashao ! Il n'est pas question que je te serve de coursier !"

Même si techniquement, le coursier, ce sera le change-forme aquatique.

- "Eh, petit... Eliott c'est ça ? T'as déjà vu un homme plonger d'un bateau pour se transformer en requin ?! Et puis, t'avais pas dit au capitaine être une bonne vigie ?!"

Parce que si je ne suis pas sûr de pouvoir attirer l'adulte (responsable) sur le pont, je ne compte pas laisser le gamin qui l'accompagne continuer à tirer une telle tronche. Mais ce n'est pas par pure bonté hein ! C'est juste qu'à force, on va réussir à se coller une image de tir au flanc, et je n'ai pas l'intention de me faire abandonner en pleine mer par l'équipage !

On ne part pas à l'aventure l'estomac vide !

Ah, j'avais pas prévu qu'il faille en plus négocier avec le requin !! Mais Koniake s'y colle et parait d'un seul coup beaucoup plus à l'aise que lorsqu'il croupissait dans sa cale ! Cela dit, entre nettoyer un pont et pécher un poulpe... C'est pas super excitant comme programme quand même ! Enfin, si c'est ce qui peut nous offrir notre accès à cette cité qui renferme un possible "éleveur de Hudestris", alors il va bien falloir faire quelques efforts !

- "Depuis quand un prédateur des mers à besoin d'un intermédiaire pour lui pêcher son repas ?"

J'attends évidemment que le change-forme ait fait son plongeon pour manifester mon mécontentement, plus pour moi-même que dans le but d'être entendu. Mais face à l'enthousiasme du gamin après avoir pu observer le passage de l'état bipède à poisson, je dois bien mettre de côté mon irritation passagère.

- "Ah, ouais, j'ai vu, trop la classe."

J'essaie pourtant d'oublier ce léger désagrément pour me concentrer sur la suite du plan.Mais entendre Koniake me nommer gouvernante pour môme a de quoi me faire grincer des dents. Cela étant, je n'ai pas particulièrement envie de me retrouver à astiquer le sol (il y a certaines tâches ingrates que j'ai encore du mal à réaliser...). Après avoir observé le barde des montagnes s'éloigner, je reporte mon attention sur Eliott. Est-ce que je dois préciser que je n'ai pas la moindre idée de la façon dont on "occupe" un mioche ?

- "T'as passé l'âge d'être surveillé par un adulte non ?" Même si je peux comprendre que ses quelques soucis physiques puissent nécessiter un certain support extérieur par moment, je suis sûr qu'il est largement assez grand pour s'occuper tout seul. "Mais si t'es prêt à bosser un peu, tu peux venir avec moi, on a encore du boulot ! Et puis t'apprendras peut-être des choses intéressantes ! Plus intéressantes que le cirage du plancher en tout cas !"

L'apitoiement sur autrui n'a jamais été parmi mes facultés. Et c'est aussi valable pour un gamin fortement handicapé à la gueule à moitié fracassée. Évidemment, j'adapte mon allure pour qu'il puisse suivre le rythme, mais je n'ai sûrement pas l'intention de jouer aux cartes en attendant que Koniake termine. J'ai bien plus intéressant à faire !

C'est donc accompagné de la petite tête blonde que j'entame un tour rapide des membres de l'équipage, sans manquer de lui expliquer dans les grandes lignes la suite du programme. Trouver de parfaits humains parmi les membres de l'équipage avec qui sympathiser, dans le but de négocier notre seul moyen d'accès à la cité sous-marine : des tête-en-bulle. Ce qui me fait au passage remarquer que la nage ne doit pas être particulièrement simple quand on ne dispose que de la moitié de ses membres... Il va peut-être aussi falloir nous trouver une sirène accompagnante qui prenne en charge la mobilité du gosse !

Finalement, la suite de la journée passe assez rapidement. C'est qu'on est pas mal occupés, à passer une bonne partie de l'après-midi à faire connaissance avec ces différents marins, leur filant souvent un coup de main (même si pour ça, c'est souvent moi qui m'y colle) afin de monter un peu dans leur estime. Ah, c'est sûr qu'il y a bien une ou deux blagues graveleuses qui a dû parvenir jusqu'aux oreilles du môme, mais à suivre l'autre énergumène comme il le fait, j'imagine qu'il a déjà dû en attendre d'autres ! Si bien que le soleil entame déjà sa descente à l'horizon quand on rejoint Koniake sur le pont, avec ce qui me parait être plutôt une bonne nouvelle !

- "La question de l'équipement est réglée ! On a désormais le droit d'aller se servir dans la réserve de tête-en-bulle de l'équipage !" Évidemment, ça non plus ce n'est pas totalement gratuit. Mais compte tenu de ce que notre prise doit nous rapporter, ce n'est qu'une maigre dépense. "Et d'après le capitaine, si tout se passe bien, on devrait pouvoir envisager le départ pour Bubble City demain ! Mashao devrait être de retour dans la nuit pour nous dire ce qu'il en est ! Mais ça signifie aussi qu'il va falloir aller lui pêcher son poulpe..."

J'ai à peine soulevé le problème (parce que je n'ai évidemment pas la moindre idée de la façon dont on s'y prend pour pêcher un mollusque !), qu'un rire tonitruant raisonne juste derrière moi, me faisant faire volte-face.

- "Pêcher un poulpe ?! J'espère que vous avez pas prévu de sortir votre cane à pêche les gars ! Il va falloir mouiller la chemise et vous rapprocher un peu plus des fonds marins où ils vivent si vous voulez avoir une chance !"

Je crois que je pourrais être difficilement plus blasé qu'en cet instant. "L'avantage", d'après cet informateur, c'est que nous ne sommes actuellement pas trop loin des récifs, on devrait pouvoir les atteindre assez facilement. L'inconvénient, c'est qu'il va vraiment falloir plonger. J'espère au moins qu'il y a une épuisette quelque part dans ce bateau ! La pêche à mains nues, ce n'est franchement pas pour m'emballer !!

On ne part pas à l'aventure l'estomac vide !

Koniake a peur de l'eau ? Non pas que ça m'étonne particulièrement compte tenu de son comportement à chaque fois qu'il se trouve sur un coque fendant les mers, mais en l'ayant rencontré lors d'une autre escapade marine, je ne m'y attendais pas particulièrement. Peut-être que c'est la raison pour laquelle il préfère être seul, me refilant le mioche entre les pattes. Même si après coup, je dois admettre qu'il n'est pas si emmerdant que ça. Au contraire. Je crois bien que sa présence a joué en notre faveur !

Et c'est donc sans grande surprise que le soigneur perd les rares teintes de couleur qui lui restaient, lorsqu'il est désormais question d'explorer les récifs de coraux qui se situent plusieurs mètres sous nos pieds. Une fois correctement équipés, nous voilà à l'avant du pont, accompagné du matelot incollable sur les poulpes qui continue à sourire un peu trop à mon goût.

- "C'est plutôt rare qu'on s'en remette à ma vue pour servir de guide !"

Loin d'être aussi mal à l'aise que mon camarade à l'idée de ce qui nous attend (c'est la première fois que je vais pouvoir tester l'efficacité d'un tête-en-bulle et j'en ressent une certaine montée d'adrénaline des plus agréables), c'est donc d'une voix légèrement enjouée que je réponds à cette requête. Oui oui, bien sûr que je vais le guider s'il est à ce point aveugle !

Et c'est donc sans attendre davantage que je fais à mon tour le grand saut, suivant de prêt Koniake qui vient de s'élancer (ou plutôt de se laisser tomber), plongeant, tête la première bras écartés, avant de les replier le long de mon corps en pénétrant l'eau. Voyant seulement les jambes de mon comparse s'agiter à la surface, je remonte pour voir ce qu'il fabrique.

- "T'aurais dû m'dire avant que tu nageais comme une pierre !!"

Ah bah ça, je m'attendais davantage à ce qu'il explore ces fonds marins avec moi plutôt qu'à ce que je doive le pousser comme une vulgaire bouée. Mais il a l'air tellement mal que je n'ose pas le contredire, l'aidant à atteindre ce récif qui apparait à la surface de l'eau. J'en profite pour jeter un coup d’œil à ce qu'il y a désormais sous mes pieds. Des couleurs incroyables, des poissons dans tous les sens, mais pas de trace de poulpe. Il va falloir aller plus profond là-dessous pour trouver de quoi faire plaisir à ce foutu requin.

- "Allez, motive toi ! Il va falloir plonger pour de bon maintenant ! Et avec ce qu'on a sur la tronche, ce sera comme si on était à l'air libre alors détend toi !"

Et sans laisser davantage le temps à Koniake de réfléchir, je l'attrape par le poignet, l'entrainement à ma suite sous l'eau. Je ne sais pas exactement d'où lui vient cette peur, mais il est très clair qu'il est proche de la panique. Alors à mesure que je descends les mètres au milieu de ces rochers sous marins aux multiples couleurs, je garde le contact avec le jeune homme. Jusqu'à ce que mon attention capte un mouvement typique de ce que je cherchais.

Aucun doute, notre proie est bien partie à la chasse au poisson, ne s'occupant pas réellement de notre présence. J'en profite pour pointer du doigt le poulpe. Bon, maintenant il va bien falloir qu'il se débrouille seul. J'en viens finalement à me dire que cette mission aurait peut-être été plus simple sans Koniake, mais j'étais loin de me douter qu'il était aussi malhabile au contact de l'eau. Mais cette fois, je vais avoir besoin de mes deux mains. Je relâche donc le soigneur, attrapant le harpon à ma ceinture.

C'est bien la première fois que je me retrouve à chasser ce type de bestiole, mais finalement, cette arme n'est pas si différente de n'importe quelle lame pointue. La pression et la résistance de l'eau sont très différentes de ce qu'on peut retrouver à la surface, mais en profitant de la faible attention du mollusque, je réussis à m'approcher suffisamment pour pouvoir envoyer ce harpon rapidement en direction du poulpe, le gardant à bout de bras.

Une gerbe d'encre noire envahit immédiatement l'eau dans laquelle je me trouve, mais je sens ma prise solidement accrochée au bout de ma lame. Yes ! Bon, maintenant il va falloir que je retrouve mon accompagnateur. Je ne l'ai pas lâché si longtemps, il ne doit pas être bien loin.... Mais il faut admettre que je n'y vois plus grand chose non plus.

On ne part pas à l'aventure l'estomac vide !

Mon poulpe solidement harponné, il est temps de remonter. Et de retrouver la pierre qui m'accompagne. Ah, je sens la corde se tendre, il n'a pas perdu de temps. Parfait, je n'ai de toute façon pas l'intention de rester plus longtemps que nécessaire au milieu de cette marée d'encre. Je suis sûr que je dois être tout sale maintenant ! Je profite du temps qu'il me reste dans l'eau pour frotter chaque partie de mon corps de ma main libre, essayant de regagner une mine à peu près présentable pour ma sortie de l'eau ! Bah, on peut toujours essayer !

Mais un bruit sourd me sort de mes préoccupations de propreté au moment où la corde nous ramène hors de l'eau, et je ne peux qu'observer ce spectacle désolant. Koniake qui continue à se comporter comme s'il était vide de toute énergie. Peut-être qu'il l'est vraiment en fait. Autrement, il joue vraiment bien la comédie. Parce qu'une fois remontés à bord, il n'a toujours pas l'air d'aller beaucoup mieux que sous l'eau.

- "Je ne sais pas trop, il a dû boire la tasse. Amenez lui un verre de rhum, ça devrait le remettre sur pieds."

Quant à moi, je crois que je vais commencer par aller me sécher et me changer. Cette pâte noire n'a pas voulu partir aussi facilement ! Ma prise toujours fermement attachée au bout de mon harpon (je crois que je vais bien aimer cette arme finalement) je repars en direction des cabines, laissant les marins se marrer autour de celui qui a aussi le mal sous-mer apparemment.

Il me faut de longues minutes pour un débarbouillage plus que sommaire (autant que possible sur un bateau en fait), un séchage minutieux puis l'échange de mes vêtements trempés avec une tunique beaucoup plus agréable à porter. Je peux ensuite revenir sur le pont où une certaine agitation règne. Le soleil est désormais couché, mais il ne me faut pas très longtemps pour capter la source de toute cette effervescence. Mashao est de retour et visiblement, ses récits sous-marins passionnent une grande partie de l'équipage. Tant mieux, j'ai une autre affaire à régler avant d'aller lui demander des nouvelles de sa mission. Je m'approche d'un des rares matelots à l'écart de l'attroupement.

- "Koniake s'est réveillé ?"

- "Ton ami ? Ils l'ont ramené en cabine, le doc s'occupe de lui. J'sais pas ce que vous avez foutu là-dessous, mais il était pas bien du tout !"

Allons bon, ce n'est pourtant pas le moment de piquer un somme ! Je repars donc d'où je viens, direction la cabine du docteur de bord (si tant est qu'il soit réellement docteur) où j'entre après avoir eu l'amabilité de toquer quelques coups. Et le spectacle que j'ai sous les yeux n'a pas beaucoup évolué depuis qu'on est revenus à la surface.

- "Allez, t'as assez roupillé, on a encore du boulot !"

L'empathie n'est sûrement pas ma plus grande qualité mais je ne risque pas de m'apitoyer sur son sort (malgré la couleur toujours livide de son visage).